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IDM : Comme nous le savons tous, la devise de la CCG est
« Donnons vie à vos projets », que fait la Caisse pour donner
vie aux Startups ? Que répondez-vous à ceux et celles qui
pensent, et parfois disent, que l’État ne fait rien pour la startup
marocaine ?
Ne vous y méprenez pas ! Depuis 2009/2010, la startup était dans notre scope. Il faut dire aussi, qu’en 2009, il y avait de belles
initiatives. Trois fonds qui se sont constitués en capital-risque, et
on a lancé, déjà à cette période, le premier produit de garantie
pour les organismes du capital-risque. A l’époque, on avait
adopté une approche classique en se disant qu’il y avait un réel
marché avec une offre et une demande. On a donc, comme à
l’accoutumée, décidé de booster l’offre à travers le produit
« Damane Capital Risque », qui consiste à supporter jusqu’à
60% du risque sur chaque dossier financé par un fonds de capital-
risque. En d’autres termes, si jamais ça tombe, on indemnise
l’organisme de fonds à hauteur de 60% des pertes qu’il a subies,
tout en sachant que sur ce genre de fonds, ce n’est pas comme
une banque avec des suretés ou autres. Quand ça s’effondre, ça
s’effondre en totalité. Or, quand on a lancé le produit « Damane
Capital Risque », on a malheureusement remarqué une chose: la dynamique ne s’est pas produite.

IDM : C’est-à-dire ?
C’est-à-dire que sur le marché du financement des startups, on
ne voyait pas une multitude d’initiatives. Pour ne rien vous cacher, on
s’attendait à voir dix ou quinze fonds qui allaient réagir, mais ce
n’était pas le cas.

IDM : Si les organismes des fonds se désintéressaient de ce
marché, ce qui n’est pas de bon augure concernant l’avenir
de ce secteur, pourquoi avoir insisté et lancé récemment le FII
(Fonds innov invest) qui prévoit un dispositif de financement
par les fonds propres des startups ?
Un petit rappel s’impose: on a commencé avec le produit « Damane Capital-Risque » sur la base de données qui étaient celles de 2009, puis on a remarqué que sur ce marché-là, avec un produit uniquement en garantie, on n’allait pas loin car le marché n’est pas mâture. Et
si preuve en faut, on avait même, par la suite, signé
avec des organismes qui proposaient des prêts d’honneur,
comme le « Réseau Entreprendre Maroc », ou
«Souss Massa Drâa Initiative » avec qui on avait signé
une garantie de prêts d’honneur afin que ceux qui sont
en phase de pré-amorçage puissent bénéficier de prêts,
épaulés par notre garantie. C’était même la première
fois de notre histoire qu’on sortait du secteur financier
pour aller vers ce genre d’association. Et ce n’est pas
tout, on garantissait également ces entreprises plus en
aval, en phase de décollage, c’est-à-dire lorsqu’elles ont
dépassé le stade du prototype et deviennent éligibles à
un fonds de capital-risque. C’est pour vous dire qu’on
prenait déjà les risques de tous les côtés. Mais on a rapidement
constaté que si on laissait le marché se développer
tout seul, on n’irait pas très loin. On a donc revu
notre stratégie en se disant que sur ce marché-là, on va
être plus « push », et faire en sorte de créer une dynamique
en endossant l’habit de l’animateur de marché,
afin de donner l’exemple, d’être une sorte de locomotive
et d’investir encore et encore jusqu’à ce que le marché
prenne. On a inscrit dans la stratégie 2013/2016 la mise
en place d’un fonds de capital-risque et d’amorçage.
Cette mise en place a été actée en juin 2016, l’objectif
étant de doter le marché d’une chaine de financement
pour ces jeunes pousses, et ce, depuis le stade de l’idée
jusqu’à celui de la croissance, sans pour autant tomber
dans des erreurs.

IDM : Lesquelles?
Quand je dis erreur, c’est comment on doit aborder
un marché et comment on doit collaborer avec ses
acteurs. Je donne l’exemple de la CCG qui fonctionnait comme une
administration auparavant, mais qui est aujourd’hui
une entreprise travaillant en adéquation avec les règles
du marché. Cette transformation a fait en sorte que les
acteurs arrivent à nous comprendre, et ça marche. Vous
savez, quand on intervient sur du business, la réactivité
doit être au centre du processus, si quelqu’un vient
demander un prêt et qu’il va falloir deux mois pour lui
répondre, on ne fait que lui faire perdre
deux mois de travail. Notre objectif premier était de faire en sorte qu’il
y ait une émergence de fonds d’amorçage et de capitalrisque,
puisqu’on a observé que l’amorçage et le capital-
risque représentaient à peine 7% des fonds globaux
sur le marché national. On a tout simplement décidé de doubler ce chiffre.

IDM : Pour quel horizon ?
D’ici quatre ans tout au plus, parce qu’on a une période
de structuration qui peut prendre huit à neuf mois et
une période minimum de cinq ans d’investissement.
Mais d’ici deux années, les premiers fonds pré-investis
vont être disponibles.

Comme je vous l’ai dit, on était déjà présent
sur le financement du haut du bilan par deux fonds public/privé dont le fonds
PME Croissance. Mais sur cette stratégie, on n’était pas
partis sur de l’amorçage ou de la « créa », on était sur
le développement et la transmission avec l’idée de faire
du downscaling (ndlr : mise à l’échelle descendante),
car le marché tel qu’il se présentait en 2010 était très
haut. On partait sur des PME qui faisaient 200, 300
et même parfois jusqu’à 500 millions de dirhams de
chiffre d’affaires, c’étaient des entreprises non cotées.
Alors, on s’est dit que dans la stratégie de sélection des
sociétés de gestion, on va rajouter une clause qui veut
que leurs cibles soient des entreprises qui font moins de
100 millions de DH de chiffre d’affaires. On a joué sur l’allocation
des ressources pour qu’elles aillent chez une population
qui était très importante, mais qui malheureusement
n’intéressait pas beaucoup les différents fonds.
On est donc investisseurs depuis 2011/2012 dans deux
fonds avec d’autres investisseurs étrangers, voire nationaux,
confiés à des sociétés de gestion qu’on a sélectionnées
et qui sont aujourd’hui dans la dernière phase
de l’investissement. C’est dans ce même esprit qu’on va
aujourd’hui sélectionner deux sociétés de gestion, sur
lesquelles on va pouvoir être majoritaires, et à charge
pour elles, d’aller chercher les investisseurs…

IDM: Quel sera le nombre de sociétés qui seront sélèctionnées à l’issue de l’AMI (Appel à manifestation d’intérêt) que vous avez lancé concernant « la sélection de société(s) de gestion chargées de la structuration et de la gestion de(s) Fonds public-privé, en faveur des Startups marocaines innovantes »?
Tout dépend de l’offre qu’on va avoir et de la qualité des sociétés soumissionnaires. Si l’offre est en deçà de la moyenne, on va refaire; si l’offre est, on va dire moyenne, on ne va pas en prendre qu’une, parce que les autres ne se tiennent pas; si par contre, on a affaire à une belle offre conforme aux normes, on va peut être en prendre deux ou même plus. Tout va dépendre de la qualité de l’offre. En fonction des résultats on pourrait avoir zéro, comme on peut avoir une, deux ou trois sociétés gestionnaires. L’essentiel, c’est qu’à travers cette stratégie Fll, on a plus d’acteurs sur ce marché et, par la la même, plus de dynamisme. Ce qu’il faut comprendre s’agissant des Startups, c’est qu’on est sur un modèle économique, et qui dit nouveaux business plan, dit nouveaux produits, nouvelles cibles, nouvelles manières de travailler que le marché découvre. Le risque est important.

IDM : On a rencontré durant cette enquête des personnes
qui affirment que pour encourager les investisseurs
providentiels, qu’on appelle communément les
« Business Angels », l’Etat doit intervenir en amont en
accordant à ces derniers des gestes fiscaux, telles que
des exonérations d’impôts ou autres, mais aussi en
aval, en allégeant la fiscalité de la startup elle-même
qui, rappelons-le, ne bénéficie d’aucun statut juridique
spécial, c’est une entreprise comme les autres.
Est-ce que vous partagez cet avis ?
L’idée d’avoir un secteur de « Business Angels » n’est pas seulement
salutaire mais nécessaire pour le Maroc. la CCG s’inscrit
dans cette idée. Mais il ne faut pas s’attendre à ce que
ça soit uniquement les « Business Angels » qui financent
tout le marché des startups. Bien sûr qu’il faut établir
un cadre qui permet de faire émerger un secteur de
« Business Angels » au Maroc. Par contre, je ne sais pas
si les gestes fiscaux, comme vous dites, sont le moyens
d’y parvenir, ou le seul moyen d’y parvenir. En tout cas,
en ce qui concerne la CCG, dans le cadre du FII, on a
prévu une fenêtre « Business Angels », parce qu’on veut qu’il y ait un secteur de « Business Angels » développé au Maroc.

IDM : Et elle donne sur quoi cette fenêtre ?
Sur un co-investissement avec les « Business Angels ». Autrement dit, s’il met un million, on met un million avec lui. Maintenant comment, là est
toute la question ! Il y a un travail qui est fait au
niveau de la Direction du Trésor dans ce sens-là.
Quoi qu’il en soit, à ceux qui vous ont dit ça, et à ceux
qui vous ont dit que l’Etat ne fait pas grand chose pour
les startups, il faut leur dire qu’on n’est pas là pour les
concurrencer; bien au contraire, on est là pour les soutenir.
La CCG ne fait rien sans les autres, elle n’est pas là
pour se substituer aux acteurs, mais pour prendre une
bonne partie du risque avec eux, et dans le cas de ce co-investissement
avec les « Business Angels », c’est 50/50.
Je le répète, notre rôle est d’animer le marché des
startups et de travailler pour la création d’une chaine
de financement viable. Vous savez, beaucoup de gens
ont cru au début qu’on allait créer notre propre fonds,
avec notre propre société de gestion, d’autres ont pensé
qu’on allait carrément créer nos propres incubateurs. Notre
objectif n’est pas celui-là, notre objectif est de créer un
écosystème de financement propice aux startups et non pas de nous
substituer aux autres.

IDM : Dans le sens inverse, pensez-vous que le secteur
privé, et notamment les grands groupes n’investissent
et ne s’investissent pas assez, ou très peu, dans les
startups marocaines, pour ne pas dire qu’ils ne croient
pas en elles !
Je vois où vous voulez en venir ! Ce que je peux vous dire
à ce sujet, c’est qu’aujourd’hui les startups et leur environnement
ont besoin de l’énergie de tout le monde,
secteur privé comme Etat, parce que ce dernier ne peut
pas tout faire. C’est comme dans un match de foot, il
ne faut pas s’attendre à ce que le même joueur fasse le
dégagement ou le centre et qu’il marque. Un tel joueur
n’existe pas.

IDM : Mais si ! Messi.
(ndlr : rire) Je ne vous parle pas des extraterrestres.

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