Le secteur du froid industriel a connu un développement au Maroc et de nombreuses réalisations incluant notamment le développement durable. Des activités auxquelles contribue l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI), comme le souligne M. Jaime Moll de Alba dans cet entretien.
IDM : Comment contribue l’ONUDI dans le développement du secteur du froid industriel au Maroc ?
JMDA : L’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) est devenue une agence de mise en œuvre du Fonds multilatéral du Protocole de Montréal en 1992. Notre organisation est fière d’avoir contribué au succès de ce traité international. Depuis 1992, l’ONUDI a appuyé les efforts de pays et d’entreprises dans le monde entier dans la promotion des progrès technologiques ayant comme résultat une amélioration des conditions de vie. Cela est particulièrement évident dans des domaines tels que le froid industriel, la climatisation et l’horticulture où l’enjeu environnemental global de l’élimination des substances appauvrissant la couche d’ozone a conduit à des innovations significatives ainsi qu’à des changements sectoriels. A cet égard, le Royaume du Maroc constitue un exemple de l’impact de la coopération entre le gouvernement, le secteur privé et la communauté internationale. L’ONUDI a fourni une assistance au Maroc dans le domaine du froid industriel depuis 1998. Notre appui s’est focalisé sur la modernisation des procédés de fabrication, la sensibilisation, la formation des techniciens aux meilleures pratiques d’installation et de maintenance, l’amélioration de la réglementation et la coopération des entreprises nationales et internationales. Tout cela a eu comme résultat l’élimination des chlorofluorocarbones (CFCs) deux ans avant la date limite fixée par la communauté internationale, ainsi que le plan national d’élimination des hydrochlorofluorocarbones (HCFCs) dans les prochains 15 ans.
IDM : Qui sont vos partenaires à ce niveau ?
JMDA : Au Maroc, l’ONUDI travaille très étroitement avec le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique qui est le point focal marocain pour le Protocole de Montréal. Il faut indiquer qu’un éventail très large d’autres institutions marocaines participe aussi à la mise en œuvre des projets en fonction de la thématique. Je voudrais souligner le rôle important de l’administration des douanes qui assure le contrôle des substances importées et exportées, De même, les associations professionnelles telles que les associations, les fédérations, les écoles de formation professionnelle, le centre marocain de production propre,… sont associés à l’exécution de nos projets.
IDM : Quels sont les chantiers sur lesquels vous avez œuvré à ce jour ?
JMDA : Permettez-moi de rappeler que suite à l’élimination des CFCs en 2008, deux ans avant la date limite accordée avec le Protocole de Montréal, le Royaume du Maroc a lancé l’élimination des HCFCs. Le Plan national d’élimination des HCFCs vise à éliminer la consommation de ces substances au Maroc et à réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre en introduisant des technologies respectueuses de l’environnement dans les domaines du froid industriel et de la mousse isolante. Les activités du Plan consistent à :
- revoir les politiques existantes telles que le système des quotas et des licences, le système de mise en œuvre de procédures douanières, etc. ;
- renfoncer les institutions ;
- développer des campagnes de sensibilisation ;
- entreprendre des enquêtes sur la consommation des HCFCs ;
- assister techniquement et financièrement les entreprises manufacturières dans la conversion de leurs technologies ;
- Améliorer les réseaux de formation existants.
Le Plan met l’accent, entre autres, sur l’industrie de la pêche qui a des liens très étroits avec le froid industriel. Comme vous le savez, le secteur de la pêche joue un rôle important dans l’économie marocaine avec un million de tonnes exportées et plus d’un milliard de dollars par année. De plus, il emploie plus de 450.000 personnes dont plus d’un tiers dans la pêche artisanale. Notre principal objectif dans ce domaine est l’amélioration des technologies de froid et la réduction de la consommation électrique des infrastructures de froid industriel peu efficientes telles que les chambres froides, les unités de traitement du poisson, les unités de fabrication de glace, les unités de froid dans les bateaux de pêche et les unités réfrigérées de transport.
IDM : Comment allier la notion du développement durable et inclusif au développement du froid industriel au Maroc ?
JMDA : Même avec leur accent particulier sur l’élimination des substances appauvrissant la couche d’ozone, les activités de l’ONUDI dans le cadre du Protocole de Montréal permettent aux industries d’accroître leur productivité et performance économique en réduisant leurs charges d’exploitation grâce à la diminution de la consommation énergétique, des coûts de maintenance, etc. La modernisation des procédés de fabrication est accompagnée systématiquement d’ateliers de formation pour les techniciens pour garantir que les entreprises bénéficiaires restent compétitives et productives lors de l’utilisation des technologies propres. De plus, des économies sur la consommation énergétique et des réductions de coûts de maintenance sont bénéfiques aux entreprises et contribuent à garantir la durabilité des projets. De plus, il faut souligner que souvent ces améliorations aident à accroître la capacité exportatrice des entreprises participantes. On peut conclure sans aucun doute que tous ces facteurs contribuent à atteindre un développement industriel inclusif et durable qui est au cœur du mandat de l’ONUDI.
IDM : Du point de vue de l’ONUDI, quelles sont les problématiques dont souffre le secteur ?
JMDA : Il faut rappeler qu’un nombre élevé d’installations de froid industriel qui restent au Maroc dépendent de HCFCs et opèrent avec peu d’efficience et produisent des émissions importantes de carbone. Dans les pays en voie de développement, la tendance suite à l’élimination des HCFCs est de les remplacer par des alternatives telles que les hydrofluorocarbones (HCF) qui constituent des investissements moins élevés mais sont de substances qui contribuent de façon importante au réchauffement et au changement climatique. La solution la plus respectueuse de l’environnement pour le remplacement du HCFC-22 est la promotion du remplacement des technologies existantes et de l’utilisation des réfrigérants respectueux du climat. Dans le cas de la chaîne de froid du secteur des aliments, l’introduction des méthodes de réfrigération sécurisantes et efficientes revêt une importance particulière pour être en mesure de garantir la qualité et la sécurité des aliments.
Il faut rappeler aussi que le froid industriel constitue une des principales sources de consommation énergétique de ces secteurs. Ainsi, le froid industriel représente la moitié des coûts énergétiques et les chambres froides 90% de ces coûts. De plus, les pertes dans les réfrigérants sont particulièrement élevées dans l’industrie de la pêche à cause des charges fréquentes des équipements de réfrigération, notamment dans les bateaux, et de l’ancienneté des technologies de réfrigération. Ainsi, il est très important de remplacer les technologies obsolètes de réfrigération qui sont toujours utilisées et de proposer un schéma viable pour assurer un remplacement avec des technologies performantes et respectueuses de l’environnement pour l’ensemble de l’industrie.
IDM : Existerait-il des projets qui seront menés par l’ONUDI pour le secteur du froid industriel ?
JMDA : L’ONUDI prépare actuellement une proposition de projet qui vise à soutenir le développement du secteur de la pêche au Royaume du Maroc. L’objectif final de ce projet est d’appuyer la durabilité, l’efficience et la compétitivité de ce secteur afin de garantir les emplois et générer des revenus et en même temps promouvoir une performance respectueuse de l’environnement. Ce projet visera à améliorer la performance du secteur et mieux utiliser les ressources tout au long de la chaîne de valeur en prenant compte des considérations socioéconomiques et de son impact environnemental. L’utilisation des technologies vertes couplée à la formation, la sensibilisation et le renforcement des capacités institutionnelles contribueront à opérer un changement significatif du marché qui devra générer des bénéfices économiques durables pour l’ensemble de ce secteur.
Je voudrais aussi annoncer que l’ONUDI est en train de préparer un projet dans le domaine de la réparation et l’assemblage de la réfrigération qui constitue la continuité du Plan national d’élimination des HCFCs. Cette nouvelle phase du Plan vise à réduire davantage la consommation de HCFC dans les secteurs de manufacture et de la réparation de mousse et réfrigération. Ce projet vise à mettre en place un ensemble d’activités autour des unités de réfrigération et des chambres froides ainsi que des utilisateurs résidentiels et commerciaux des unités de climatisation.
Propos recueillis par Siham HAMDI