Dans cette entrevue avec M. Ryad Mezzour, ministre de l’Industrie et du Commerce, il revient, entre autres, sur l’état de fait que l’agroalimentaire est et reste un secteur stratégique, historique et vital, pour notre économie, qu’il soit pleinement ancré dans le développement socio-économique du royaume… Justement, il n’a pas occulté que la résilience exceptionnelle dont cette industrie a fait preuve, assurant un approvisionnement régulier et normal du marché national, depuis le début de la pandémie de la Covid-19, soit une fierté nationale.
Après le Plan Maroc Vert et le Plan d’accélération Industrielle, peut-on dire que l’industrie agroalimentaire a joué son rôle de relais de croissance et que l’agroalimentaire en général va continuer de figurer parmi les moteurs de l’économie marocaine?
Incontestablement, oui ! D’emblée, l’agroalimentaire est et reste un secteur stratégique, historique et vital, pour notre économie. Il est pleinement ancré dans le développement socio-économique du Royaume et son importance a bien été attestée par son rôle majeur dans la préservation de la sécurité alimentaire de notre pays. La résilience exceptionnelle dont l’industrie agroalimentaire a fait preuve, en assurant un approvisionnement régulier et normal du marché national en produits alimentaires dans l’ensemble des régions, depuis le début de la pandémie de la Covid-19, est une fierté nationale. J’ai tenu, d’ailleurs, lors de ma rencontre le 12 novembre 2021, avec la Fédération nationale de l’agroalimentaire (NDLR : FENAGRI), à saluer les opérateurs du secteur pour leur mobilisation rapide et efficace grâce à laquelle les Marocains n’ont manqué de rien tout au long de cette crise sanitaire.
En chiffres, je rappelle que le secteur a capté, à lui seul, 40 % des exportations marocaines réalisées sur la période 2014-2020 et créé 91 000 nouveaux emplois. Et durant les onze premiers mois de 2020, il a réalisé 62,9 milliards de DH d’exportations contre 54,8 milliards de DH à fin novembre 2019. Le secteur se positionne comme l’un des moteurs de notre industrie et l’un de ses principaux pourvoyeurs d’emplois industriels.
Aujourd’hui, les 2100 entreprises que compte le secteur représentent 24 % du total des établissements industriels et emploient 19% de l’effectif industriel (160 000 personnes). Le secteur représente aussi un chiffre d’affaires à l’export de 15% dans l’industrie et une valeur ajoutée de 25% du PIB industriel.
Ces indicateurs ne sont pas le fruit du hasard ! Ils sont le résultat des stratégies ambitieuses et des visions claires mises en œuvre sous la Direction Avisée de Sa Majesté le Roi, Mohammed VI, que Dieu L’Assiste, dont le Plan Maroc Vert et le Plan d’Accélération Industrielle que vous avez cités, mais aussi d’autres comme le Plan Halieutis ou encore le Plan de Relance industrielle que nous menons aujourd’hui.
Ces stratégies ont toutes pour point commun le développement de notre compétitivité à grande échelle. Nous avons un long chemin à parcourir pour y arriver, mais nous sommes tous, gouvernement et opérateurs privés, mobilisés dans ce but. Nous poursuivrons, dans cet élan, l’édification d’une industrie agroalimentaire compétitive, innovante et à forte valeur ajoutée en mesure d’assurer la sécurité alimentaire du Royaume, conformément aux Orientations Royales.
Moderniser les appareils de production et redynamiser la R & D dans le secteur agroindustriel suffiront-ils à rendre compétitifs les produits marocains sur son propre marché où ils continuent de subir une certaine concurrence ?
Aujourd’hui, le constat est clair : le consommateur marocain est de plus en plus exigent et nos industriels doivent restés à son écoute pour répondre au mieux aux besoins du marché local et contribuer à son développement. Concrètement, cela veut dire que le secteur est appelé à accélérer la cadence d’une dynamique très soutenue en vue de relever, d’abord, les défis sur son propre marché pour s’y imposer et faire face la concurrence de plus en plus rude.
Nous avons des compétences exceptionnelles et nous continuons de développer la formation de ressources humaines qualifiées. Si nos opérateurs s’investissent davantage dans la R&D et l’innovation et j’entends par là la décarbonation et l’Industrie 4.0, nos produits n’auront plus rien à envier à ceux qui proviennent d’ailleurs. C’est une logique !
Alors oui, nous avons tout pour réussir ce pari. Avec la diversification, la montée en gamme de nos produits et le développement de marques marocaines qui offrent au consommateur un rapport qualité-prix favorable, notre agro-industrie aura atteint le haut du podium.
C’est pourquoi, le gouvernement a fait de la promotion du « Made in Morocco » une priorité qui s’inscrit, d’ailleurs, en droite ligne avec le Nouveau Modèle de Développement (NMD) faisant de la fabrication locale un gage de qualité, de compétitivité et de durabilité.
Dans cette volonté, notre ministère, je le rappelle, a lancé en septembre 2020 une banque de projets dans la perspective de la substitution à l’import et a enclenché, dès avril 2021, le processus de développement du sourcing local auprès des fabricants nationaux via la Grande et moyenne surface (GMS), à travers des partenariats avec le groupe Marjane et le groupe Label’vie.
Nous restons convaincus que la commande des donneurs d’ordre privés peut jouer un rôle de catalyseur du développement du sourcing local, de diversification et de montée en gamme de l’offre des produits répondant aux critères de qualité et de prix exigés par le consommateur marocain. Pour nous, le sourcing local représente donc un levier de développement certain auquel nous accordons toute l’importance qu’il mérite dans notre objectif de renforcer le marché local.
Le 12 novembre dernier, face aux opérateurs de la Fenagri, vous avez magnifié l’importante riposte anti-covid de l’industrie agroalimentaire et son rôle dans la sécurité alimentaire, la création d’emplois… A quels niveaux se situent les gaps objectifs pour plus de points de croissance ?
Comme je l’ai précisé dans votre première question, la pandémie a permis de démontrer au monde entier la résilience et la force d’adaptabilité de notre industrie agroalimentaire. A présent, nous devons capitaliser sur ces acquis et saisir les opportunités qui s’offrent à nous pour accélérer la dynamique de croissance que connaît le secteur. Cela a été, d’ailleurs, à l’ordre du jour de ma rencontre avec la FENAGRI. Nous y avons tracé des lignes claires de la feuille de route de développement du secteur au diapason des évolutions des habitudes alimentaires du consommateur marocain, des mutations mondiales et des priorités nationales d’assurer la sécurité alimentaire et la souveraineté industrielle de notre pays.
Ces défis nous ont amené à identifier plusieurs points déterminants pour la croissance du secteur, notamment le renforcement de l’intégration des chaines de valeur pour une meilleure valorisation/transformation des ressources locales et pour créer plus de valeur ajoutée. Tout aussi essentiels : le développement du capital humain et des outils de production par leur modernisation et l’optimisation de la gestion des ressources en adoptant les énergies propres afin de réduire la facture énergétique et de fabriquer des produits nationaux compétitifs et décarbonés, critère désormais indispensable pour pouvoir accéder aux marchés extérieurs.
Il faut également miser sur le développement durable (économie circulaire, décarbonation, …) et sur d’autres relais de croissance via de nouvelles niches, par exemple, dans le bio et les produits du terroir.
En somme, trois clés de croissance sont indispensables à la longévité du secteur: qualité, innovation et décarbonation. Il faut s’y inscrire pour suivre les tendances et les évolutions technologiques si on veut s’imposer. Le secteur n’a pas d’autre alternative pour évoluer que de chercher sa force dans sa mise à niveau progressive et continuelle pour affronter la concurrence des produits étrangers sur le marché local et accéder aux marchés étrangers. Le grand potentiel du secteur et le savoir-faire intarissable de nos régions sont, pour nous, un atout majeur pour y arriver.
Le ministère ne ménagera aucun effort pour accompagner les opérateurs dans ce processus d’évolution pour renforcer notre positionnement aussi bien sur le marché local qu’à l’export et la complémentarité entre les différents écosystèmes industriels autour de projets de développement fédérateurs.
(La suite de cette interview à lire dans le numéro 69 du Magazine industrie du Maroc à paraître le 31 Mars 2022)