L’Institut Groupe CDG a organisé vendredi 16 décembre un webinaire sous le thème : « Préparer les villes marocaines aux changements climatiques » en vue d’accompagner la continuité de la réflexion qu’il mène sur les enjeux liés au développement des villes et des territoires.
En effet, le changement climatique est l’un des plus grands défis du 21ème siècle. Les effets induits par celui-ci se font ressentir à l’échelle locale et exigent donc des réponses locales. Les villes doivent se mobiliser aujourd’hui afin de faire face à ces impacts sur les écosystèmes urbains, notamment à travers l’intégration de la dimension climatique dans les programmes de développement locaux.
Afin de questionner la résilience des villes marocaines et l’intégration de la dimension climatique dans leurs programmes de développement, l’Institut a convié :
- Mounia Diaa Lahlou, Directrice Développement Société d’Aménagement et de Développement Vert (SADV) – OCP
- Nour El Houda El Hamoumi, Directrice du Département Développement Durable, Société d’Aménagement Zenata (SAZ) – Groupe CDG
- Carlos de Freitas, Conseiller Stratégie pour le Fonds Mondial pour le Développement des Villes (FMDV)
- Abderrahim Ksiri, Président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT) & Membre du Conseil économique, social et environnemental (CESE)
Les impacts du changement climatique compliquent les défis auxquels doivent faire face les villes marocaines aujourd’hui. Le développement urbain rapide qu’a connu le Royaume, conjugué à l’insuffisance des politiques d’accompagnement, a concouru au creusement des inégalités. A cela s’ajoutent les défis liés aux questions de sécurité et de souveraineté nationale, ainsi que les mouvements de « migration climatique » issus du milieu rural mais aussi en provenance des pays d’Afrique subsaharienne. Le manque de visibilité amplifie la crise : les pouvoirs publics doivent prendre des décisions dans l’immédiat quant aux infrastructures qui seront déployées à moyen et long terme, en l’absence de certitude sur l’évolution des conditions climatiques.
La crise est donc multi-dimensionnelle : on ne peut plus dissocier les effets climatiques et écologiques des aspects économiques, financiers et sociaux. Sa résolution doit donc mobiliser tous les acteurs : élus, société civile, populations locales, etc. Les effets du changement climatique doivent désormais être intégrés comme une composante intrinsèque de la gestion des espaces urbains.
Dans ce contexte, depuis plus d’une décennie, le Maroc tente de conduire de nouvelles expériences urbanistiques qui mettent le développement durable au cœur de la planification urbaine et de la gestion des territoires, à l’image de l’éco-cité de Zénata et de la nouvelle ville de Benguérir. Des projets urbains qui tiennent compte dès les premières phases de leur conception des questions écologiques et environnementales et essaient de limiter les émissions des gaz à effet de serre (GES) et de créer des espaces de vie qui mettent l’humain au centre du dispositif.
A travers des analyses et des diagnostics constructifs, la société civile marocaine a aidé au développement d’une prise de conscience collective quant à l’impact du changement climatique sur le développement des villes marocaines. Elle a mobilisé pour cela de multiples leviers à différents niveaux d’action : orientation et animation des débats publics, plaidoyer auprès des pouvoirs publics, développement et accompagnement de projets d’adaptation et d’atténuation, actions de sensibilisation auprès des jeunes et des moins jeunes, etc.
Il y a également une réelle prise de conscience des enjeux climatiques au sein de la classe politique, ce qui a facilité l’intégration des actions d’adaptation et d’atténuation aux programmes d’actions locaux : 70% à 75% des projets prévus dans le cadre des nouveaux plans de développement régionaux (PDR) intègrent la dimension climatique. Toutefois, la mise en place de ces projets demeure tributaire de la disponibilité en quantité suffisante des ressources humaines disposant des compétences techniques nécessaires, particulièrement au niveau des petites communes.
Aujourd’hui, les bailleurs de fonds publics internationaux (banques de développement, agences de coopération, etc.) affichent clairement leur soutien aux projets à teneur climatique. Les collectivités territoriales et les gouvernements locaux sont les grands favoris, du fait de leur proximité avec les populations et leur sensibilité aux réalités et aux besoins locaux. Toutefois, l’accès à ces lignes de financement peut s’avérer compliqué à cause du manque d’expérience des collectivités territoriales dans le montage économique et financier des projets climatiques et des difficultés qu’elles peuvent rencontrer pour assurer les reportings exigés par les bailleurs de fonds. C’est dans ce cadre que le SISTIF (Programme de Soutien Institutionnel, Stratégique et Technique à l’Intégration, à la Préparation et au Financement de Projets Locaux et Régionaux Adaptés aux Changements Climatiques) a été lancé et ce, afin de mettre en place une équipe d’expertise financière au niveau domestique capable d’accompagner les régions et les collectivités territoriales du Royaume dans le montage des projets à teneur climatique. L’objectif est d’accompagner les gouvernements locaux à monter des projets attrayants pour les investisseurs, qu’ils soient bailleurs de fonds étrangers ou nationaux.
Des recommandations fortes se sont dégagées de cette rencontre :
- Il ne faut pas commettre l’erreur de considérer que toutes les actions de développement durable sont coûteuses, car plusieurs relèvent uniquement du bon sens et leur mise en place ne nécessite pas des fonds supplémentaires (orientation des bâtiments, espaces verts avec des plantes adaptées au territoire en question, etc.) ;
- Les collectivités territoriales doivent être en mesure de monter des projets d’adaptation et d’atténuation qui soient techniquement viables, c’est ce qui leur permettra de créer de la mobilisation autour de ces projets et d’attirer les financements nécessaires ;
- Il faut encourager le développement d’organismes d’intermédiation (comme la CDG ou le FEC) capables de capter les financements climatiques internationaux, grâce notamment à la confiance dont ils jouissent auprès des bailleurs de fonds étrangers et à leur capacité à produire des reportings financiers conformes aux normes internationales ;
- Il faut également solliciter les financements privés : les collectivités territoriales développent plusieurs projets « bancables » dans des secteurs d’activités attrayants (transport, traitement des déchets, production d’énergies renouvelables, efficience énergétique, etc.) qui peuvent attirer des fonds privés ;
- Il faut veiller à installer une coalition d’intérêts entre les différentes parties prenantes. Les collectivités territoriales peuvent planifier les actions et animer le débat et le dialogue. Mais elles ne peuvent pas agir seules, elles doivent pouvoir compter sur l’apport des acteurs organisés au niveau local (coopératives, entreprises, etc.) pour les alimenter en projets qui s’inscrivent dans leurs stratégies de développement local. Les collectivités territoriales doivent être le point de jonction entre ces acteurs locaux et les bailleurs de fonds ;
- Aujourd’hui, avec l’incertitude qui plane sur les effets du changement climatique que nos villes vont devoir affronter, il est temps de mettre l’Université et la recherche au centre de l’action locale. L’environnement d’innovation qu’elles hébergent doit être mis au service du développement des territoires. Il faut également impliquer l’écosystème de startups pour la recherche et le développement de solutions innovantes aux problèmes urbains ;
- Il n’y a pas de solution miracle pour garantir la résilience d’un territoire. Mais une approche urbaine structurée, intégrée, holistique et inclusive permet de traiter de manière efficace les défis d’aujourd’hui et de gagner en résilience pour pouvoir approcher les défis de demain !