Le Maroc importe tout et n’importe quoi. De la matière première aux produits finis en passant les biens d’équipements ou encore l’énergie. Et si on fabriquait ici ces produits qui plombent notre économie ? Enquête.
Manger, s’habiller, se meubler, se cultiver ou encore se déplacer, tout ce que les Marocains font dans leur quotidien, ils le font grâce à des produits « made » sous d’autres cieux. On conduit des voitures fabriquées en Europe ou en Asie, on porte des vêtements confection- nés en Chine ou au Bangladesh, on cuit nos repas dans des fours venus de Turquie ou de la Russie… Bref, on est totalement assujetti à une consommation et à une culture mondialisée. On ne peut absolument pas vivre sans ces produits fabriqués ailleurs. Depuis une éternité, le Maroc importe tout et n’importe quoi. De la matière première aux produits finis en passant les biens d’équipements ou encore l’énergie. Aujourd’hui, le déficit de la balance de commerciale s’apparente à un gouffre abyssal tellement il est énorme, telle- ment il est structurel. Car depuis des décennies qu’on importe à tout bout de champ. Les chiffres donnent le tournis. En 2015, le solde extérieur pour les biens ressort à -152 ,2 mil- liards de dirhams, selon les derniers chiffres publiés par l’Office des changes. Si le com- merce extérieur du Maroc a connu une certaine embellie en 2015, c’est principalement grâce à l’effondrement du prix des énergies fossiles. Il y a quelques années, le Royaume a adopté une politique tournée vers l’industrie, dont l’enjeu n’était pas d’industrialiser le pays, mais surtout de le repositionner sur l’échiquier de l’économie mondiale. Une politique qui a d’ailleurs permis de voir émerger de métiers mondiaux comme l’aéronautique, l’offshoring ou encore l’automobile. De mégaprojets et de grands programmes d’infrastructures (ports, autoroutes, énergie renouvelable…) ont aussi vu le jour pour une parfaite mise à jour des plateformes nécessaires à l’industrialisation. Ceci a contribué d’une certaine manière à l’amélioration de la balance commerciale. Mais, on est encore loin du compte… En 2015, les importations n’ont reculé que de 5,6% alors que les exportations ont progressé de 6,7% seulement. Il y a encore du chemin à faire. Rééquilibre cette balance commerciale relève de l’utopie. En tout cas, tout le monde semble le croire. Faut-il pour autant baisser les bras? Évidemment non, même si le défi pourrait nécessiter des années, voire des décennies, et même s’il s’apparentait plus aux douze travaux d’Hercule qu’à une mission impossible. Et si on fabriquait ici ces produits qui plombent notre économie ? L’idée semble si simple et si évidente. Plus on investit dans l’industrie nationale, plus on soutient l’emploi, plus on rééquilibre balance commerciale et plus on crée de la richesse. Mais elle est encore plus complexe que compliquée. Que produire ? Comment le produire ? Et pour qui le produire ? La rédaction d’IDM s’est penchée sur ces questions. Elles ne sont guère faciles. Lorsqu’on jette un coup d’œil sur les chiffres des importations, on aperçoit évidement que ce sont les hydrocarbures qui s’accapare la part du lion (gas-oils et fuel-oils, huile brute de pétrole, gaz de pétrole et autres hydrocarbures). Puis, après le blé, il y a les matières plastiques et ouvrages divers en plastique. On en importe aussi énormément qu’on en exporte. En 2014, les importations de ces produits s’élevaient à 11,605 milliards de dirhams. Or, ce que l’on ne voit pas dans les statistiques de l’office des changes, ce sont ces emballages en plastique qu’on retrouve partout dans les produits exportés. Il ne s’agit là que d’un exemple qui illustre parfaitement la complexité de la question concernant les produits les plus importés. Le plus judicieux serait plutôt d’identifier des produits finis de consommation qu’on pourrait fabriquer chez nous. Et pourquoi pas ? Aujourd’hui, grâce à la politique industrielle adoptée par le Maroc, les plateformes et les infrastructures sont disponibles. Tout comme les incitations fiscales et autres avantages accordées actuellement à ceux qui sou haiteraient se lancer dans une aventure industrielle. Il suffit de voir grand. Le Maroc a les capacités de créer des marques, des produits et des expériences remarquables. Dans l’agroalimentaire, par exemple, il y a déjà des noms aujourd’hui reconnus parfois au-delà des frontières. Mais ce n’est guère suffisant car il y a tellement de niches, tellement d’opportunités à saisir uniquement sur ce secteur d’activité. Aujourd’hui, le premier défi c’est de revaloriser nos exportations. Il ne s’agit pas d’augmenter la quantité, mais d’augmenter la valeur ajoutée de ce qu’on produit. L’autre grand défi, c’est de fabriquer d’avantage de produits « Made In Morocco » pour le marché local. Et c’est là où tout peut se jouer. Rien n’est impossible. Il suffit d’y mettre de la volonté politique. Et toute industrialisation nécessite une politique publique qui devrait l’accompagner. À l’export, le Maroc ne peut jamais rivaliser avec des géants comme la Chine. Alors on peut donc produire pour le marché local afin d’alléger le déficit historique de la balance commerciale. La rédaction d’IDM s’est mobilisée afin de dresser une liste de ce qu’on pourrait produire ici. Cette liste n’est pas exhaustive. Il s’agissait pour nous avant tout de braquer les projecteurs sur un certain nombre de pistes à creuser. Évidemment, il ne suffit de savoir que produire, mais aussi comment le faire et en- fin – et c’est le plus important – comment le vendre ? Et à qui ? Ceci nécessitera des études, des diagnostics, des plans d’action, des équipes qualifiées et un accompagnement rapproché. Devenir un pays industriel émergent, c’est possible. Maintenant, il suffit de s’y mettre.