Véhicule électrique : la crise

Le passage à l’électrique, annoncé en grande pompe dans l’industrie automobile, fait face à quelques turbulences ces derniers mois. Sur le Vieux Continent, où la fin des moteurs thermiques a été actée pour 2035, les ventes de véhicules électriques ont drastiquement baissé. Pendant ce temps, bien que le marché marocain reste timide, il apparaît prometteur et pourrait offrir une bouffée d’air frais à l’Europe.

Selon les chiffres de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), publiés en septembre dernier, les ventes de véhicules électriques ont globalement chuté de 44 %, avec une baisse spectaculaire de 69 % en Allemagne. Ce constat laisse un goût amer : l’électrification du parc automobile ne progresse pas au rythme espéré, ce qui pourrait rapidement entraîner des répercussions. Selon une analyse d’Europe 1, cette situation impacte l’emploi, avec, par exemple, la grève chez Audi en Belgique en septembre et la menace de fermeture d’une usine Volkswagen en Allemagne. Marc Morture, directeur général d’une plateforme regroupant la filière automobile, a déclaré que ces baisses mettent en péril « 65 000 emplois en France » en raison de la transformation industrielle, marquée par une réduction drastique du nombre de pièces nécessaires pour un moteur électrique par rapport à un moteur thermique.

Véhicule électrique :  batterie en rupture

Ce qui inquiète davantage, c’est que cette morosité du marché de l’électrique s’accompagne de fortes perturbations dans la production des batteries, pièce maîtresse de la mobilité verte. De sérieuses menaces de rupture pèsent sur les constructeurs automobiles. En effet, plusieurs projets de fabrication de batteries sont au point mort, voire annulés. À la mi-année, ACC a annoncé la suspension de la construction de ses gigafactories prévues en Italie et en Allemagne, évoquant une baisse de la demande. ACC, autrefois surnommée « l’Airbus de la batterie électrique », une coentreprise détenue par Stellantis (45 %), Mercedes-Benz (30 %) et TotalEnergies (25 %), a dû revoir ses plans. L’usine prévue à Kaiserslautern, en Allemagne, devait produire 40 GWh, soit suffisamment pour alimenter 600 000 voitures électriques d’ici 2030.

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En Italie, ACC a renoncé à une aide de 250 millions d’euros du gouvernement italien pour une gigafactory de 2 milliards d’euros prévue à Termoli. Matthieu Hubert, secrétaire général de la filiale, a expliqué qu’ACC doit ajuster sa stratégie d’approvisionnement en batteries, ajoutant de nouvelles technologies de cellules à faible coût pour répondre à la demande croissante de véhicules moins chers. Il a également souligné la nécessité de lancer une nouvelle phase de recherche et développement afin d’industrialiser des produits plus abordables.

Causes structurelles

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Même Northvolt, l’un des grands espoirs européens en matière de batteries, traverse une crise. En septembre, Peter Carlsson, PDG de Northvolt, a annoncé des mesures difficiles pour stabiliser l’entreprise. Cela a entraîné une réduction des activités de leur unique usine opérationnelle et la suppression de 1 600 emplois sur un total de 6 000, soit plus d’un quart de l’effectif.

De nombreux analystes estiment que cette tempête sur le marché des véhicules électriques, ainsi que son impact sur la production de batteries, est davantage structurelle que conjoncturelle. « L’adoption des voitures électriques en Europe s’avère plus lente que prévu. Les prévisions optimistes des constructeurs et des gouvernements se heurtent à la réalité du marché. Les consommateurs hésitent encore à franchir le pas, freinés par des préoccupations liées à l’autonomie, au prix et à l’infrastructure de recharge », explique un commentateur de « L’Heure de l’Auto », un média spécialisé. Les faits confirment cette observation, avec la baisse des ventes évoquée plus haut. Stellantis, par exemple, a revu à la baisse ses prévisions de croissance, passant d’une marge à deux chiffres à une fourchette de 5,5 % à 7 %. En outre, l’arrêt des subventions étatiques à l’achat de véhicules électriques et la concurrence chinoise, qui bénéficie de coûts de production beaucoup plus compétitifs, exacerbent la situation.

Alternative marocaine ?

Contrairement aux turbulences que traverse l’Europe, le segment marocain des véhicules électriques présente des caractéristiques spécifiques. Bien que l’adoption par les consommateurs soit encore timide, avec un taux de pénétration de seulement 4,5 % des ventes en 2023, le marché montre des signes encourageants. Le rapport 2023 de l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM) note que les ventes de véhicules électriques ont doublé entre 2022 et 2023, tandis que l’offre s’élargit et que les perspectives sont optimistes.

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Le Maroc semble ainsi se positionner comme une alternative crédible dans le marché des batteries électriques. Le 6 juin dernier, Gotion High Tech et l’État marocain ont signé un accord pour la création de la première gigafactory de batteries électriques en Afrique, avec un investissement d’un milliard d’euros et la création de 17 000 emplois à Kénitra. Parallèlement, la construction d’une usine de production de cathodes à Tanger avance bien. Ce projet, évalué à 3 milliards de dirhams, sera suivi d’un second investissement de 4 milliards de dirhams pour la production d’anodes.

La situation du marché du véhicule électrique et des batteries électriques présente des contrastes marqués entre les deux rives de la Méditerranée. Alors que la pression s’intensifie au sein des 27 à l’approche de l’échéance de 2035, marquant la fin annoncée des moteurs thermiques, le marché européen semble en difficulté. Pendant ce temps, le Maroc, de son côté, se prépare activement, affûtant ses armes pour offrir à l’Occident une alternative crédible face à la concurrence féroce de l’Est, renforçant ainsi sa position dans cette course stratégique.

Gethème YAO

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