Exclusif. Taha Ghazi: « Le Sahara marocain, un nouveau pôle d’attraction pour l’industrie textile »

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Le Maroc se positionne aujourd’hui comme une solution stratégique pour la Chine dans le secteur du textile et du cuir, grâce à sa proximité géographique avec l’Europe et ses avancées en matière de durabilité et de compétitivité. Taha Ghazi, directeur du secteur textile et cuir au ministère de l’Industrie et du Commerce, nous éclaire sur les atouts qui font du Royaume une plateforme incontournable pour les investisseurs étrangers.

Le secteur textile au Maroc tenue de plus en plus d’investissements étrangers. Quelles sont les principales mesures mises en place pour rendre le pays plus attractif aux investisseurs dans ce domaine ?

Effectivement, le Maroc a, depuis plusieurs années, intégré l’investissement comme priorité dans sa stratégie de développement. Sous la conduite éclairée de Sa Majesté, le Royaume a lancé des réformes permettant la mise à niveau des infrastructures aéroportuaires, logistiques et industrielles. Cela a positionné le pays comme une plateforme attirant des investissements de niveau mondial.

Le secteur textile, en particulier, appartient à ces avancées. C’est un secteur traditionnel au Maroc, comptant plus de 1 600 entreprises. Il s’agit du deuxième exportateur du pays et du premier employeur. Parmi les mesures prises pour attirer davantage d’investissements, on peut citer les dispositifs d’accompagnement mis en place par le ministère de l’Industrie. Des stratégies industrielles, telles que la récente charte de l’investissement, ont été instaurées pour offrir des avantages et des incitations spécifiques.

De plus, le soutien aux PME via des programmes comme le développement de la « M Textile » permet des aides d’atteindre 30 % du montant total des projets. Un autre dispositif, le « Tajdid Vert », aide les entreprises à se mettre à niveau, en lien avec la durabilité et la circularité, des sujets stratégiques pour le secteur textile face aux défis internationaux. Enfin, la formation joue un rôle clé : des écoles spécialisées, comme l’ESITH ou Casa Moda Academy, forment ingénieurs, techniciens et designers, garantissant un bassin d’emploi qualifié, essentiel pour attirer des investisseurs.

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La question des conditions de travail dans le secteur textile est souvent soulevée. Quelles initiatives ont été prises pour améliorer les normes de travail, notamment en termes de salaires et de sécurité pour les employés ?

Les conditions de travail dans le secteur textile marocain ont connu des améliorations notables ces dernières années. Il est vrai qu’il y avait par le passé des problèmes de conformité sociale, mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les donneurs d’ordre internationaux, travaillant avec des entreprises marocaines, exigent une conformité sociale stricte, renforcée par des audits réguliers. De plus, des labels comme « Fibre Citoyenne », mis en place par l’AMITH, permettent aux entreprises de se conformer volontairement aux normes sociales.

Il existe également des initiatives menées par la CGEM concernant la conformité sociale. Ces mesures, bien qu’optionnelles, offrent aux entreprises un moyen de répondre aux exigences des donneurs d’ordre. Il est important de noter que la législation marocaine impose déjà un certain nombre d’obligations en matière de droits des employés, comme le paiement des cotisations à la CNSS.

D’après une étude récente de l’Organisation internationale du travail (OIT), le secteur textile marocain a fait des progrès notables en matière de conditions de travail. La hausse du SMIC décidée par le gouvernement est un autre élément qui améliore les salaires dans ce secteur. En résumé, les entreprises marocaines ont considérablement évolué et respectent désormais des normes plus élevées en termes de droits sociaux.

Le partenariat stratégique avec des entreprises chinoises, notamment pour la production de matières premières, semble s’intensifier. Comment cette collaboration pourrait-elle renforcer la chaîne de valeur du textile et du cuir au Maroc ?

Le positionnement du Maroc en tant que plateforme textile avec un grand potentiel, notamment en termes de durabilité et de proximité avec l’Europe, tenue de plus en plus l’intérêt des industriels chinois. Ces derniers ont compris que le Maroc offre une opportunité stratégique pour contourner certaines contraintes d’approvisionnement et de coûts, notamment après les bouleversements causés par la pandémie de COVID-19.

La proximité avec l’Europe est un atout majeur, car de plus en plus de donneurs d’ordre européen cherchent à se rapprocher de leurs sources d’approvisionnement. De plus, le Maroc bénéficie d’accords commerciaux avantageux, notamment avec les États-Unis, permettant aux produits textiles marocains d’accéder au marché américain sans droits de douane, à condition de respecter certaines règles de transformation.

Le groupe chinois Sunrise, par exemple, investit 4 milliards de dirhams pour installer une filature et un tissage au Maroc, renforçant ainsi la capacité de production locale et l’approvisionnement en matières premières. Cela constitue un apport stratégique pour le secteur textile marocain, qui bénéficiea de l’expertise chinoise en matière de production de fil et de tissu.

Le Sahara marocain joue un rôle important dans la stratégie industrielle du pays. Quelles sont les opportunités d’investissement dans cette région pour le secteur textile et comment cela contribue-t-il au développement local ?

Les villes du sud du Maroc, dans le Sahara marocain, commencent à attirer des investissements dans le secteur textile. Bien que ces zones ne soient pas encore aussi développées que Casablanca ou Tanger, des petites unités de confection sont déjà opérationnelles. Ces projets contribuent au développement local en créant des emplois et en stimulant l’économie régionale.

Le développement industriel dans le Sahara marocain fait partie d’une vision plus large de décentralisation économique, visant à répartir les opportunités d’investissement à travers tout le Royaume. Le gouvernement encourage les investissements dans cette région en offrant des incitations spécifiques, ce qui en fait une destination prometteuse pour les investisseurs du secteur textile.

Avec l’évolution rapide des chaînes d’approvisionnement mondiales, comment le Maroc envisage-t-il de se positionner en tant que hub régional pour l’exportation de produits textiles, notamment en s’appuyant sur les partenariats avec la Chine ?

Grâce aux investissements chinois, nous nous inscrivons dans une logique de complémentarité. Au Maroc, la partie dédiée à la confection est déjà bien développée, mais l’expertise et l’apport des investissements chinois vont permettre de produire localement du fil et du tissu, c’est-à-dire des entrants essentiels. Cela renforcera considérablement notre compétitivité. Avec l’installation de ces investissements chinois au Maroc, nous serons en mesure d’intégrer l’ensemble de la chaîne de valeur, ce qui nous permettra d’accéder à de nouveaux marchés et d’y être plus compétitifs.

De plus, nous collaborons étroitement avec nos partenaires chinois pour développer une offre plus durable, intégrée et compétitive. Le Maroc se positionne également comme un hub vert et durable, ce qui est crucial, car l’intérêt des donneurs d’ordre européens et américains se porte aujourd’hui sur la durabilité. Les entreprises recherchent des pays où les émissions de carbone sont réduites et où il existe une meilleure conformité sociale et environnementale. Dans ce contexte, le Maroc représente une solution attractive pour les industriels chinois souhaitant accéder au marché européen de manière plus durable, tout en bénéficiant d’une réduction des taxes. En produisant localement des matières premières, les exportations vers l’Europe pourront même bénéficier de droits de douane réduits, voire nuls.

Le marché américain revêt également une importance stratégique. Les accords de libre-échange signés entre le Maroc et les États-Unis offrent des avantages significatifs, et les industriels chinois, très actifs sur le marché américain, y voient une opportunité majeure. En définitive, le Maroc se positionne comme un hub prometteur pour les investissements durables dans le secteur du textile, à destination de l’Europe, des États-Unis et du reste du monde.

Propos recueillis par Rachid Mahmoudi

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