Yassine Laghzioui, Directeur de l'Entrepreneuriat et du Venturing et CEO d'UM6P Ventures

À l’occasion du lancement officiel de « The Forge », un programme ambitieux conçu pour soutenir les fondateurs dans la création de start-ups à impact global, Yassine Laghzioui, Directeur de l’Entarepreneuriat et du Venturing et CEO d’UM6P Ventures, revient sur les particularités de ce programme. Hébergé à StartGate Benguerir et soutenu par l’UM6P Ventures et la Fondation Ibn Rochd pour les Sciences et l’Innovation (FIRSI), « The Forge » a pour objectif de transformer des idées novatrices en entreprises prospères.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi « The Forge » se distingue des autres programmes d’accompagnement entrepreneurial, et comment il prévoit de transformer des idées innovantes en licornes marocaines et africaines ?

Le programme The Forge se distingue comme l’aboutissement des nombreux programmes développés ces dernières années au sein de l’écosystème entrepreneurial de l’UM6P. Il s’appuie sur une analyse approfondie des retours d’expérience que nous avons pu collecter au fil des années sur le terrain. Ce programme a pour but de surmonter les défis rencontrés par les entrepreneurs lors du développement de leurs projets.

Le premier aspect novateur du programme « The Forge » est l’octroi d’une allocation financière qui permet aux entrepreneurs de subvenir à leurs besoins immédiats, ou à ceux de leur famille, afin qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur projet entrepreneurial. Cela signifie que des employés, des lauréats d’écoles, et d’autres porteurs de projets innovants auront la possibilité de se consacrer au développement de leur start-up pendant une période de 9 à 12 mois sans avoir à se soucier des questions financières grâce à cette allocation, qui constitue un filet de sécurité.

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Le deuxième élément différenciant est que « The Forge » est un programme à plein temps d’une durée de 9 à 12 mois. Contrairement aux programmes plus courts de 1 à 3 mois, ce programme propose un accompagnement plus approfondi, soutenu par des incubateurs, des accélérateurs et des fonds de capital-risque internationaux, afin d’aider les entrepreneurs à avancer jusqu’à la phase de développement de leur MVP (Produit Minimum Viable). L’objectif est que ces entrepreneurs puissent atteindre un jalon suffisamment mature pour se confronter au marché ou attirer l’intérêt des investisseurs institutionnels.

La durée plus longue et l’intensité du programme, associées à la qualité attendue de l’accompagnement, devraient permettre aux participants de mieux se préparer aux réalités du marché. De plus, ils auront un accès privilégié aux infrastructures de l’UM6P, qui, comme vous le savez, se concentre sur les projets entrepreneuriaux technologiques (deeptech). Cela inclut un accès à des experts, des mentors, des chercheurs et des laboratoires, indispensables pour mener à bien des projets de cette envergure.

Enfin, un autre atout du programme est la création d’un réseau de contacts, favorisé par l’interaction entre les entrepreneurs eux-mêmes, mais aussi avec les investisseurs en capital-risque qui rencontreront ces start-ups, assisterons à leurs présentations et les soutiendront. Cet écosystème, enrichi par la présence d’experts sur le campus, permettra de créer un environnement propice au développement de start-ups qui, nous l’espérons, seront les premières à écrire des histoires de réussite avec « The Forge ».

Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs marocains et africains aujourd’hui, et comment « The Forge » compte les aider à surmonter ces obstacles ?

Je pense qu’il y a plusieurs défis à relever sur le continent africain. Le premier est peut-être la fragmentation du marché. L’Afrique compte 1,4 milliard d’habitants, mais nous n’arrivons pas à exploiter pleinement ce potentiel. Les entrepreneurs doivent donc penser à l’internationalisation et à l’exportation dès le développement de leurs produits. C’est crucial car il est difficile de se développer rapidement à l’échelle régionale. Même si les marchés africains sont vastes, ils restent relativement petits et ne sont pas toujours propices aux produits technologiques comme dans d’autres marchés plus matures.

Le deuxième défi est l’accès au capital. Certes, de plus en plus de fonds locaux permettent à ces start-ups de lever des financements, mais cela reste insuffisant. Il est nécessaire de changer la perception des fonds d’investissement internationaux quant au potentiel du continent africain.

Ensuite, il y a la diversité des cadres réglementaires dans les différentes sous-régions africaines, qui rend le développement des start-ups à grande échelle très difficile. Enfin, il y a la question des talents. Bien que 60 % des habitants du continent aient moins de 25 ans, il est essentiel de former ces talents et de les accompagner. Il est crucial de mettre en place des universités et des programmes conventionnels et non conventionnels pour alimenter les start-ups qui visent une expansion rapide.

Je pense que l’université, l’infrastructure, le cadre réglementaire, ainsi que le développement du marché sont des éléments importants. Un autre aspect essentiel est ce que l’on appelle le « filet de sécurité ». Les entrepreneurs et les talents doivent avoir la possibilité de choisir l’entrepreneuriat, ce qui relève autant d’une question culturelle que pragmatique. Pour quelqu’un qui est diplômé d’une grande école ou qui a déjà connu un certain succès, il est souvent difficile de se lancer dans une année d’exploration pour tester une idée. Il est donc crucial d’assurer un soutien financier et une sécurité minimale afin de permettre à ces personnes de se consacrer à l’entrepreneuriat.

En somme, il y a plusieurs aspects culturels, pragmatiques, liés au marché structurel à prendre en compte. Toutefois, les dernières années ont prouvé que de nombreuses start-ups africaines, que ce soit dans le secteur de la deeptech ou d’autres domaines, ont réussi. De nombreuses start-ups marocaines connaissent également un succès croissant. Nous pensons donc qu’il est possible de relever ces défis structurels auxquels le continent africain est confronté.

Le programme a un accent particulier sur le mentorat et l’accès aux infrastructures de pointe. Pouvez-vous nous en dire plus sur les ressources et réseaux internationaux auxquels les participants auront accès ?

Les participants qui rejoindront The Forge auront automatiquement accès au réseau d’experts de l’UM6P. Ces experts joueront un rôle clé, notamment pour les produits technologiques, en aidant les entrepreneurs à progresser, à effectuer des évaluations, et à développer leurs produits. de manière plus rapide. Tout cela se déroulera sur place, c’est-à-dire sur le campus de Benguerir.

Deuxièmement, nous avons également des partenaires qui nous rejoignent dans ce programme pour nous accompagner sur les volets d’incubation et d’accélération. Le principal atout de ces acteurs internationaux est l’accès à un réseau d’experts mondial. Ainsi, nous ne serons pas limités aux experts locaux : à chaque fois qu’un entrepreneur aura une question ou rencontrera un obstacle, nous pourrons solliciter des experts aux États-Unis, au Canada, en Asie ou en Europe, selon les besoins spécifiques. Cela sera rendu possible grâce à nos partenaires qui nous soutiendront tout au long du programme.

Enfin, le réseau de partenaires existant de l’UM6P sera également mis à contribution. Comme vous le savez, nous collaborons aujourd’hui avec de nombreux partenaires, qu’ils soient locaux, régionaux ou internationaux. Nous utiliserons ce réseau pour aider les entrepreneurs à progresser dans leurs projets innovants.

Quels sont les critères de sélection des startups pour la première cohorte de « The Forge » et comment envisager-vous de soutenir ces startups dans leur expansion régionale et internationale ?

Le programme se distingue par le fait que nous ne sélectionnons pas des start-ups, mais des entrepreneurs. Nous cherchons des personnes capables d’intégrer l’aventure, la résilience, la passion, ainsi que la capacité à développer un produit à partir de zéro Nous valorisons également la capacité à travailler en équipe et à demander conseil quand cela est nécessaire. Un ensemble de critères sera pris en compte pour cette sélection.

Un jury composé de plus de 15 personnes participera à ce processus de sélection. Il y aura deux étapes : la première consistera en une sélection sur dossier, suivie d’une deuxième phase où les candidats présélectionnés présenteront leurs projets sur plusieurs journées. Durant cette phase, ils démontreront leur aptitude à relever les défis liés au développement d’une start-up, d’un MVP et d’un produit capable de répondre aux besoins du marché.

Les critères que j’ai mentionnés seront rigoureusement évalués par le jury, au cours d’une sélection minutieuse en deux étapes.

Interview réalisée par Rachid Mahmoudi

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