Lors de la 5ᵉ édition de la Science Week à l’Université Mohammed VI Polytechnique, Fouad Laroui, Directeur scientifique de l’événement, a livré une intervention percutante sur les défis auxquels fait face la science aujourd’hui. Avec une éloquence teintée d’inquiétude, il a dénoncé la montée des discours anti-scientifiques, la perte d’autorité des experts et l’impact dévastateur des réseaux sociaux sur la crédibilité du savoir.

Fouad Laroui a ouvert son propos en rappelant l’âge d’or de la science, de la révolution scientifique du XVIIe siècle jusqu’aux années 1980. « À cette époque, la science était incontestée. Quand quelqu’un était malade, on allait chez le médecin. Quand il y avait un tremblement de terre, on consultait les spécialistes de la tectonique des plaques. Personne ne remettait cela en cause », a-t-il expliqué.

Cependant, il a constaté un recul inquiétant de la science dans les décennies récentes. « Aujourd’hui, la science est menacée. Beaucoup de gens considèrent qu’elle est un discours parmi d’autres, au même titre que les opinions ou les croyances. Cela est extrêmement dangereux », a-t-il alerté.

Pour illustrer son propos, Laroui a cité un exemple frappant : « Aux États-Unis, un pays ami du Maroc, on a nommé ministre de la Santé une personne qui ne croit pas aux vaccins. Et cela a été validé par le Congrès. Comment en sommes-nous arrivés là ? »

Science vs opinion : une confusion dangereuse

Laroui a insisté sur la distinction fondamentale entre la science et les opinions. « En politique, il est normal que les gens aient des points de vue divergents. Mais en science, il n’y a pas de place pour les faits alternatifs. Quand un vaccin est validé par des années de recherche, c’est qu’il fonctionne. Point final », a-t-il martelé.

Il a également critiqué la tendance à relativiser le savoir scientifique au nom de la « pluralité des discours ». « On ne peut pas mettre sur le même plan un discours scientifique et un discours non-scientifique. La science repose sur des preuves, des expériences, des faits. Ce n’est pas une question d’opinion », a-t-il rappelé.

Réseaux sociaux : l’autorité du savoir en péril

L’un des points les plus marquants de son intervention a été son analyse de l’impact des réseaux sociaux sur la crédibilité de la science. « Dans les années 1930, un sondage aux Pays-Bas montrait que les professions les plus respectées étaient celles de professeur d’université, de médecin ou de pasteur. Aujourd’hui, ce sont les footballeurs, les DJ et les influenceurs qui dominent ce classement. Le professeur d’université a disparu », a-t-il déploré.

Selon Laroui, cette perte d’autorité est directement liée à la prolifération des informations non vérifiées sur les réseaux sociaux. « Aujourd’hui, si vous posez une question sur les réseaux, vous obtenez dix mille réponses différentes, souvent farfelues. J’ai vu quelqu’un affirmer avec aplomb que l’Amérique avait été découverte d’abord par les Chinois, puis par les Arabes, les Japonais et les Ghanéens, avant Christophe Colomb. C’est absurde, mais cela circule », a-t-il raconté, non sans ironie.

Défendre la science : un impératif

Face à cette situation, Fouad Laroui a appelé à un sursaut collectif pour défendre la science. « Quand vous ne savez pas, tournez-vous vers les grandes universités, vers les experts reconnus. Ne cherchez pas vos réponses sur les réseaux sociaux », a-t-il conseillé.

Il a également souligné le rôle crucial d’événements comme la Science Week pour redonner à la science sa place légitime. « Cette semaine est l’occasion de rappeler que la science est essentielle au développement. Elle n’est pas un luxe, mais une nécessité. Nous devons rester vigilants et continuer à promouvoir un savoir rigoureux et vérifié », a-t-il conclu.

Rachid Mahmoudi

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