Le 12 mars 2024, Industrie du Maroc Magazine a organisé à Casablanca une nouvelle édition des Matinées des Industrielles, consacrée au rôle des femmes dans l’industrie et l’économie. Le Panel 1, dédié au thème « Femmes et Pouvoir de Décision : Vers un Leadership d’Impact », a mis en lumière les défis et opportunités liés à l’accession des femmes aux postes de direction, que ce soit dans le secteur public ou privé.
Réunissant des expertes et dirigeantes de divers secteurs, le panel a vu intervenir Leïla BAZZI (Directrice Éthique et Conformité, GSK Performance Markets), Manal BERNOUSSI (Fondatrice du podcast Leaders On Purpose), Zaineb SEMLALI (Cheffe de division chargée de la gestion du domaine public autoroutier de l’axe Est), Imane ZAOUI (PDG de Sanipak) et Wassima EL MOUTAOUAKIL (Business Unit Manager chez Safran Nacelles). À travers des témoignages marquants et des données frappantes, elles ont décortiqué les enjeux de la parité, la nécessité d’un leadership inclusif et les politiques à mettre en place pour favoriser l’émergence de dirigeantes dans l’écosystème industriel et technologique.
Un paradoxe persistant : des talents féminins sous-exploités
D’entrée de jeu, Manal BERNOUSSI a posé le cadre en partageant des chiffres édifiants sur la place des femmes dans le monde professionnel au Maroc : « D’un côté, on a des filles qui réussissent brillamment à l’école, avec neuf des dix premiers bacheliers qui sont des filles. Mais dans le monde du travail, on observe une chute brutale : à peine 19,8% de femmes contribuent aujourd’hui à l’économie du pays. »
Un constat partagé par Imane ZAOUI, qui a exprimé sa surprise face à la faible représentation féminine aux postes de direction : « À chaque fois que je me rends dans des écoles de commerce ou d’ingénierie, je vois des amphithéâtres remplis de jeunes étudiantes talentueuses. Pourtant, lorsque je regarde les organigrammes des grandes entreprises, il y a très peu de femmes à des postes décisionnels. »
Les raisons de cette déperdition ? Des facteurs culturels et sociaux profondément ancrés. Manal BERNOUSSI a évoqué une étude marquante : « 50% des Marocains estiment qu’une femme ne devrait pas travailler si son mari ou son père gagne suffisamment d’argent. Et 90% des hommes pensent que les femmes doivent poursuivre des études non pas pour leur indépendance financière, mais simplement pour être respectées et cultivées. » Un frein invisible mais puissant qui limite l’ambition professionnelle des femmes.
Le leadership féminin : une valeur ajoutée incontournable
Malgré ces obstacles, les panélistes ont insisté sur les bénéfices concrets d’un leadership féminin. Selon Leïla BAZZI, « Travailler pour une meilleure représentativité des femmes dans le monde de l’entreprise, aujourd’hui, ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Les entreprises qui affichent un taux de diversité élevé sont plus performantes financièrement, avec jusqu’à 20% de meilleure rentabilité. »
Issue d’un secteur historiquement masculin comme le BTP, Zaineb SEMLALI a témoigné de son parcours. Face aux stéréotypes, elle a mis en avant trois qualités essentielles au leadership féminin : « La détermination, la passion du métier et la constance. »
Wassima EL MOUTAOUAKIL, qui évolue dans l’aéronautique chez Safran Nacelles, a insisté sur l’importance de l’agilité et de la résilience pour réussir dans un secteur exigeant. « Je suis fière de faire partie d’un comité de direction qui respecte une parfaite parité, avec 50% de femmes occupant des postes clés. »
Des solutions concrètes pour briser le plafond de verre
Si le diagnostic est clair, quelles actions concrètes peuvent être mises en place pour accélérer l’accès des femmes aux postes de pouvoir ?
Pour Imane ZAOUI, il est impératif de créer des environnements de travail plus inclusifs et flexibles : « Une femme aura des moments où elle sera moins disponible, notamment à l’arrivée d’un enfant. Ce n’est pas pour autant qu’elle doit être écartée des opportunités professionnelles. » Elle a également pointé la nécessité de lutter contre les discriminations : « Si une femme revient de congé maternité et qu’on lui refuse une augmentation parce qu’elle a été absente, on la pousse vers la sortie. »
Dans les grandes entreprises, les initiatives se multiplient. Safran Nacelles a mis en place un programme baptisé Boost Talent, combinant mentorat et coaching pour préparer les femmes aux postes de direction. De son côté, Autoroutes du Maroc mise sur la diversité cognitive et la digitalisation des process pour moderniser son approche du management.
Leïla BAZZI a, quant à elle, insisté sur le rôle essentiel des hommes dans cette transformation : « Le monde de l’entreprise a été créé par les hommes, pour les hommes. Il est indispensable d’avoir des alliés masculins qui portent la voix des femmes et participent à changer les codes du leadership. »
Un message fort pour les nouvelles générations
Pour conclure, les panélistes ont adressé un message inspirant aux jeunes femmes. Imane ZAOUI a martelé l’importance de la confiance en soi : « Le bon Dieu nous a confié la plus grande responsabilité : donner la vie. Alors pourquoi douter de notre capacité à réussir dans le monde du travail ? »
Elle a aussi encouragé à « ne pas chercher la perfection », à demander de l’aide et à oser. Un état d’esprit que partage Hassima EL MOUTAOUAKIL : « Le leadership féminin, c’est avant tout une question d’authenticité. Nous n’avons pas à faire nos preuves, nous avons simplement à être nous-mêmes et à nous imposer. »
À travers ce panel riche en témoignages inspirants et en solutions concrètes, l’événement a souligné un fait indéniable : le leadership féminin est un levier puissant de transformation économique et sociale.