La ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a souligné, lundi à Casablanca, que la fluidité de la circulation des capitaux, la solidité du système financier et la libération des énergies via la mobilisation de financements innovants définissent une vision cohérente d’un avenir financier de l’Afrique, où la finance devient un levier puissant au service du développement durable.
« Nous devons penser comme des matériaux composites, combinant souplesse et solidité. Souplesse, pour laisser circuler les flux économiques, financiers et humains qui dynamisent nos économies. Solidité, pour bâtir des bases robustes et résilientes face aux défis économiques et géopolitiques », a dit Mme Fettah à l’ouverture des travaux du Africa Financial Summit (AFIS 2024).
Elle a, dans ce sens, relevé que dans le paysage économique mondial, la fluidité des capitaux est le socle sur lequel reposent l’innovation, la croissance et la prospérité. « En Afrique, où les besoins de financement pour les infrastructures, la transition écologique et l’inclusion sociale dépassent les 1.200 milliards de dollars d’ici 2030, la circulation efficace des capitaux devient une nécessité stratégique. Pourtant, le continent fait face à des obstacles structurels, réglementaires et technologiques qui freinent cette dynamique essentielle ».
Face aux multiples défis, plusieurs solutions émergent pour améliorer la fluidité des capitaux, a relevé la ministre, notant que le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), initiative prometteuse soutenue par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) et conçue pour faciliter les paiements transfrontaliers, permet désormais des paiements transfrontaliers en devises locales, promettant une économie annuelle de 5 milliards de dollars.
Et de poursuivre : « Parallèlement, les fintechs africaines, à l’instar de Flutterwave, M-Pesa et Chipper Cash, redéfinissent l’accès aux services financiers en connectant des millions de personnes, y compris dans les zones rurales. Ce marché, en pleine expansion, devrait croître de 20 % par an et atteindre 40 milliards de dollars d’ici 2025 ».
De même, des initiatives comme la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) sont essentielles en simplifiant les cadres réglementaires et en réduisant les barrières commerciales. « Mais la fluidité des capitaux ne peut à elle seule garantir un système financier durable. Il est crucial que cette circulation repose sur des bases solides », a préconisé Mme Fettah. Selon elle, la solidité d’un système financier repose sur une régulation rigoureuse, une gouvernance exemplaire et des équilibres macroéconomiques maîtrisés. L’Afrique doit renforcer la résilience de ses institutions financières pour attirer les investisseurs tout en garantissant une stabilité à long terme.
La ministre a également relevé l’importance d’une régulation robuste et d’une supervision efficace pour assurer la stabilité, rappelant qu’en 2023, le service de la dette publique en Afrique a atteint 163 milliards de dollars, limitant ainsi les capacités des gouvernements à investir dans des secteurs stratégiques tels que l’éducation et les infrastructures.
Au volet de la résilience climatique, Mme Fettah a estimé que l’Afrique doit se doter de mécanismes de gestion des risques climatiques, jugeant nécessaire la libération des énergies latentes du continent qui dispose d’un potentiel immense, tant au niveau des ressources humaines, financières qu’institutionnelles.
« Le financement des grands projets d’infrastructure et de transition écologique demeure un défi majeur. Chaque année, l’Afrique doit combler un déficit de financement de 108 milliards de dollars pour les infrastructures et de 250 milliards de dollars pour répondre à ses besoins climatiques », a-t-elle déploré.
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Et de soutenir que les modèles innovants de financement, comme les prêts concessionnels de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ou les partenariats public-privé (PPP), représentent des solutions potentielles pour combler ces besoins.
Pour la ministre, l’inclusion sociale, notamment à travers la microfinance et des instruments tels que les « Gender Bonds », permet également de renforcer l’accès au financement pour des groupes spécifiques, comme les femmes entrepreneures.
La clé du succès réside dans une collaboration active entre les gouvernements, les institutions financières et le secteur privé, qui doivent œuvrer ensemble pour maximiser l’impact des ressources disponibles, non seulement en mobilisant des fonds, mais aussi en construisant un écosystème propice à l’innovation et à la croissance durable, a conclu Mme Fettah.
Fondé par Jeune Afrique Media Group en 2021 et co-organisé par IFC (International Finance Corporation – Société financière internationale), l’AFIS expose, à travers plus de 30 panels et tables rondes de haut niveau, les réformes structurelles nécessaires pour renforcer la résilience du secteur et lever les obstacles au financement des économies du continent à l’heure des bouleversements régionaux et internationaux.
Initié sous le thème « Le temps des puissances financières africaines est venu », ce forum, qui connait la participation de pas moins de 1.000 leaders du secteur financier africain, des décideurs politiques et des régulateurs, repose sur cinq priorités clés pour promouvoir les transformations nécessaires, à savoir « créer des produits bancaires et des solutions de marché des capitaux pour orienter les ressources locales vers des investissements productifs », « réduire le coût et le temps des transactions transfrontalières et permettre un développement des échanges commerciaux entre les pays africains », « renforcer les exigences en matière de capital pour les institutions financières », « consolider l’industrie » et « encourager les partenariats avec les centres financiers internationaux ».
(IDM avec MAP)