Décoré par sa majesté le roi Mohammed 6 à l’occasion de la fête du trône en 2014, par le Wissam de la compétence intellectuelle qui est la plus haute distinction royale allouée à un scientifique, c’était au tour de François Hollande, le 14 juillet dernier, d’élever Rachid Yazami au grade de chevalier de la légion d’honneur française. Le natif de Fès a révolutionné le stockage d’énergie en inventant une nouvelle technologie de batteries au lithium. Cet inventeur hors-pairs répond aux questions d’Industrie du Maroc.

IDM :Pourquoi n’opérez-vous pas à partir du Maroc ?
Parce que j’ai des engagements à Singapour. J’ai une équipe de recherche et une petite compagnie startup dont je dois m’occuper au quotidien. Cependant, même depuis Singapour, j’essaie de participer à des projets de recherche en collaboration avec des organismes marocains.

Quel constat dressez-vous de la R&D au Maroc ?

Le Maroc fait face à beaucoup de défis au niveau technologique. La R&D n’est pas suffisamment bien développée dans le secteur industriel. De ce fait le Maroc dépend beaucoup des technologies extérieures, ce qui lui coûte très cher. Pour réaliser une R&D nationale, il faut beaucoup de support des pouvoirs publics sur des projets innovants ayant un impact sur l’économie marocaine. Il faut aussi former des chercheurs, ingénieurs et techniciens de bon niveau. Cela prendra du temps mais c’est réalisable si la volonté politique y est. Le Maroc exporte son savoir-faire en Afrique. C’est probablement le marché de l’avenir. La réussite dépend de la manière dont le Maroc jouera son rôle de courroie de transmission technologique Nord-Sud et Sud-Sud.

Vous avez mis en garde le Maroc, quant à l’achat des bus électriques chinois. Pourquoi ?

Les Chinois ont fait des progrès notables dans la fabrication de masse de batteries au lithium. Cependant, leur politique d’envahir le marché mondial le plus vite possible s’accompagne parfois par des compromis sur la qualité des batteries et dans leur sécurité. Cet été, la température a dépassé les 52ºC à l’ombre dans beaucoup de régions au Maroc. Une batterie en fonctionnement chauffe plus que la température ambiante, donc la température peut monter au-delà des 65-70 ºC ce qui accélère la détérioration des batteries sans oublier la possibilité d’un emballement thermique conduisant à un feu de batterie voire à leur explosion. Ce scénario reste probable si la qualité des batteries n’est pas excellente et que le système de refroidissement n’est pas efficace. Donc, alerte!

Que proposez-vous donc en tant qu’expert en la matière?

J’ai suggéré qu’avant de mettre les bus électriques en circulation pour le public, des tests préliminaires sur 6 mois devraient être effectués en particulier pendant l’été. J’ai aussi suggéré que les bus électriques soient les derniers systèmes à être introduits sur le marché de l’électromobilité et de commencer par des systèmes plus petits tels les vélos, scooters et petites voiturettes électriques, car la quantité de batteries est moindre, et donc le risque thermique aussi.

Quels sont vos prochains projets ?

Continuer ma recherche sur les batteries intelligentes, utilisant les « big data » et les « systèmes connectés ». Je travaille aussi sur un projet de voiture électrique remplissable et sur une nouvelle génération de piles pour les appareils auditifs.

Est-ce qu’un poste ministériel dans le prochain gouvernement vous tente ?

Je ne suis pas un politique. Je pense pouvoir contribuer au développement technique du Maroc en continuant à faire ce qui me passionne le plus, la recherche scientifique.

Propos recueillis par Abderrafie Srati

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