L’investissement en Afrique doit être encadré, stratégique et l’aide publique au développement doit servir de levier pour attirer d’autres capitaux. L’investissement privé est un levier accélérateur de croissance.Mais encore il faudrait que la confiance entre Africain règne pour favoriser les investissements locaux et étrangers.

Mettre le privé sur orbite et éviter les erreurs du passé

Pour l’économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique, le financement des infrastructures est important certes pour donner un cadre plus approprié et favorisant plus facilement les rentabilités économiques. Mais tout ne doit pas être laissé entre les mains des Etats, le privé doit jouer sa partition. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Il faut savoir lui proposer un terrain favorable.
L’expert de la Banque mondiale insiste sur la nécessité de mobiliser l’investissement privé pour en faire le moteur de la croissance en Afrique. Il prône « des réformes pour développer les marchés locaux de capitaux, renforcer l’efficacité des services publics et accroître la quantité et la qualité des infrastructures ». Il estime que les entreprises privées devraient même anticiper ce tournant qui leur met en orbiter pour profiter des innombrables opportunités qu’offre le continent.
Albert G. Zeufack prévient les Etats contre d’éventuel retour des modèles d’ajustements fiscaux menés dans les années 1980 et qui avaient provoqué une forte baisse des taux d’investissement et une limitation de la croissance du continent. « Pour éviter de répéter ce type d’erreur, nous devons développer de nouveaux outils qui garantissent l’investissement privé tout en réduisant le risque ».
Albert G. Zeufack précise que la banque Mondiale œuvre à « inciter les investisseurs privés, étrangers et locaux, à s’engager dans les projets d’infrastructures ». Une mission confiée à la filiale de la banque Mondiale, SFI et qui consiste à utiliser les fonds de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Miga) pour toucher les couches du secteur privé auxquelles l’institution n’a pas pas encore accès. Le but, c’est que les financements concessionnels accordés par les institutions servent de levier pour attirer les investisseurs. Nous visons en particulier les fonds de pension des pays avancés, qui placent aujourd’hui plusieurs centaines de milliards de dollars en Europe et aux États-Unis, à des taux extrêmement bas. Moins de 1 % de ces fonds apporteraient déjà une contribution extraordinaire au financement des infrastructures à travers le continent.

La SFI dans la danse.

« La SFI prête une attention soutenue au développement du secteur privé local, pour que se multiplient les joint-ventures entre investisseurs étrangers et locaux, qui donnent d’excellents résultats. Les uns apportent les financements, les autres leurs connaissances du terrain. En Afrique, le problème ne vient pas du rendement des projets, qui est aussi élevé que dans le reste du monde, mais des risques qui leur sont liés. Et, sur ce point, les garanties que nous apportons peuvent aider », explique Albert G. Zeufack. Les cadres macroéconomiques les plus stables sont les meilleurs terreaux d’investissements. La banque mondiale travaille avec les gouvernements pour stabiliser les cadres macroéconomiques, en réduisant l’inflation, en stabilisant les taux de change, en s’assurant que les pays lèvent suffisamment de ressources domestiques pour pouvoir créer les coussins de sécurité nécessaires pour faire face aux chocs. A en croire Albert G. Zeufack, les cadres macroéconomiques les plus stables sont les terreaux d’investissements les plus fertiles.Lorsque l’Etat et les institutions financières œuvrent à éviter et réduire les chocs, il faut y sentir également la partition du secteur privé qui a tout à y gagner. « La croissance africaine bien que salutaire est inférieure à l’augmentation de la population sur le continent. Ce qui signifie que le PIB per capita recule. Pour éviter de tels chocs, il faut multiplier les sources de croissance. Même si le prix des ressources naturelles restait élevé, se contenter d’exporter des matières premières brutes ne constitue pas une stratégie sur le long terme », conseille l’économiste camerounais.
C’est particulièrement vrai pour le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, qui représentent à eux trois 60 % du PIB continental. « Largement dépendantes des matières premières, ces trois économies noient les efforts du reste de l’Afrique et empêcheront le continent de retrouver les taux de croissance d’avant la crise tant qu’elles n’auront pas développé des secteurs autres que pétrolier ou minier », se désole-t-il.
Oser approfondir le commerce à l’intérieur du continent, oser investir comme le fait le Maroc.
Pour Albert G. Zeufack, il faut oser approfondir le commerce à l’intérieur du continent, qui ne représente aujourd’hui que 15% des échanges. « Il faut défricher de nouveaux marchés internationaux, s’intéresser à l’Asie, devenue aujourd’hui le deuxième moteur de la consommation mondiale. Il ne s’agit pas de regarder ce continent comme une destination pour nos matières premières non transformées, mais bien pour nos produits à forte valeur ajoutée. Ensuite il faut, bien sûr, approfondir le commerce à l’intérieur du continent, qui représente aujourd’hui moins de 15 % des échanges ».
Le potentiel est énorme, mais nécessite d’importants investissements en matière d’infrastructures, à l’échelle régionale. Je ne parle pas seulement d’infrastructures physiques, mais également réglementaires : il faut mettre en place les cadres juridiques nécessaires pour réaliser ces investissements, notamment lorsqu’il s’agit de PPP.
Ces contrats se négocient aujourd’hui de pays à pays, alors qu’un cadre régional, type Uemoa et EAC, pourrait favoriser l’implantation des entreprises à une échelle plus vaste. Ces cinquante dernières années ont montré qu’aucune région, aucun pays ne s’est développé de façon soutenable sans intégration des chaînes de valeurs régionales et mondiales. Pas l’une ou l’autre, mais les deux.

Apprendre à travailler ensemble, à se faire confiance et investir

Comme pour reprendre la célèbre phrase de Sa majesté le Roi Mohammed VI, « L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique », Albert G. Zeufack estime, pour conclure, que les Africains doivent apprendre à travailler ensemble pour apporter les outils qui favoriseront l’investissement privé et institutionnel, en complément des financements concessionnels. Aux pays africains de se positionner rapidement et de lancer les réformes nécessaires pour attirer ces montants ».

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