[Crise des batteries] Yazami : « L’Europe ne sera jamais leader dans ce domaine »

Alors que l’Europe fait face à de nombreux défis pour assurer sa compétitivité dans la production de batteries pour véhicules électriques, des entreprises comme Northvolt subissent des crises qui pourraient bouleverser l’industrie. Rachid Yazami, pionnier marocain de la technologie des batteries au lithium, nous éclaire sur les enjeux majeurs que rencontrent les géants européens face à la domination chinoise, et pourquoi le Maroc pourrait jouer un rôle clé dans cette révolution énergétique mondiale.

Face à la crise actuelle des batteries, quelles mesures l’Europe devrait-elle prendre pour garantir une production stable et sécuriser sa chaîne d’approvisionnement pour les véhicules électriques ?

L’Union européenne a pris une décision importante. A partir de 2035, plus aucune voiture fabriquée en Europe ne sera thermique. Elles devront toutes être électriques. C’est une grande décision, une véritable révolution dans le secteur des transports en général, car cela ne concerne pas seulement les voitures individuelles, mais aussi les autobus, camions, deux-roues,etc. Bref, tous les moyens de transport devront passer à l’électrique.

Pour répondre à cette demande, de grandes entreprises se sont formées en Europe, associant fabricants de batteries et de véhicules électriques. Un bon exemple est la société AAC, qui réunit TotalEnergies, Stellantis et Mercedes. Ces trois géants européens unissent leurs efforts pour produire des batteries pour les voitures électriques. Une filiale de TotalEnergies, SAFT, va également fabriquer des batteries pour Stellantis et d’autres grands groupes. Le principal problème réside dans le coût des batteries. En effet, elles représentent entre 35 et 45 % du prix total d’une voiture électrique, ce qui est énorme.

Les difficultés rencontrées par Northvolt mettent en lumière les défis de l’industrie européenne des batteries. Quels sont, selon vous, les principaux obstacles que l’Europe doit surmonter pour rattraper son retard et se positionner comme un acteur compétitif face à la Chine et aux autres leaders mondiaux ?

Northvolt est l’une des premières entreprises à s’être lancée dans la production de batteries pour voitures électriques en Europe. Son fondateur a d’ailleurs travaillé pour Tesla. Il s’est dit qu’il pourrait faire mieux qu’Elon Musk et a fondé cette société suédoise, Northvolt, avec l’idée de produire des batteries basées sur des technologies similaires à celles de Tesla.

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Cependant, fabriquer des batteries ne s’improvise pas. Tesla, par exemple, ne fabrique pas ses propres batteries ; c’est Panasonic, un groupe japonais ayant presque un siècle d’expérience dans ce domaine, qui s’en charge. Le fondateur de Northvolt, qui a quitté Tesla, pensait qu’il pouvait appliquer ce qu’il avait appris, mais ce n’était pas suffisant. L’investissement initial a été conséquent, mais les retours attendus ne se sont pas produits. Les investisseurs ont commencé à se retirer, car la qualité des batteries ou leur coût n’étaient pas au niveau espéré.

À la lumière de la crise actuelle, quelles sont les leçons stratégiques que l’industrie européenne des batteries doit tirer pour se préparer aux défis futurs, et quelles erreurs doivent être évitées pour ne pas répéter les échecs passés ?

La leçon principale, c’est qu’on ne peut pas laisser l’industrie des batteries à des amateurs. C’est une industrie qui repose sur une expertise de longue date, une véritable culture. Les Japonais ont été les pionniers des batteries au lithium, suivis par les Coréens et maintenant les Chinois, qui ont une expérience de plus de 20 ans dans ce domaine.

En Chine, le coût de production est très bas par rapport à l’Europe, ce qui leur permet de produire des batteries à des prix défiant toute concurrence. Par exemple, une batterie fabriquée en Chine coûte environ 100 dollars par kilowattheure, alors qu’en Europe, ce serait environ 300 dollars. Ce n’est pas économiquement viable pour l’Europe.

L’Europe possède-t-elle les atouts nécessaires pour devenir un acteur majeur dans la production de batteries pour véhicules électriques, ou le fossé technologique et économique avec la Chine est-il désormais insurmontable ?

Vous avez utilisé le mot « leader ». L’Europe ne sera jamais leader dans le domaine des batteries. Elle s’y est intéressée sérieusement à partir de 2019 ou 2020, alors que les Chinois ont commencé dans les années 90. Il y a un décalage de 20 ans qui est impossible à rattraper. Les Chinois ont non seulement acquis la technologie japonaise, mais ils produisent aussi des batteries à des coûts que l’Europe ne pourra jamais atteindre.

Toutefois, il y a un espoir : le Maroc. Avec une main-d’œuvre moins chère, des ressources comme le cobalt et le phosphate, le Maroc pourrait devenir un concurrent sérieux de la Chine en matière de production de batteries. C’est d’ailleurs pour cette raison que les Chinois investissent massivement au Maroc.

Rachid Mahmoudi 

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