Depuis le 1er janvier 2025, une nouvelle étape a été franchie pour améliorer les délais de paiement au Maroc. Désormais, les entreprises réalisant un chiffre d’affaires entre 2 et 10 millions de dirhams (hors TVA) sont soumises à des amendes en cas de retard de paiement. Cette mesure, prévue par le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n°69.21, vise à répondre à une problématique structurelle qui pèse depuis des années sur la santé financière des petites et moyennes entreprises (PME).
La Direction générale des impôts (DGI), dans sa note circulaire n°734, précise que cette disposition concerne uniquement les factures émises à partir du 1er janvier 2025. Elle ne s’applique pas aux factures émises pour les personnes physiques et morales dont le montant est inférieur ou égal à 10 000 dirhams, toutes taxes comprises, ni à celles antérieures à cette date.
Une réponse aux difficultés persistantes des entreprises
Publiée en juin 2023 au Bulletin officiel, la loi n°69.21 modifie le Code de commerce tout en introduisant des dispositions transitoires spécifiques aux délais de paiement. Cette réforme marque un tournant décisif dans la lutte contre un phénomène qui affecte le développement des entreprises marocaines.
Amine Diouri, directeur études et communication chez Inforisk interrogé par la MAP, qualifie cette avancée de « succès », comparée aux législations de 2011 et 2016, restées sans effet.
« Lorsque nous constatons que quasiment toute la population cible, c’est-à-dire les entreprises de plus de 50 millions de dirhams, se conforme aux exigences de cette loi, nous pouvons d’ores et déjà considérer cela comme un succès. », souligne-t-il.
Toutefois, il reste vigilant quant à l’impact sur les entreprises de taille moyenne : « Bien sûr, nous attendrons d’analyser le pourcentage de déclarations des entreprises de 10 à 50 millions. Mais en se basant sur la population cible déjà soumise à ces déclarations, il me semble que nous avons fait des progrès notables. En d’autres termes, nous avons pris au sérieux cette loi sur les délais de paiement, ce qui n’était pas le cas auparavant«
Des efforts mais aussi des défis
Selon M. Diouri, les entreprises se rapprochent de la norme des 120 jours, qu’elles aient été initialement en retard ou en avance sur ces délais. Cependant, cette évolution n’est pas sans conséquences. Certaines entreprises doivent mobiliser des ressources supplémentaires pour s’aligner sur ces délais, tandis que d’autres subissent un impact financier lié à l’allongement des délais.
Par ailleurs, des disparités notables persistent entre les secteurs public et privé. Le secteur public se distingue par une meilleure transparence grâce aux déclarations mensuelles des grandes entreprises publiques, permettant un suivi précis. En revanche, dans le secteur privé, les crédits interentreprises atteignent environ 300 milliards de dirhams, contre 50 à 100 milliards pour le secteur public.
« C’est principalement dans le privé que la question des délais de paiement est cruciale, ce qui justifie l’intervention de la loi pour adapter le cadre législatif afin d’améliorer l’efficacité de la régulation et cibler ces 300 MMDH », explique l’expert.
Pourquoi ces retards persistent-ils ?
L’allongement des délais de paiement repose sur des facteurs structurels et culturels. Amine Diouri note que la santé financière des entreprises, en particulier des très petites entreprises (TPE) et des PME, reste fragile : « Ces dix dernières années, les défaillances d’entreprises ont augmenté de 15% en moyenne par an, ce qui est considérable. Cela impacte particulièrement les TPE et une partie des PME, qui rencontrent de réelles difficultés financières.«
Outre la situation financière, des dysfonctionnements internes, comme une mauvaise gestion des factures ou des contrats, aggravent les retards. L’expert insiste aussi sur l’importance de sélectionner rigoureusement les partenaires commerciaux : « Avant même que l’entreprise ne devienne cliente, il est important d’évaluer sa santé financière et son passé, notamment en examinant si ses dirigeants gèrent d’autres entreprises en difficulté. Ces questions doivent être traitées dès la phase de sélection. »
Vers un changement durable ?
Pour que cette réforme porte ses fruits, une transformation des pratiques commerciales est essentielle. Les entreprises, grandes et petites, doivent intégrer la culture du respect des délais comme un levier de compétitivité. À terme, il s’agit de transformer un point faible du tissu économique marocain en une véritable force, pour une économie plus stable et résiliente.