Le célèbre médicament Doliprane, le plus vendu en France, est sur le point de changer de propriétaire. Le laboratoire Sanofi, qui détient la marque depuis plus de 50 ans, a entamé des négociations exclusives avec le fonds d’investissement américain CD&R (Clayton, Dubilier & Rice) pour céder une participation majoritaire dans sa filiale Opella, qui commercialise des produits en vente libre comme le Doliprane, Mucosolvan et Maalox.
Cette vente, estimée à plus de 15 milliards d’euros, suscite une vive inquiétude dans les milieux politiques et syndicaux. L’annonce de Sanofi a déclenché de vives réactions de la part de plusieurs responsables politiques français, qui craignent pour la souveraineté sanitaire du pays. Des figures de tous bords ont exprimé leur opposition à cette transaction. Jordan Bardella (RN) a dénoncé une « vente à la découpe de la France », tandis que Marine Tondelier (écologiste) a pointé un manque de leçons tirées de la crise du Covid-19. Plusieurs députés ont même demandé une intervention gouvernementale pour bloquer cette vente, invoquant la menace que cette transaction pourrait poser sur la sécurité nationale.
Du côté des syndicats, l’inquiétude est également palpable. Les délégués syndicaux de la CFDT et de la CGT, notamment à Lisieux, où est produit le Doliprane, demandent le maintien d’Opella sous le contrôle de Sanofi. Pour eux, cette vente pourrait fragiliser l’emploi des 1 700 salariés en France et affecter la production locale de ce médicament essentiel.
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Face à ces critiques, Sanofi se montre rassurant. Le laboratoire répète que cette séparation ne signifie pas la disparition du Doliprane en France. Il souligne que les Français continueront de trouver ce médicament en pharmacie. En témoignent les investissements récents, notamment 50 millions d’euros injectés dans le site de production de Lisieux au cours des dix dernières années, ainsi qu’un plan d’investissement de 20 millions supplémentaires pour augmenter de 40 % la capacité de production dans les années à venir. De plus, Sanofi conservera une participation de 50 % dans Opella, du moins pour les cinq prochaines années, et affirme que les engagements sociaux pris avec CD&R garantiront la pérennité des sites de production en France.
Les pouvoirs publics s’impliquent dans la transaction
L’intervention des ministres de l’Économie et de l’Industrie, Antoine Armand et Marc Ferracci, met en lumière la volonté du gouvernement de surveiller de près cette transaction. Les ministres ont exigé des garanties de la part de Sanofi et de CD&R concernant le maintien du siège d’Opella en France et de ses centres de décision. De plus, le recours au contrôle des investissements étrangers pourrait potentiellement bloquer l’opération, ce qui laisse planer l’incertitude quant à l’issue de cette vente.
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Malgré ces inquiétudes, le fonds CD&R a été choisi en raison de sa capacité financière à soutenir la croissance d’Opella, bien supérieure à celle de son concurrent français PAI Partners. Avec ses 26 milliards de dollars d’actifs, CD&R dispose des ressources nécessaires pour investir dans Opella, dont le marché américain représente près de 25 % du chiffre d’affaires.
Bien que Sanofi se montre confiant dans cette transaction, les syndicats et une partie de la classe politique restent méfiants. Le Doliprane, symbole de la pharmacie française, est au centre de débats sur la souveraineté industrielle et la protection des emplois. La vigilance demeure de mise, car la production de paracétamol a déjà connu des périodes de tensions lors de l’hiver 2022-2023, suscitant des craintes sur la gestion des stocks.