Si le dernier rapport du CNUCED a mis en exergue le contraste entre la démultiplication des zones industrielles et leur impact dans l’économie de la majorité des pays africains, quelques-uns par contre, dont le Maroc, se distinguent. Parmi les raisons de cette performance différenciée, l’on note un volontarisme étatique dans la création de ces zones, et une orientation stratégique tenant à la fois compte des ressources disponibles et des exigences des investisseurs.
« À l’exception d’un nombre limité de pays, le rôle des zones [industrielles] africaines en tant que moteurs de l’emploi et de l’activité industrielle au niveau national n’a jusqu’à présent pas répondu aux attentes. » C’est l’une des conclusions que tire la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), dans un rapport de 250 pages, intitulé « GUIDE SUR LES ZONES ÉCONOMIQUES SPÉCIALES [ZES] EN AFRIQUE : Vers une diversification économique à travers le continent ». Dans cette étude qui fait un état des lieux de la situation des zones industrielles (ou zones économiques spéciales – ZES) sur le Continent au terme de l’année 2021, et parue récemment, l’organisation onusienne dresse un bilan plutôt terne de leur impact.
Zones industrielles africaines : Bilan plutôt négatif
Effectuant une mise en équation avec la portée qu’ont eu de telles infrastructures dédiées en Asie (Chine, Vietnam…) et en Amérique latine (citant l’exemple du Costa Rica), les analystes du CNUCED ont relevé quelques paradoxes. Entre autres, le fait que les « les ZES africaines représentent, en moyenne, une part plus faible de l’emploi national », et que les politiques qui accompagnent leur création érigent des obstacles importants au développement de liens en amont et en aval entre les entreprises qui y sont implantées et l’économie d’accueil. De ce fait, « les données découlant de l’aperçu des ZES africaines, ainsi que des conclusions antérieures attestant de leur sous-performance, font douter de l’impact des zones sur le continent », peut-on lire en observation finale du rapport. Un bien triste constat quand on sait que les zones industrielles ont pour vocation d’être des sources d’innovation, de productivité, d’emploi et de dynamisme économique.
Mais pas si sombre…
Pour autant, la situation n’est pas catastrophique sur l’ensemble du continent, avec des pays qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Qui en misant sur les coûts de main-d’œuvre et d’un accès stratégique au marché (Ethiopie), qui en compensant les coûts élevés du capital humain par un positionnement de leader régional (Afrique du Sud, Nigéria et Rwanda), qui se basant sur les produits de base pour exploiter le potentiel des richesses naturelles dans les secteurs de l’agroalimentaire et du pétrole (Afrique du sud, Ghana). Dans ces différents cas, le CNUCED fait savoir que « les ZES ont été essentielles à la réalisation des objectifs globaux fixés par les autorités nationales ».
Le Maroc, un exemple !
Le Royaume fait partie des exceptions africaines à conduire une politique efficace et impactante en matière de développement de ZES. En effet, pour l’organisme onusien : «Le Maroc représente un exemple intéressant de pays africain qui a utilisé sa politique de ZES de manière relativement efficace pour compléter un plan national de développement industriel ». Tout comme l’Ethiopie, y a de cela quelques années, le pays de Mohammed VI a su attirer les investisseurs grâce à « une approche entièrement différente de l’utilisation des ZES ». Et en plus des secteurs classiques, le Maroc est parvenu à drainer d’importants investissements dans les industries de haute technologie, devenant de fait « l’un des rares exemples africains », à réussir ce coup.
Grâce à un volontarisme étatique
Mais rien n’est tombé du ciel, ce résultat, le Maroc l’a savamment préparé. Fort de son ambition de soutenir son développement économique, le pays a fait le choix de l’industrialisation. Pour y parvenir de manière durable, l’Etat a impulsé le développement de zones industrielles en se basant sur une politique visant trois objectifs clés : encourager l’investissement industriel, réduire les disparités régionales, améliorer la qualité et la valorisation des ZI. Certes sur la ligne de front, les pouvoirs publics ne sont cependant pas seuls dans cette bataille, accompagnés par un privé qui ne peut être que séduit, non seulement par les incitations, mais surtout par le volontarisme politique qui a cours.
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Et l’un des exemples les plus patents de ce volontarisme de l’Etat c’est bien entendu le complexe Tanger Med Zones (TMZ), situé à l’arrière-pays du port de Tanger. Cette plateforme industrielle qui comprend six zones franches et parcs industriels, a été créée par le gouvernement marocain. Succès à grandes pompes, TMZ s’étale aujourd’hui sur près de 2 000 ha, où sont implantées quelques 1 100 entreprises avec à la clé près de 90 000 emplois créés. Une réalisation qui a entrainé une transformation structurelle de la région nord, devenue en l’espace d’une décennie, le 2ème contributeur au PIB national.
À l’heure où les différents bouleversements que le monde connait posent avec acuité la question de la transformation des biens et matières, le rôle des ZES prend une ampleur stratégique. Dès lors, il convient pour l’Afrique de regarder de moins en moins vers l’occident ou l’orient, mais à forger en soi-même des capacités d’innovation et de résilience. En l’espèce, des réussites aussi percutantes que celles du Maroc en la matière, constituent bien un cas d’école, un modèle à suivre.
Frère John