Aéronautique Midparc et la montée en gamme des zones industrielles

Depuis le début des années 2000, le Maroc a entamé un tournant stratégique vers l’industrialisation. Ce virage s’est matérialisé, entre autres, par la multiplication de zones industrielles sur l’ensemble du territoire. Pensées comme des outils d’accélération économique, ces zones offrent aux entreprises des infrastructures modernes, un accès facilité aux services logistiques, énergétiques et administratifs, ainsi qu’un cadre fiscal attractif. Si certaines ont été conçues pour accueillir un tissu d’entreprises multisectorielles, à l’instar de la technopole de Nouaceur, Tanger Free Zone ou encore le parc industriel de Kénitra, d’autres sont nées d’une logique de spécialisation autour de secteurs clés.

C’est dans ce contexte que s’inscrit Midparc, unique zone industrielle au Maroc exclusivement dédiée à l’aéronautique. Située à Nouaceur, aux portes de Casablanca, elle symbolise à elle seule la méticulosité avec laquelle le Royaume a choisi de construire son industrie aéronautique. Loin d’être une enclave isolée, Midparc s’appuie sur une stratégie articulée entre formation, compétitivité, attractivité internationale et développement durable. En l’espace de deux décennies, le Maroc est parvenu à faire du ciel un véritable axe de croissance.

L’aéronautique marocain : une ambition à haute altitude

Le Maroc ne cache plus ses ambitions. D’ici 2030, le chiffre d’affaires du secteur aéronautique devrait dépasser les 5 milliards de dollars, contre 2,7 milliards en 2024. Cette projection repose sur des bases solides que sont une croissance annuelle de 15 % et une visibilité internationale (plus de 46 000 avions à produire dans les vingt ans à venir), et des carnets de commandes déjà pleins chez des mastodontes tels que Boeing et Airbus. Le pays capitalise sur sa position géographique, sa stabilité politique, la compétitivité de sa main-d’œuvre et la qualité de ses infrastructures.

Cette dynamique s’accompagne d’une diversification des marchés et des nationalités implantées. En 2025 seulement, Midparc a vu s’installer des entreprises venues d’Allemagne, d’Espagne, de Belgique, de Suède ou encore d’Inde. Le Maroc ne se positionne plus comme un simple site d’assemblage ou de délocalisation, mais comme un maillon stratégique dans les chaînes de valeur mondiales.

Un modèle pensé pour servir l’industrie aéronautique

Au-delà de sa localisation stratégique – à deux pas du plus grand aéroport du pays et d’un important réseau autoroutier –, Midparc repose sur une vision claire, celle d’offrir aux industriels aéronautiques un espace intégré où l’implantation est rapide, l’environnement stable, les coûts maîtrisés et la main-d’œuvre formée. Concrètement, le parc propose aux grands groupes, aux petites entreprises et aux sous-traitants de les accompagner dans toutes les étapes d’installation, avec un modèle conçu pour créer un tissu industriel homogène, où petits et grands évoluent ensemble.

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Depuis son lancement, les résultats parlent d’eux-mêmes. Près de 150 entreprises opèrent aujourd’hui dans l’aéronautique au Maroc, avec un taux d’intégration locale atteignant 40 %, un chiffre rare dans une industrie historiquement délocalisée. Midparc, véritable colonne vertébrale du secteur, a vu arriver des leaders mondiaux comme Airbus, Safran, Bouygues, ou plus récemment Pratt & Whitney. Ce dernier y construit une nouvelle usine, pendant que Safran y déploie un centre mondial d’entretien des moteurs LEAP. À l’horizon 2030, le parc vise la cinquantaine d’entreprises et la création de 12 000 emplois qualifiés.

Former pour construire : la réussite par le talent

Aucune stratégie industrielle ne tient sans un réservoir de compétences. Le Maroc en a fait un levier prioritaire, notamment à travers l’IMA (Institut des Métiers de l’Aéronautique), implanté au sein de Midparc. Cet institut, indépendant et piloté par les professionnels du secteur, a introduit une rupture dans le modèle de formation classique : enseignement adapté aux besoins réels, réactivité, accès direct aux entreprises. Le couplage Midparc-IMA permet ainsi aux industriels de disposer d’une main-d’œuvre déjà formée dès la construction de leur usine achevée.

Cette articulation, inédite au Maroc, a de quoi faire des émules. Elle pose aussi la question d’une duplication de ce modèle dans d’autres régions et secteurs. Car au fond, le véritable capital du secteur, comme le répète fièrement Benbrahim El Andaloussi, président de Midparc, ce sont les 24 000 jeunes marocains formés, engagés, qui portent aujourd’hui l’aéronautique vers le haut.

Décarbonation : Midparc veut voler propre

Dans une industrie parmi les plus scrutées pour son empreinte carbone, Midparc avance avec un objectif clair, celui de devenir la première zone aéronautique décarbonée de la région. Le chantier est en cours. Avec le soutien de l’État, de l’ONEE, de Masen et de la Caisse de Dépôt, le parc vise une électricité 100 % verte d’ici mi-2026. L’enjeu est double : réduire l’impact écologique, mais aussi répondre aux exigences croissantes des grands donneurs d’ordre européens.

Cette ambition s’accompagne d’un label HQE (Haute Qualité Environnementale), d’une architecture sobre et de dispositifs d’optimisation énergétique. L’objectif n’est pas seulement local, Midparc entend devenir une référence continentale, voire européenne, en matière d’industrie propre.

Un modèle qui dépasse l’aéronautique

Midparc incarne plus qu’une zone industrielle. C’est un modèle systémique où formation, accompagnement, infrastructures et développement durable se croisent pour créer un écosystème compétitif. La zone aéroportuaire de Nouaceur, où il est implanté, connaîtra dans les années à venir un développement exponentiel, porté par l’extension de l’aéroport Mohammed V, l’arrivée d’une filiale de l’Université Mohammed VI Polytechnique et d’un centre des métiers et des compétences.

En misant sur le développement de ses zones industrielles, le Maroc a compris que l’avenir industriel se joue sur l’excellence, la spécialisation et la durabilité. Une stratégie qui porte ses fruits et trace un cap clair pour les décennies à venir.

Désiré Beiblo

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