Pour la première fois, le Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas a ouvert ses portes à une thématique inattendue : la transition énergétique. Un signal discret mais révélateur d’une prise de conscience dans un secteur longtemps accusé d’insouciance face à ses besoins croissants en électricité.
L’essor du cloud computing et de l’intelligence artificielle (IA) a bouleversé les équilibres énergétiques. Aux États-Unis, les centres de stockage de données ont représenté 4,4 % de la consommation nationale d’électricité en 2023, selon le ministère américain de l’Energie (DOE). Ce chiffre pourrait grimper à 12 % d’ici 2028, sans même inclure l’électrification accélérée des transports, de l’industrie et de l’agriculture.
Gary Shapiro, président de la Consumer Technology Association (CTA), organisatrice du CES, admet l’ampleur du défi. “Nous avons organisé une réunion, il y a un peu plus d’un an, avec les énergéticiens et les acteurs l’écosystème électronique”, car “nous sommes préoccupés par le fait de savoir d’où va venir l’électricité”, a-t-il déclaré.
Des solutions innovantes mais en marge
Cette année, des start-ups et entreprises européennes, portées par une expertise souvent en avance dans le domaine de l’énergie, ont profité du CES pour présenter leurs innovations. Parmi elles, LV Energy, une société néerlandaise qui génère de l’électricité à partir du bruit et des ondes, ou Aerleum, une start-up française spécialisée dans les carburants de synthèse à base de CO2 et d’hydrogène.
« Le fait que nous soyons présents ici veut clairement dire quelque chose », estime Satish Jawalapersad, directeur de LV Energy. Cependant, il déplore que son activité passe au second plan face à l’engouement pour l’IA, qualifiée de « mot magique » dans ce genre d’événements.
Les géants du cloud à la croisée des chemins
Les mastodontes du cloud comme Amazon, Microsoft et Google sont en première ligne pour répondre aux exigences énergétiques de leurs infrastructures. Amazon, par exemple, est devenu le premier acheteur mondial d’énergie renouvelable, tandis que Microsoft a récemment signé un accord pour réactiver une centrale nucléaire en Pennsylvanie.
Lire aussi|Le Maroc en force au CES de Las Vegas
Mais ces initiatives, bien que significatives, ne suffisent pas à répondre aux besoins croissants. Julien Choukroun, de la start-up française DataGreen, tente de convaincre ces géants avec une solution capable de réduire par dix la surface des data centers tout en récupérant 98 % de la chaleur générée par leurs serveurs. “Pour l’instant, ils ne voient pas l’intérêt encore, mais on essaye de convaincre”, confie-t-il.
Une ouverture encourageante mais insuffisante
Malgré des initiatives prometteuses, les solutions présentées restent encore en marge des priorités du secteur. « Nous ne sommes pas les plus visibles ici, mais c’est un début », reconnaît Sébastien Fiedorow, patron d’Aerleum.
Pour certains, comme Jordan Huyghe d’Otrera, spécialiste des petits réacteurs nucléaires (SMR), la clé réside dans la mobilisation des financements pour des projets à fort impact. Il observe que les acteurs du cloud ont les moyens de changer la donne, mais il faut qu’ils s’engagent davantage.
Si les enjeux énergétiques sont encore loin d’être au cœur des préoccupations du CES, cette ouverture marque une étape importante. « Cela montre que l’état d’esprit évolue », conclut Sébastien Fiedorow.
Alors que la consommation énergétique continue de grimper, la tech semble enfin prête à explorer des solutions durables. Mais la route reste longue, et l’engagement des grands acteurs sera déterminant pour transformer ces pistes en véritables avancées industrielles.