Lors d’un récent podcast dédié à la cybercriminalité, l’avocate Mariam El Idrissi Jamal a mis en lumière les défis juridiques et les sanctions encadrant les infractions commises dans l’espace numérique. Selon elle, bien que le législateur marocain ait fait des efforts pour adapter le cadre juridique aux nouvelles réalités du numérique, des lacunes persistent, notamment en ce qui concerne les sanctions spécifiques aux crimes électroniques.

Dans le Code pénal marocain, les infractions telles que l’escroquerie en ligne sont traitées sous le chapitre des escroqueries classiques, notamment dans l’article 540. Les peines encourues varient entre 1 an et 5 ans de prison, avec une amende pouvant aller de 500 à 5 000 dirhams. Cependant, dans des cas aggravés, comme l’utilisation de documents frauduleux ou l’impact sur la politique monétaire, les peines peuvent être portées à 10 ans de prison.

Mariam El Idrissi Jamal

Mariam El Idrissi Jamal souligne que ces sanctions, bien que sévères, ne prennent pas suffisamment en compte la spécificité des crimes électroniques. « L’escroquerie électronique n’est pas une nouvelle forme d’escroquerie, mais une escroquerie classique commise dans un espace numérique. Pourtant, cet espace impose des défis uniques en termes de preuve, de traçabilité et d’impact », explique-t-elle.

Un cadre juridique en évolution

Le Maroc a récemment renforcé son arsenal juridique pour lutter contre la cybercriminalité, notamment à travers la loi 05-20 relative à la cybercriminalité, entrée en vigueur en 2020. Cette loi vise à criminaliser des actes tels que le piratage informatique, l’usurpation d’identité et la diffusion de contenus illicites en ligne. Cependant, selon l’avocate, il reste encore du chemin à parcourir pour adapter pleinement les sanctions aux réalités du numérique.

« Le législateur marocain a fait des efforts notables, mais nous devons aller plus loin. Par exemple, les sanctions pour le chantage électronique ou le harcèlement en ligne devraient être plus claires et plus dissuasives », affirme-t-elle.

Des chiffres alarmants

Les statistiques récentes montrent une augmentation préoccupante des infractions en ligne. En seulement trois mois, la Direction Générale de la Sécurité Nationale  a reçu 7083 signalements liés à la cybercriminalité en 2024, dont 60 % concernaient des escroqueries et des fraudes en ligne. Ces chiffres reflètent l’ampleur du phénomène et la nécessité de renforcer les mécanismes de prévention et de répression.

Les défis de la preuve et de la coopération internationale

L’un des principaux obstacles dans la lutte contre la cybercriminalité réside dans la collecte des preuves. « Dans l’espace numérique, les traces sont souvent volatiles et difficiles à authentifier. Cela nécessite une expertise technique que les tribunaux marocains ne possèdent pas toujours », explique Mariam El Idrissi Jamal.

De plus, la nature transfrontalière des crimes en ligne exige une coopération internationale renforcée. Le Maroc, signataire de la Convention de Budapest sur la cybercriminalité, doit encore améliorer ses mécanismes de collaboration avec les autres pays pour traquer les cybercriminels opérant depuis l’étranger.

Pour l’avocate, il est essentiel de moderniser le système judiciaire marocain pour faire face à ces nouveaux défis. « Nous avons besoin de juges spécialisés, de procureurs formés aux enjeux du numérique et d’une législation plus précise. Les sanctions doivent être proportionnelles à la gravité des infractions et à leur impact sur les victimes », insiste-t-elle.

Elle cite notamment le cas du chantage électronique, qui peut avoir des conséquences dévastatrices sur la vie privée et la santé mentale des victimes. « Les criminels exploitent les faiblesses du système pour intimider et menacer leurs victimes. Il est temps de mettre en place des sanctions plus sévères pour dissuader ces pratiques », conclut-elle.

Rachid Mahmoudi

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