Suite à la tenue, mardi 21 décembre sa dernière réunion trimestrielle au titre de l’année 2021, le Conseil de Bank Al-Maghrib (Banque centrale du Maroc) a estimé que l’orientation de la politique monétaire reste largement accommodante, assurant les conditions de financement adéquates. Il a jugé en particulier que le niveau actuel du taux directeur demeure approprié et a décidé ainsi de le maintenir inchangé à 1,50%.

Boubker El Badri

Après avoir analysé l’évolution de la conjoncture économique, ainsi que les projections macroéconomiques de Bank Al Maghrib (BAM) à moyen terme, et noté à cet égard que l’activité économique a connu globalement une nette reprise cette année, favorisée par les avancées notables de la campagne de vaccination et le maintien des stimulus budgétaire et monétaire, le Conseil de l’institut d’émission a maintenu inchangé son taux directeur à 1,5%. Certes, il a pris en considération les nouvelles vagues de la pandémie dans plusieurs pays partenaires ainsi que les incertitudes qui entourent les perspectives économiques, mais a pris note des dispositions de la Loi de Finances 2022. Compte tenu de ces constats et analyses, le Conseil a estimé que l’orientation de la politique monétaire reste largement accommodante, assurant les conditions de financement adéquates.

L’institut d’émission qui n’a pas manqué de disséquer les agrégats économiques, a validé son budget pour l’exercice 2022, a approuvé la stratégie de placement des réserves de change et le programme d’audit interne, et a arrêté les dates de ses réunions ordinaires au titre de la même année au 22 mars, 21 juin, 27 septembre et 20 décembre. Tout un agenda.

L’inflation à 2,1% en, 2022

Au Maroc, l’inflation devrait rester à des niveaux contenus, passant en moyenne de 0,7% en 2020 à 1,4% en 2021, à 2,1% en 2022, puis reculer à 1,4% en 2023. Des pressions externes liées à la flambée de leurs cours sur les marchés internationaux.

Relativement aux marchés des matières premières, BAM a relevé que la tendance haussière des cours des produits énergétiques, induite par la reprise de la demande mondiale, s’est fortement accentuée particulièrement pour le gaz naturel et le charbon qui ont enregistré des records historiques. Pour le pétrole, le prix du Brent a atteint en octobre 85,8 USD/bl, son plus haut depuis fin 2014, et devrait ressortir à 71,8 USD/bl en moyenne en 2021, puis à 75,1 USD/bl en 2022, avant de reculer à 70,4 USD/bl en 2023. S’agissant des denrées alimentaires, leurs prix ont sensiblement augmenté en 2021, reflétant en particulier les flambées des cours du sucre et des huiles végétales qui ont atteint en novembre 38% et 51,4% respectivement en glissement annuel, et devraient se maintenir à des niveaux largement supérieurs à ceux d’avant crise durant les deux prochaines années. Concernant le phosphate et dérivés, les prix ont connu une forte progression cette année et devraient rester élevés en 2022, avant de diminuer en 2023. En particulier, le cours du DAP terminerait l’année en hausse de 89% à 590 USD/t en moyenne et atteindrait 600 USD/t en 2022, avant de baisser à 450 USD/t en 2023. Pour le phosphate brut, le prix afficherait un accroissement de 58% à 120 USD/t en 2021 et resterait proche de ce niveau au cours des deux prochaines années. Le renchérissement des matières premières, conjugué à l’amélioration de la demande, aux goulets d’étranglement de la production de certains biens ainsi qu’à l’augmentation du coût du fret continuent de générer de fortes pressions sur les prix à la consommation.

L’évolution de la situation sanitaire, déterminante

Au cours des deux prochaines années, le rythme de l’activité restera largement tributaire de l’évolution de la situation sanitaire aux plans national et international et des restrictions que les autorités seraient amenées à mettre en place. Justement, BAM table, dans le scénario central, sur une consolidation de la croissance à 2,9% en 2022 et à 3,4% en 2023. La valeur ajoutée des activités non agricoles, poursuivrait son amélioration aux rythmes de 3,2% en 2022 et de 3,4% en 2023 et, sous l’hypothèse de récoltes céréalières moyennes de 75 MQx annuellement, celle du secteur agricole reculerait de 2,8% en 2022 et progresserait de 2% en 2023. Sur le marché du travail, les dernières données relatives au troisième trimestre 2021 font ressortir un net redressement avec une création de 642 000 postes et une entrée nette de 607 000 demandeurs d’emplois. Le taux d’activité a ainsi augmenté de 1,6 point de pourcentage à 45,1% et le taux de chômage a reculé de 0,9 point de pourcentage à 11,8%.

Le déficit du compte courant à 5,3% du PIB, en 2022

S’agissant des comptes extérieurs, et après un repli sensible en 2020, les échanges commerciaux enregistrent une reprise notable cette année. Les exportations ressortiraient en expansion de 21,7%, tirées par la progression des cours du phosphate et dérivés et des ventes du secteur automobile et ce, en dépit des difficultés d’approvisionnement en semi-conducteurs que connait l’industrie au niveau mondial. En parallèle, les importations devraient croître de 22,9%, sous l’effet principalement de l’alourdissement de la facture énergétique, du renchérissement des produits bruts et de la hausse des achats de produits finis de consommation. Quant aux recettes voyages, elles 3 continueraient de pâtir des restrictions sanitaires avec une nouvelle baisse de 9,2% à 33,1 milliards de dirhams, tandis que les transferts des MRE marqueraient un rebond de 38,9% pour atteindre un montant record de près de 95 milliards de dirhams. Tenant compte de ces évolutions, le déficit du compte courant ressortirait en creusement de 1,5% à 2,5% du PIB cette année. Sur l’horizon de prévision, la dynamique des exportations devrait se poursuivre en 2022, portée essentiellement par l’augmentation prévue des ventes de la construction automobile, avant de s’estomper en 2023, avec le repli des cours des engrais phosphatés.

En parallèle, l’accroissement des importations ralentirait graduellement en lien avec le recul des cours des produits énergétiques. Pour ce qui est des recettes voyages, leur évolution dépendrait largement des développements de la situation sanitaire et devraient se situer, dans le scénario central, à 43,4 milliards en 2022 et à 70,9 milliards en 2023.

En revanche, les transferts des MRE reviendraient progressivement à des niveaux en ligne avec leur rythme tendanciel d’avant crise, enregistrant une contraction de 23,2% à 72,8 milliards de dirhams en 2022 et de 1,9% en 2023 à 71,4 milliards. Dans ces conditions, le déficit du compte courant se creuserait davantage à 5,3% du PIB en 2022 avant de s’alléger à 4,9% en 2023.

Pour ce qui est des opérations financières, les recettes des IDE devraient se situer à l’équivalent de 2,5% du PIB cette année, de 3% du PIB en 2022 et de 3,5% du PIB en 2023. Au total, et tenant compte notamment des projections du financement extérieur du Trésor, les avoirs officiels de réserve se situeraient à 330,4 milliards à fin 2021, à 341,6 milliards en 2022 et à 345,7 milliards en 2023, assurant ainsi une couverture de plus de 6 mois et 20 jours d’importations de biens et services.

Une inflation domestique inférieure à celle dans les pays partenaires et concurrents

Sur le plan des conditions monétaires, le taux de change effectif réel devrait terminer l’année 2021 avec une légère appréciation de 0,6%, reflétant la hausse en termes nominaux du dirham face particulièrement à l’euro. Il devrait se déprécier sur l’horizon de prévision sous l’effet d’une inflation domestique inférieure à celle dans les pays partenaires et concurrents. Pour ce qui est du taux débiteur moyen global, il s’est quasiment stabilisé à 4,35% au troisième trimestre, avec une hausse trimestrielle de 13 points pour les prêts aux entreprises et une stabilité pour ceux aux particuliers. Pour sa part, le besoin de liquidité des banques s’est accentué à 83,2 milliards de dirhams au troisième trimestre, traduisant l’augmentation de la monnaie fiduciaire. Il devrait s’alléger sous l’effet du renforcement des réserves de change pour se situer à 64,4 milliards de dirhams à fin 2021, avant de se creuser à 70 milliards à fin 2022 et à 83,6 milliards à fin 2023. Concernant le crédit bancaire au secteur non financier, il maintient une croissance modérée après l’achèvement de la phase d’octroi des programmes de prêts garantis par l’Etat mis en place en 2020. Tenant compte des perspectives de l’activité économique et des anticipations du système bancaire, son encours ressortirait en hausse de 3,7% cette année, un rythme qui se consoliderait à 3,4% en 2022 avant de s’accélérer à 4,4% en 2023.

Un taux de croissance de 6,3% en 2022

Sur le volet des finances publiques, à un mois de la clôture de l’exercice budgétaire de 2021, la situation des charges et ressources du Trésor fait ressortir un déficit global, hors produit de cessions des participations de l’Etat, de 68,8 milliards de dirhams, en creusement de 9 milliards d’une année à l’autre. Les recettes ordinaires se sont améliorées de 11,1%, tirées par l’accroissement des rentrées fiscales. En parallèle, les dépenses globales se sont alourdies de 9,3%, en lien notamment avec les augmentations des dépenses de biens et services, de la charge de compensation et des transferts aux collectivités territoriales. Tenant compte d’une réduction de 12,1 milliards du stock des opérations en instance, le besoin de financement s’est établi à 80,9 milliards. Il a été couvert par des ressources intérieures d’un montant net de 69,4 milliards, dont 41,3 milliards sur le marché de la dette intérieure, par un flux net extérieur positif de 6,1 milliards et par des recettes de cessions des participations de l’Etat de 5,4 milliards. A la lumière de ces évolutions, des données de la loi de finances 2022 et des prévisions de croissance économique, le déficit budgétaire, hors produits de cessions des participations de l’Etat, atteindrait sur l’ensemble de cette année 6,9% du PIB, avant de s’atténuer à 6,3% en 2022 puis à 5,8% en 2023.

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