« Au Maroc, la BERD s’aligne sur les stratégies nationales en accompagnant les secteurs à fort impact pour le développement du pays. »
Quelles sont les orientations stratégiques de la BERD ?
Basée à Londres, la BERD est une Institution financière internationale créée en 1991 pour favoriser la transition vers une économie de marché durable en Europe de l’Est. Depuis sa création, la BERD a investi dans 38 pays de l’Europe Centrale à l’Asie Centrale et dans la région SEMED (présente depuis 2012 au Maroc, en Égypte, Jordanie et Tunisie et depuis 2017 au Liban et en Palestine). Ainsi, l’accompagnement de la banque se présente sous forme de financements en dette et capitaux propres couvrant tous les secteurs de l’économie avec un focus sur le secteur privé. À ce jour, 116 milliards d’euros ont été investis dans 4.700 projets.
En outre, la BERD cultive sa différence comme étant une banque pour le développement loin de la simple connotation commerciale de l’activité bancaire. Cette différence se constate également dans la possibilité d’investir dans nos propres fonds de private equity, en jouant non seulement le rôle de prêteurs mais aussi d’investisseurs directs. Plus que des prêteurs, nous entendons nous placer en tant que partenaires des entreprises, parce que nous croyons que le financement ne fait pas tout. Il s’agit aussi de donner les outils nécessaires aux entreprises sous forme d’accompagnement et d’assistance technique. Pour ce faire, nous avons mis en place un programme visant à soutenir les petites structures dans n’importe quel projet interne de développement. Cette mission est menée à bien par des consultants locaux mais aussi internationaux. À l’issue de cet appui, les entreprises gagnent en termes de performance, et ce jusqu’à 30% d’augmentation de leur chiffre d’affaires.
Quel est le bilan de l’accompagnement de la BERD au Maroc depuis sa création ?
À notre arrivée au Maroc en 2012, nous nous sommes retrouvés face à une économie développée, avec des infrastructures modernes et une concurrence dense. Nous n’avions alors pas eu d’autres choix que de nous montrer innovants en déployant une offre différente de celle du marché national. Nos ambitions ont porté leurs fruits et nous avons été les premiers à lancer de nombreux produits. Ainsi, la BERD a été par exemple 1re Institution financière internationale à investir dans une obligation en dirhams émise par un émetteur privé noté par les agences de notation, et ce pour le compte de la Holding Zalar.
Au Maroc, la BERD s’aligne sur les stratégies nationales en accompagnant les secteurs à fort impact pour le développement du pays. Ainsi, 1,5 milliard d’euros ont été investis dans le Royaume à ce jour dans des projets couvrant différents domaines, à l’instar des institutions financières, infrastructure, énergies, agri business, industries & services, immobilier & tourisme, ou encore télécoms & technologies.
La BERD a manifesté un intérêt particulier envers le secteur agricole marocain comme le témoigne la récente rencontre entre Aziz Akhannouch et Suma Chakrabarti, président de la BERD. Quels sont les projets prévus par la banque dans ce cadre ?
Le secteur agricole revêt une importance capitale pour le pays et donc il l’est aussi pour la BERD. Nous sommes alors en train de travailler sur tout ce qui a attrait au développement de l’aval agricole, c’est-à-dire tout ce qui touche à la partie transformation. Ceci constitue également une priorité pour le ministère de l’Agriculture, dans le sens où le Plan Maroc vert compte s’orienter désormais vers cette voie après les actions entreprises en faveur de l’agriculture primaire. Dans ce cadre, la BERD ambitionne d’accompagner les entreprises privées qui utilisent les produits primaires agricoles et qui les transforment pour aller vers des produits à plus forte valeur ajoutée. 3 à 4 projets sont en cours de négociations dans ce sens.
Concernant le mémorandum qui concrétise une nouvelle approche de coopération avec les bailleurs de fonds visant à soutenir la mobilisation de nouvelles ressources privées au profit des PME et PMI ?
Le programme d’appui aux PME, financé principalement par un don de l’Union européenne, apporte un soutien technique et financier aux PME marocaines, et ce par la voie de deux mécanismes liés à la consultance locale et à l’expertise industrielle internationale. Les PME bénéficient, en outre, d’une subvention allant jusqu’à 75% et constatent une réelle croissance de leurs indicateurs de performance. Pour ce qui est de la consultance locale, la banque a accompagné 340 projets pour un budget de 1,87 million d’euros en faveur de 30% de nos clients qui sont installés en dehors de l’axe Casablanca-Rabat (Oujda, Ouarzazate, Meknès, Fès, Hoceima, Larache, Essaouira…). Aussi, nous pouvons noter une amélioration du chiffre d’affaires de 72% des PME bénéficiaires et 44% en moyenne d’augmentation du chiffre d’affaires. En matière d’expertise internationale, 51 projets ont été accompagnés pour un budget de 2, 1 million d’euros, avec l’intervention de 2.350 experts internationaux, et ce à fin décembre 2017.
Où en êtes-vous dans le programme Economie verte ?
Parmi les principales ambitions de la BERD, celle de se positionner comme une banque « verte ». Dans ce sens, la BERD s’est attelée à un financement « vert », en pourvoyant un quart du financement bancaire multilatéral l’année dernière pour l’économie verte. En effet, la banque a comme objectif de promouvoir les énergies renouvelables & l’efficacité énergétique permettant une croissance inclusive et un développement durable. Concrètement, plusieurs programmes ont été mis en place dans ce sens par la BERD, ayant pour but de mobiliser les fonds de donateurs pour des subventions green. Tout d’abord, le programme « FINTECC » (Finance and Technology Transfer Centre for Climate Change) qui vise la mise en œuvre de technologies climatiques innovantes (efficacité énergétique, énergie renouvelable, utilisation rationnelle de l’eau, réduction des émissions de CO2, résilience aux impacts du changement climatique) et dans le cadre duquel la banque peut accorder des subventions allant jusqu’à 25% du coût de la technologie ou 400.000 d’euros.
Nous avons également lancé le programme « MORSEFF & SPREF » (SEMed Private Renewable Energy Framework) pour les énergies renouvelables, à travers le fonds pour l’environnement mondial Global Environment Facility (GEF) et (CTF). D’un montant global de 110 millions d’euros, il s’agit de la ligne de financement de l’énergie durable destinée aux entreprises privées marocaines. Dans le même ordre d’idée, nous avons également à notre actif le « Green Logistics Programme », qui soutient les investissements logistiques (jusqu’à 15% du coût).
Par ailleurs, la BERD a investi dans un volet important et qui est celui des chaines de valeurs à travers le programme « Sustainable Value Chains & Competitiveness », visant des agrégateurs dans les écosystèmes (Agribusines-Coopération avec la FAO sur l’irrigation & Industries). Ainsi, nous accompagnons ces écosystèmes à hauteur de 15% ou 500.000 euros, cumulables avec les subventions étatiques en plus de l’assistance technique. Cela va dans le sens de créer les conditions idéales pour que les chaines de valeurs de l’agro-industrie soient à la fois productives et durables, afin que le secteur puisse surmonter des défis tels que le changement climatique, et nous aidons les entreprises du secteur privé à produire plus avec moins.
Dans son ambition de se déployer en Afrique subsaharienne, que prévoit la banque pour la région ?
En effet, c’est une récente initiative émanant de la part de notre président Suma Chakrabarti. L’idée derrière cette ambition est d’utiliser notre expertise au Maroc pour en faire un hub dans notre projet d’expansion vers l’Afrique subsaharienne. Rien n’est encore acté mais le sujet sera rediscuté lors de l’assemblée générale annuelle de la BERD qui se teindra dans deux semaines en Jordanie et lors de laquelle le président compte obtenir le feu vert pour l’élaboration d’une étude approfondie dans ce sens. Quant au choix de nos pays d’installation, l’orientation de la banque a toujours été dans le sens d’aller vers des pays qui essaient de développer une économie de marché. De ce fait, je suppose que le choix de s’orienter vers cette nouvelle région a été motivé par ces considérations et ceci représente une réelle opportunité de développement pour la banque.