Malgré une baisse d’activité enregistrée dans le secteur de la chimie et de la parachimie en 2024, notamment due au ralentissement de certains secteurs connexes, Abed Chagar, président de la Fédération de chimie et parachimie, reste optimiste. Dans cet entretien, il analyse les défis structurels, les opportunités offertes par les grands projets nationaux, et partage sa vision pour une reprise significative en 2025.
Quels sont les facteurs spécifiques qui ont contribué à la baisse de la production dans le secteur de la chimie et de la parachimie au mois de novembre 2024, selon le rapport de Bank Al-Maghrib ?
L’activité du secteur de la chimie, de manière générale, a connu une certaine baisse au cours du deuxième semestre de 2024, en particulier durant le dernier quadrimestre de l’année. Cette situation s’explique par plusieurs raisons.
Tout d’abord, le ralentissement du secteur immobilier a eu un impact notable. En effet, les ventes de logements ont connu un essoufflement, ce qui a directement affecté certaines activités chimiques liées à ce secteur.
Deuxièmement, la chimie est étroitement connectée à d’autres industries. Ainsi, la baisse de performance de certaines industries au niveau local a eu un effet direct sur l’activité chimique.
Cependant, pour 2025, une reprise significative est attendue pour plusieurs raisons. D’une part, les perturbations économiques liées à la Loi de Finances 2024, notamment les ajustements fiscaux organisés par l’État pour l’amnistie fiscale, sont désormais derrière nous. Cette opération, bien que disruptive sur le moment, a été une réussite. Elle devrait permettre l’injection de capitaux dans l’économie formelle, ce qui bénéficiera tant à l’économie en général qu’à l’industrie en particulier.
D’autre part, l’approche de la Coupe du Monde 2030 stimule le lancement et l’accélération de nombreux projets. Ces initiatives auront un impact positif sur l’économie et, par conséquent, sur l’industrie, où le secteur de la chimie joue un rôle crucial.
Comment l’industrie de la chimie, en particulier, peut-elle surmonter les défis ayant conduit à cette baisse de production ? Y a-t-il des mesures envisagées pour soutenir ce secteur ?
En 2025, aucune mesure spécifique n’a été prise pour soutenir le secteur de la chimie de manière générale. Pourtant, ce secteur constitue une industrie clé au Maroc, caractérisée par des investissements continus depuis plusieurs années. La chimie joue un rôle central dans l’économie nationale et figure parmi les premiers secteurs industriels du pays.
L’OCP agit comme un moteur pour les exportations, tandis que, sur le plan local, plusieurs industries solides contribuent de manière significative à l’économie. Parmi elles, des entreprises bien connues comme Colorado, National, ou encore Bayer.
Nous espérons que le secteur pourra profiter de l’élan généré par plusieurs grands projets en cours au Maroc. Parmi ces initiatives figurent les projets de dessalement de l’eau de mer, qui s’accélèrent actuellement, les préparatifs liés à l’organisation de la Coupe du Monde 2030, un événement majeur pour le continent africain, et les projets autour de l’hydrogène vert et des batteries, qui devraient stimuler le développement industriel.
Cependant, la chimie continue de faire face à certaines contraintes structurales qui freinent son développement. Ces obstacles, bien que persistants, pourraient être levés facilement avec une approche adaptée :
La législation actuelle, datant parfois de plus d’un siècle, constitue un frein majeur à l’investissement et au développement. Une mise à jour de ces réglementations est essentielle, comme cela a été fait dans d’autres pays voisins en Afrique du Nord ou en Europe.
Dans plusieurs filières, l’informel représente une part significative de 20 à 40 %. Ce phénomène empêche les entreprises formelles de se développer correctement et d’établir une concurrence saine sur le marché. Il engendre également des emplois précaires et des risques pour les employés, les riverains et les consommateurs.
S’attaquer sérieusement à ces défis pourrait transformer considérablement le secteur de la chimie, en renforçant son rôle dans l’économie marocaine et en contribuant à une croissance durable.
Malgré la baisse de production dans la chimie et la parachimie, les ventes globales ont augmenté. Quelles stratégies les entreprises de ce secteur utilisent-elles pour maintenir ou accroître leur part de marché dans ce contexte ?
Il est difficile d’analyser la corrélation entre la baisse de production et les ventes sur une période d’un mois. Cependant, ce que je peux affirmer concernant l’ensemble de l’année 2024, c’est qu’il existe une corrélation globale.
Concernant la production dans le secteur de la chimie, je ne pense pas qu’il y ait eu une baisse très significative. On peut observer de légères diminutions, à un chiffre, dans certaines filières, mais elles ont été compensées par des hausses similaires dans d’autres. Il en va de même pour le chiffre d’affaires global.
En 2024, le chiffre d’affaires a été principalement soutenu par l’OCP, qui réalise une très bonne performance, notamment grâce à son orientation vers l’export. L’OCP a joué un rôle moteur dans l’évolution positive de l’industrie chimique au Maroc.
Pour 2025, nous restons très optimistes. Comme je l’ai mentionné précédemment en répondant à vos premières questions, nous croyons fermement que les différentes filières de l’industrie chimique marocaine connaîtront une évolution positive. Nous sommes convaincus que ce secteur continuera de jouer un rôle clé dans l’économie nationale.
Propos recueillis par Rachid Mahmoudi