À l’occasion de la 3e édition de l’Agrichain Investment Forum, Industrie du Maroc Magazine s’est entretenu avec Younes Addou, Vice-Président Agribusiness & Sustainability Solutions chez INNOVX. Dans cet échange, il revient sur la plateforme MAVA, les enjeux du financement agricole en Afrique et le rôle fondamental de l’innovation dans la transformation des chaînes de valeur agricoles.

Pouvez-vous nous présenter votre rôle au sein d’INNOVX et le contexte dans lequel s’inscrit la plateforme MAVA ?
Je suis Vice-Président en charge des activités Agribusiness & Sustainability Solutions chez INNOVX, qui est la plateforme d’incubation, de développement et d’investissement de l’écosystème OCP. INNOVX est une filiale de l’Université Mohammed VI Polytechnique, et nous avons lancé il y a environ deux ans une initiative stratégique : la plateforme MAVA.
Cette initiative a été lancée en marge des Assemblées annuelles de la Banque mondiale à Marrakech, en octobre 2023, et elle est co-sponsorisée par le Groupe OCP et Africa Finance Corporation. Elle a pour ambition de structurer et de « dé-risquer » les chaînes de valeur agricoles, en s’appuyant sur un écosystème d’innovation robuste.
Quel est le rôle de l’innovation dans cette ambition de transformation agricole ?
L’innovation est essentielle pour impulser une double révolution verte en Afrique : à la fois agricole et climatique. Cela passe par la création d’un environnement propice à l’émergence de solutions disruptives, adaptées aux réalités locales. Et c’est justement l’objet du forum Agrichain Investment Forum, que nous organisons. À travers cette 3e édition, nous réunissons des acteurs marocains, africains et internationaux : banques de développement, fonds d’investissement, institutions de recherche, universités, agro-industriels…
Ensemble, nous cherchons à répondre à une question clé : quels sont les mécanismes à mettre en place pour favoriser un écosystème d’innovation solide et inclusif, au service du petit fermier africain ?
Pourquoi placez-vous le petit fermier au centre de cette stratégie ?
Parce qu’il représente 85 à 90% de l’agriculture africaine. Mais aujourd’hui, les mécanismes traditionnels ne permettent pas de l’atteindre efficacement. Même les coopératives les mieux organisées ne touchent pas plus de 10 000 à 20 000 fermiers. Or, nous parlons de centaines de millions de petits exploitants agricoles sur le continent.
Notre vision est donc de mettre l’innovation — pas seulement technologique, mais aussi sociale et organisationnelle — au service de ces populations. Par exemple, au Niger, nous avons lancé un projet où quelques jeunes dotés de triporteurs et de tablettes ont permis de créer un réseau de distribution efficace, sans infrastructures lourdes. C’est ça, l’innovation adaptée au contexte africain.
Et concernant les technologies agricoles plus avancées, où en êtes-vous ?
Nous développons, grâce à des outils d’intelligence artificielle et d’imagerie satellitaire, des solutions pour analyser les besoins des sols, anticiper les rendements et proposer des fertilisants personnalisés. Ces données permettent une meilleure gestion des intrants et de l’irrigation, adaptés à chaque culture et chaque terroir.
C’est ce que nous appelons la fertilisation intelligente, avec des mélanges customisés selon que l’on cultive de la tomate, du maïs ou du sorgho. Cela permet non seulement d’augmenter les rendements, mais aussi de préserver les ressources naturelles.
Quels types de partenariats privilégiez-vous pour réussir cette transition ?
Ce que nous défendons, c’est un nouveau modèle de partenariat multilatéral. À travers le groupe OCP, qui est un acteur africain engagé, nous collaborons avec des fondations, des organismes de développement, des institutions publiques et privées. Le but est clair : créer de la valeur pour tous, mais surtout pour le petit fermier, qui reste au cœur de notre démarche.
Vous évoquiez aussi le rôle de l’Afrique comme futur puits de carbone. Pouvez-vous développer ?
Oui, nous croyons fermement que les sols africains peuvent devenir les puits de carbone de demain. En renforçant leur fertilité, on augmente également leur capacité à séquestrer le carbone. C’est pourquoi nous accompagnons des projets comme celui de la start-up française Net Zero, qui produit du biochar à partir de déchets agricoles.
Ce biochar, une fois appliqué au sol, permet à la fois d’enrichir la terre et de piéger durablement le carbone. Cela ouvre aussi l’accès aux marchés du crédit carbone, apportant une source de valeur supplémentaire aux producteurs. C’est une boucle vertueuse : on valorise les déchets, on améliore les rendements et on génère des revenus additionnels.
Un dernier mot pour conclure ?
Oui, un message simple : l’avenir agricole de l’Afrique passera par l’innovation, l’inclusion et la coopération. Et à travers la plateforme MAVA, nous faisons tout pour bâtir cet avenir, au service de ceux qui nous nourrissent chaque jour.
Propos recueillis par Rachid Mahmoudi