
Sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, les Premières Assises nationales de la publicité, tenues à Casablanca, ont constitué une étape décisive dans la refondation du paysage publicitaire marocain.
Pour la première fois, l’ensemble des acteurs – institutions, agences, médias, annonceurs et experts – se sont réunis pour débattre de l’avenir d’un secteur souvent perçu à travers le prisme de la créativité, mais dont la portée économique et stratégique est bien plus vaste.
La publicité n’est plus seulement une vitrine esthétique au service du commerce ou de la communication : elle est devenue un levier de croissance, de souveraineté et d’emploi. À l’heure où les frontières entre les médias traditionnels et les plateformes numériques s’estompent, ce secteur se positionne au cœur de la mutation numérique et culturelle du Maroc, incarnant à la fois un instrument de rayonnement et un moteur d’innovation.
Un levier de souveraineté et d’inclusion économique
En ouverture des Assises, Mohamed Mehdi Bensaid, Ministre de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, a donné le ton :
« La publicité est bien plus qu’un espace de créativité et de création d’emplois. Elle constitue un pilier de la souveraineté que le Maroc s’attache à défendre. »
Cette affirmation résume l’enjeu majeur : la publicité est aujourd’hui au cœur de la souveraineté numérique et médiatique. Dans un contexte mondial dominé par les géants de la tech, les plateformes étrangères absorbent une part croissante des budgets publicitaires, menaçant l’indépendance économique des médias nationaux.
Face à cette réalité, structurer un marché publicitaire marocain fort, régulé et compétitif devient une nécessité stratégique.
Le secteur irrigue un vaste écosystème interconnecté : agences de communication, régies publicitaires, médias audiovisuels et digitaux, influenceurs, studios graphiques, vidéastes, motion designers, développeurs, stratèges en data marketing… Ce tissu professionnel est en pleine expansion et offre une diversité d’opportunités pour la jeunesse.
Selon les données présentées lors des Assises, les industries culturelles et créatives (ICC), dont la publicité constitue un pilier majeur, pèsent désormais 2,7 % du PIB contre 2,4 % en 2022. Le secteur emploie plus de 140 000 personnes, dont un tiers de femmes, et affiche l’une des croissances les plus dynamiques du marché du travail.
Cette vitalité s’explique par une double transformation : la numérisation des métiers (data, contenus, analytics, design interactif) et la montée en puissance des talents locaux, souvent formés dans des écoles marocaines de communication ou de design qui rivalisent désormais avec leurs homologues internationaux.
Au-delà de la création d’emplois, la publicité agit comme un facteur d’inclusion économique et territoriale, en soutenant les TPE, startups et marques régionales qui accèdent, grâce au digital, à des marchés auparavant inaccessibles.
L’éthique, colonne vertébrale du message publicitaire
Toutefois, un secteur puissant doit reposer sur une éthique irréprochable.
Latifa Akharbach, Présidente de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), a rappelé que le message publicitaire n’est pas neutre :
« La publicité n’est pas qu’une question de parts de marché ou de budgets. C’est un message adressé au consommateur, porteur d’images et de représentations. »
Cette dimension éthique prend une importance accrue à l’ère du numérique, où les frontières entre contenu éditorial et contenu sponsorisé s’effacent parfois.
La HACA veille donc à faire respecter le principe fondamental de séparation entre l’éditorial et le commercial, pilier de la crédibilité médiatique.
En parallèle, elle renforce son action contre les dérives de contenus, les publicités mensongères, stéréotypées ou discriminatoires, et contre l’utilisation abusive des données personnelles à des fins commerciales.
Mme Akharbach a également insisté sur la nécessité de repenser le modèle économique des médias. Face à la baisse des recettes publicitaires locales, exacerbée par la concurrence des plateformes internationales, il devient urgent de garantir un partage équitable de la valeur et de protéger les acteurs marocains à travers un environnement réglementaire et fiscal plus juste.
Ainsi, l’éthique publicitaire devient non seulement un principe moral, mais aussi un levier de durabilité économique et sociale, garantissant un développement équilibré du secteur.
Vers un cadre juridique et fiscal rénové
L’une des conclusions phares des Assises concerne le décalage entre la législation en vigueur et la réalité numérique actuelle.
La publicité en ligne, les influenceurs, le placement de produits ou encore la publicité automatisée (programmatique) ont profondément redéfini les règles du jeu sans que le cadre légal suive cette évolution.
Le juriste Abdelkader Boukhriss a pointé du doigt l’obsolescence du régime fiscal, estimant qu’il pénalise les entreprises marocaines tout en favorisant, de fait, les plateformes internationales.
Il a plaidé pour une fiscalité équitable, garantissant la transparence et la loyauté de la concurrence, tout en créant des conditions propices à l’investissement publicitaire national.
Dans le même sens, Naoufel Raghay, expert en médias, a alerté sur le vide juridique concernant les pratiques publicitaires émergentes liées à l’intelligence artificielle et aux réseaux sociaux.
Les algorithmes de ciblage, la publicité générée par IA, ou encore les partenariats d’influence non déclarés posent des défis de traçabilité et de responsabilité.
Une régulation agile, inclusive et protectrice s’impose donc pour protéger les opérateurs nationaux et les consommateurs, tout en favorisant l’innovation.
Cette refonte juridique devra s’accompagner d’un cadre de gouvernance clair, articulant les rôles des autorités (HACA, MICEPP, ministère de la Communication) et des fédérations professionnelles, afin d’instaurer une transparence qui rassure les investisseurs et crédibilise le marché.
Une feuille de route nationale pour un secteur d’avenir
Sous le thème « État des lieux et perspectives », ces Assises ont permis de dresser un diagnostic complet du marché publicitaire marocain et de poser les jalons d’une feuille de route nationale 2026–2030. Les objectifs sont multiples : renforcer la compétitivité du secteur, aligner les standards marocains sur les références internationales et bâtir une industrie publicitaire durable, inclusive et innovante.
Cette feuille de route s’articule autour de quatre priorités majeures :
- Encourager la création d’emplois qualifiés, notamment dans les métiers de la stratégie média, du marketing de contenu, de la data et du design numérique.
- Promouvoir une publicité responsable et inclusive, respectueuse de la diversité culturelle et des valeurs sociétales marocaines.
- Accompagner la transition numérique du secteur, en soutenant la formation continue, la montée en compétences et l’adoption des nouvelles technologies.
- Soutenir les entreprises locales, en facilitant leur accès aux marchés publicitaires et en les protégeant des pratiques anticoncurrentielles des multinationales du digital.
Au-delà des chiffres, cette feuille de route vise à positionner la publicité marocaine comme un levier d’attractivité et d’innovation, contribuant à la souveraineté économique du Royaume tout en renforçant son rayonnement culturel à l’échelle africaine et méditerranéenne.
Publicité : un moteur d’emploi et de souveraineté
La publicité n’est plus un simple vecteur de consommation ; elle est devenue un secteur économique à part entière, catalyseur de création d’emplois, d’innovation technologique et de cohésion culturelle.
En investissant dans la structuration de ce marché, le Maroc fait le pari d’un double impact vertueux : stimuler la croissance nationale tout en offrant à sa jeunesse créative des perspectives d’avenir dans les métiers de demain.
Dans un monde dominé par la donnée et l’image, la publicité est appelée à jouer un rôle central : celui d’un moteur de souveraineté, d’influence et d’emploi durable.
Hakim Farès





























