IDM : Où en est aujourd’hui le contrat-programme 2010-2015 ? Les objectifs ont-ils été atteints ?
AR : Il faut rappeler que ce contrat-programme définit le cadre de développement du secteur de la logistique au Maroc, fixe les grandes lignes et les objectifs de la stratégie intégrée pour le développement de la compétitivité logistique et décline les engagements communs de l’Etat et du secteur privé.
Une réelle dynamique a été insufflée par le gouvernement pour la mise en œuvre de cette stratégie.
Plusieurs chantiers ont été ouverts notamment pour la structuration du développement des zones logistiques.
A ce titre, grâce à des projets portés par des opérateurs publics et surtout privés, l’offre d’immobilier logistique conforme à des standards internationaux a plus que triplé entre 2009 et 2014 pour atteindre une superficie globale construite et couverte de 700.000 m2 en 2014.
Près de 2.700 ha sur les 3.300 ha prévus par le schéma national à l’horizon 2030 (soit 82%) sont déjà identifiés en concertation avec les acteurs locaux de différentes régions, et se préparent pour accueillir de nouveaux projets de zones logistiques dans ces régions
Des avancées importantes ont été également constatées en matière de développement d’offres de services logistiques, qu’il s’agisse du transport routier national et international, du stockage, du freight-forwarding, du fret aérien ou encore des nouvelles technologies développées par des acteurs marocains émergents, mais également par des opérateurs internationaux de référence.
Ces résultats reflètent l’impact positif et le dynamisme que connaît le Maroc dans le secteur de la logistique grâce à la définition d’une stratégie claire qui commence à s’activer sur plusieurs niveaux.
IDM : Quelles sont les actions jusque-là entreprises pour la mise à niveau et la modernisation du secteur du transport et de la logistique au Maroc ?
AR : La stratégie logistique adopte une approche multi-sectorielle puisqu’elle prévoit des mesures pour l’amélioration des chaînes logistiques relatives à plusieurs secteurs et flux de marchandises, dont les produits énergétiques, les produits agricoles, les matériaux de construction, de distribution interne et d’import/export.
Des plans d’actions sectoriels étalés sur la période 2014-2020 relatifs à la formation et à l’amélioration de ces chaînes logistiques ont été élaborés et actés par la signature d’un ensemble de conventions spécifiques et dont la mise en œuvre est déjà entamée à plusieurs niveaux.
Ces plans d’actions comportent notamment des mesures pour les différents maillons desdites chaînes logistiques, à l’instar de la facilitation des opérations logistiques aux frontières, l’accompagnement à la modernisation du commerce traditionnel sur le plan logistique notamment à travers la structuration de la logistique urbaine et l’encouragement à la création de coopératives de petits distributeurs en leur facilitant l’accès au foncier des zones logistiques.
Un important travail a été également entrepris pour la sensibilisation des acteurs économiques aux avantages de l’externalisation des activités logistiques qui enregistrent au Maroc un taux en deçà des standards et moyennes au niveau international.
Le levier de la formation des compétences a été également activé pour professionnaliser et moderniser le secteur logistique.
En plus du développement de l’offre de formation dans les métiers de la logistique à travers plusieurs initiatives d’organismes de formation, le Ministère procède à la création de l’Ecole Supérieure d’Ingénierie Logistique (ESIL) qui a pour objectif d’anticiper les besoins réels du Maroc en compétences spécialisées en ingénierie logistique, et constituer un exemple à suivre et une référence en matière de formation avant-gardiste et de qualité.
Par ailleurs, une convention pour la période 2014-2020, constituant un engagement de l’Etat et du secteur privé portant sur la mise en œuvre de 17 actions pour le développement de la formation et des compétences logistiques, a été conclue en mai 2014.
Cette convention, en cours de mise en œuvre, concerne le renforcement quantitatif et qualitatif de l’offre pour certains profils et l’adéquation dynamique entre la demande et l’offre de formation dans le secteur de la logistique.
IDM : Quelle est la position du Royaume par rapport aux autres pays de la région en termes de performance logistique ?
AR : Engagé actuellement dans un processus de développement du secteur de la logistique pour ériger son territoire en une plateforme logistique internationale, le Maroc a enregistré un progrès significatif lui prévalant une position de leader dans sa région en matière logistique.
En effet, selon l’indicateur de performance logistique pour la période 2007-2014 publié par la Banque Mondiale en 2014, le Maroc se place à la 2ème position sur le continent africain et à la première place en Afrique du Nord et au Maghreb.
IDM : Comment peut la performance logistique impacter le développement industriel ?
AR : Toute stratégie de développement industriel doit impérativement s’accompagner d’une stratégie logistique efficiente.
La compétitivité de toute activité industrielle dépend du coût, du délai et de la qualité avec laquelle les produits bruts ou transformés sont acheminés.
La part des coûts logistiques dans la chaîne de valeur d’un nombre important de produits dépasse le coût de production.
Il est donc clair qu’agir sur la performance logistique contribue considérablement à un développement industriel vertueux.
IDM : Quel rôle peut jouer le secteur du transport et de la logistique dans la compétitivité des entreprises ? Quels sont les efforts fournis à ce niveau ?
AR : Le transport et la logistique sont des secteurs de support et d’appui aux activités des entreprises.
La qualité des infrastructures et des modes de gestion du transport et de la logistique contribuent à la compétitivité des entreprises et leur permettent d’opérer leurs activités de façon optimale sur le territoire national et d’accéder à des marchés internationaux.
Dans ce cadre, le Ministère a œuvré ces dernières années pour mettre en place une politique visant à doter le pays d’infrastructures de transport modernes et à opérer des réformes ayant permis la professionnalisation et la mise à niveau des différents modes de transport.
Les complexes portuaires Tanger-Med et Nador West Med, les développements ferroviaires connectant ces ports, le développement des aéroports au Hub de Casablanca et dans les régions, et enfin, le développement du réseau autoroutier qui connectera en 2018 toutes les villes ayant plus de 400.000 habitants avec 1.800 km, constituent les éléments les plus apparents de cette politique et de sa cohérence.
Dans cette continuité, la stratégie logistique est en cours de mise en œuvre pour rendre les chaînes logistiques du pays plus solides et plus compétitives.
IDM : Quelles sont par ailleurs les difficultés et les problématiques qui entravent la bonne marche de ce secteur ?
AR : Les agrégateurs au niveau des différentes chaînes logistiques ne sont pas nombreux, ce qui constitue un frein à la massification des flux de marchandises, condition cruciale pour une performance logistique acceptable.
Ce rôle d’agrégateurs peut être assuré par des prestataires de services logistiques intégrés à l’image des freight-forwarders pour la chaîne logistique import-export, dont l’intervention pourrait par exemple permettre de mieux négocier le fret maritime en faisant jouer le facteur d’échelle.
Par ailleurs, la nature familiale et patrimoniale, pour la majorité des entreprises marocaines, conjuguée à la problématique de l’informel, fait que le niveau d’externalisation des prestations logistiques est très bas et engendre un surcoût pesant sur la compétitivité du tissu économique, puisque dans la majorité des cas, les investissements en matériels et équipements logistiques faits par ces entreprises se font au détriment du développement de leur propre métier de base.
IDM : Un mot sur la situation réglementaire du secteur ?
AR : Votre question est pertinente dans la mesure où l’on constate certaines lacunes ou absence de réglementations ou normes imposées et appliquées pour le secteur logistique.
Ces normes concernent de nombreux aspects touchant aux opérations de flux de marchandises, à la sécurité, à l’urbanisme et notamment la maîtrise foncière du développement logistique (zonage, règlements d’urbanisme).
A cet effet, le Ministère a procédé, dans un premier temps, à la création, vers la fin de l’année 2014, de la commission nationale de normalisation du secteur de la logistique en partenariat avec l’Institut Marocain de Normalisation (IMANOR). Constituée d’intervenants publics et privés, l’objectif de cette commission est d’identifier les besoins et attentes des acteurs du secteur de la logistique en termes de normes et de prérequis pour un meilleur cadre normatif et réglementaire du secteur logistique au Maroc.
IDM : Quels sont les projets qui restent encore à réaliser ?
AR : La cadence sera accélérée pour poursuivre l’implémentation de la stratégie logistique qui s’étale à l’horizon 2030. Ainsi, dans le cadre de cette stratégie, il sera question de doter le pays d’infrastructures logistiques performantes à travers le lancement d’autres projets de zones logistiques dans plusieurs régions, sur la base des besoins actuels et prévisionnels de ces territoires.
En matière de développement des plateformes logistiques, nous accordons une attention particulière au projet de développement de la deuxième tranche de la zone logistique de Zenata, prévu sur une centaine d’hectares et développé par un opérateur public spécialisé dans l’aménagement des zones logistiques et qui sera créé à cet effet.
Les efforts de la modernisation du secteur seront maintenus à travers des plans d’actions sectoriels d’optimisation des flux logistiques, des actions favorisant l’émergence de logisticiens intégrés et performants et un plan national global de développement des compétences en logistique.