Malgré un déficit commercial en hausse et des tensions sur le compte courant, le Maroc tire son épingle du jeu grâce à la vigueur de ses échanges de services. Au premier trimestre 2025, le secteur a généré un excédent historique de 33 milliards de dirhams, consolidant sa place comme pilier stratégique des revenus extérieurs du Royaume.

Dans un contexte marqué par un ralentissement de la croissance mondiale, la montée du protectionnisme commercial et les tensions géopolitiques, l’économie marocaine continue d’affirmer sa résilience. Les derniers chiffres publiés par l’Office des Changes révèlent une dynamique contrastée des échanges extérieurs à fin mars 2025 : si les déficits commerciaux et courants se sont alourdis, les services, eux, poursuivent leur envolée, confirmant leur rôle de levier stratégique dans la transition économique du Royaume.

Un excédent record de +33 milliards de dirhams

Au premier trimestre 2025, l’excédent net des échanges de services atteint 33 milliards de dirhams, contre 31,4 milliards une année auparavant. Ce niveau record s’explique par la reprise continue du tourisme international, l’essor des services numériques (notamment l’offshoring et les plateformes cloud), mais aussi par la performance du transport maritime et logistique, boosté par les flux autour de Tanger Med.
Cette progression est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un environnement externe tendu. « Le Maroc confirme sa capacité à exporter du service à forte valeur ajoutée, ce qui traduit une montée en compétences et en attractivité des plateformes marocaines », analyse un économiste de Casablanca Finance City.

Un déséquilibre commercial accru

À l’inverse, le volet des échanges de biens physiques affiche une tendance moins favorable. Les importations ont progressé de 6,9 % pour atteindre 187,6 milliards de dirhams, alors que les exportations n’ont crû que de 1,8 %, totalisant 116,4 milliards. Résultat : le déficit commercial se creuse de 10 milliards de dirhams, atteignant 71,2 milliards à fin mars.
Cette aggravation impacte directement le compte courant, qui bascule dans le rouge. Après un excédent de 6,3 milliards à fin mars 2024, le solde se détériore à –4,5 milliards de dirhams début 2025. En cause : une dégradation des soldes sur les biens, partiellement compensée par les bons résultats des services.

Position extérieure : progression des investissements, mais endettement accru

Sur le front des investissements internationaux, les données de la position extérieure globale révèlent un accroissement net des engagements financiers (+52,4 Mds DH), dû principalement à la hausse des investissements directs étrangers (+54,1 Mds DH). Les investissements de portefeuille sont également en progression (+2,6 Mds DH).
En parallèle, les avoirs financiers ont connu une légère baisse (–1,2 Mds DH), portant le solde net débiteur à 746,7 Mds DH contre 693,1 Mds DH fin 2024. Ce chiffre traduit une dépendance accrue aux capitaux étrangers, mais également l’intérêt soutenu que suscite le Royaume auprès des investisseurs.

Services : le moteur silencieux de l’économie extérieure

Le secteur tertiaire exportateur s’impose comme un véritable amortisseur macroéconomique. Que ce soit dans le tourisme, les services IT, l’ingénierie, l’aéronautique ou les activités portuaires, le Maroc parvient à monétiser son expertise, sa stabilité et ses infrastructures de qualité.
À l’heure où les chaînes d’approvisionnement mondiales se reconfigurent, les services offrent une flexibilité et une compétitivité que l’industrie peine parfois à maintenir. Cette performance vient aussi renforcer les choix stratégiques du Nouveau Modèle de Développement, qui mise sur la digitalisation, l’économie de la connaissance et le capital humain.

Des fragilités réelles, mais une base solide pour l’avenir

Les résultats globaux à fin mars 2025 dessinent un tableau nuancé : un creusement des déficits qui appelle à la vigilance, mais aussi des pôles de performance qu’il conviendra de renforcer. L’excédent des services, en progression constante, illustre le potentiel du Maroc à s’imposer comme un hub africain et euro-méditerranéen des services.
Le défi des prochains mois résidera dans la capacité du pays à consolider ses acquis, à accélérer la montée en gamme de son offre exportable, et à rééquilibrer sa balance courante. Mais en misant sur les services, le Maroc semble avoir trouvé un moteur fiable et durable pour traverser les turbulences du commerce mondial.

Hakim Farès

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