Le futur de l’emploi au Maroc était au cœur des discussions lors de la première table ronde de l’événement LinkedIn Local Morocco, tenue sous le thème “Le Futur de l’Emploi au Maroc : Défis et Opportunités”. Cette session a rassemblé des acteurs majeurs du secteur éducatif, industriel et associatif pour aborder les enjeux contemporains du marché de l’emploi, en particulier les défis d’accompagnement des jeunes talents et les opportunités créées par l’évolution technologique et l’ouverture des secteurs industriels.
M. Benlafdil, Président de Jadara Foundation, a intervenu sur l’importance de l’accompagnement des jeunes issus de milieux sociaux précaires, souvent confrontés à des incertitudes concernant leur avenir professionnel, mettant ainsi en lumière les initiatives comme celles de Jadara, une association dédiée à l’accompagnement des jeunes brillants mais issus de zones rurales ou de structures de protection sociale. Ces jeunes, bien qu’ayant des capacités exceptionnelles, manquent souvent de repères et de soutien pour se projeter dans l’avenir professionnel.
Le système de mentorat industriel s’est ainsi révélé comme un moyen concret de connecter ces jeunes avec des experts du secteur. En les associant à des professionnels du milieu industriel, ces jeunes bénéficient non seulement de conseils avisés mais aussi d’une perspective sur les opportunités existantes, souvent méconnues dans leur entourage. Le mentorat, en lien direct avec des ingénieurs ou des cadres d’entreprises, permet de pallier le manque d’information sur le marché de l’emploi et de motiver ces jeunes à se projeter dans des carrières ambitieuses.
Les Compétences de la Diaspora : Un Pont Entre Maroc et Monde
Un autre point crucial abordé lors de cette table ronde a été la diaspora marocaine et son rôle clé dans le développement industriel du Maroc. En effet, le Maroc peut compter sur une diaspora de plus de 7 millions de Marocains à travers le monde, dont une part significative possède des compétences et de l’expérience professionnelle dans divers secteurs. Ces compétences, souvent acquises dans des environnements industriels compétitifs à l’international, peuvent être un levier stratégique pour répondre aux besoins croissants du marché du travail au Maroc.
KARIM AMOR Président de MeM à la CGEM a souligné la nécessité d’intégrer ces talents dans le tissu industriel national par le biais du mentorat à distance, de l’accompagnement à l’international et du partage de savoir-faire. De nombreux industriels se disent prêts à investir au Maroc, mais se heurtent à une difficulté majeure : la recherche de compétences adaptées. En activant ce réseau de compétences internationales, il devient possible de réduire le gap entre la demande locale de talents qualifiés et l’offre disponible, tout en offrant aux membres de la diaspora la possibilité de contribuer activement au développement économique du pays.
La Réponse des Écoles d’Ingénieurs : Une Adaptation au Marché du Travail
Le secteur académique, et en particulier les écoles d’ingénieurs, joue également un rôle clé dans la formation des futurs professionnels. Lors de cette table ronde, MOHAMMED LAHLOU, Président du directoire de l’ESITH a partagé l’expérience de son institution, fondée il y a une trentaine d’années dans un esprit de partenariat public-privé. L’ESITH a toujours anticipé les besoins du secteur en formant des talents en adéquation avec les exigences du marché, en particulier dans des domaines technologiques tels que la logistique ou l’intelligence artificielle.
L’école a notamment répondu à la demande croissante de compétences technologiques en adaptant son programme pour intégrer des modules de formation pratiques, souvent co-construits avec les entreprises elles-mêmes. Cette relation étroite avec le monde professionnel permet de préparer les étudiants aux défis réels de l’industrie et d’assurer leur employabilité.
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Un appel à l’action collective
Par ailleurs, l’un des grands messages de cette table ronde a été que l’avenir de l’emploi au Maroc dépendra largement d’un effort collectif entre les acteurs publics, privés et associatifs. Les entreprises doivent collaborer avec les institutions éducatives pour développer des programmes qui répondent aux besoins du marché, tandis que les mentors et les acteurs de la diaspora peuvent jouer un rôle crucial dans l’accompagnement des jeunes talents vers des carrières réussies. L’importance de la formation continue, du mentorat, et de l’accès à l’information a été unanimement soulignée comme étant des leviers essentiels pour construire un avenir professionnel.
L’un des points clés soulevés par Mme Ikkez, Directrice des Ressources Humaines de Simon du Maroc, a été la perception des industries lourdes comme des secteurs de travail déconnectés des attentes des jeunes talents. Pourtant, malgré cette image parfois désuète, des entreprises comme Simon du Maroc s’engagent dans une véritable transformation vers des modèles plus durables et innovants. En témoignent les projets novateurs comme le parc micro-algues à l’usine de Safi, qui permet de capter le CO2 émis par les fours à ciment pour le transformer en algues, ou encore le projet d’énergie photovoltaïque à Aitbara. Ces initiatives visent non seulement à réduire l’empreinte écologique, mais aussi à attirer une génération soucieuse de l’environnement.
Cette évolution montre qu’une industrie traditionnelle peut être une terre fertile pour des carrières intéressantes, à condition d’être capable de communiquer son potentiel d’innovation. Les jeunes talents, notamment ceux de la génération Z, cherchent avant tout des entreprises qui s’engagent concrètement sur des projets durables, sociaux, et éthiques. Ces valeurs, centrées sur l’inclusion, la diversité, et l’innovation, sont au cœur de leurs préoccupations et influencent de plus en plus leurs choix de carrière.
Attirer et retenir les talents : la nouvelle donne
L’un des défis majeurs pour les entreprises réside dans leur capacité à attirer mais aussi à retenir les talents. Autrefois, les recruteurs étaient ceux qui posaient les questions, mais aujourd’hui, c’est la génération Z qui renverse la situation et demande : “Pourquoi rejoindre votre entreprise ?” Cette inversion des rôles place une pression sur les entreprises pour qu’elles non seulement attirent ces jeunes, mais qu’elles leur proposent des perspectives de carrière et un environnement de travail en phase avec leurs attentes.
Les actions concrètes entreprises par Simon du Maroc sont un excellent exemple de ce que peuvent être des leviers d’attractivité : l’innovation au cœur des projets, une marque employeur forte, mais aussi une réputation d’entreprise éco-responsable. Les jeunes de la génération Z ne veulent plus travailler simplement pour un salaire ; ils veulent travailler pour des entreprises dont les valeurs correspondent aux leurs et qui les impliquent dans des projets à fort impact social et environnemental.
La technologie et l’innovation : Des atouts clés pour l’industrie marocaine
Les interventions ont également mis en lumière l’importance de l’innovation et de l’anticipation des besoins dans la préparation des futurs talents. Comme l’a souligné M. Mohammed Lahlou, président du directoire de l’ESITH, l’une des clés pour répondre à la demande croissante de compétences technologiques réside dans la capacité des écoles à adapter leurs programmes pédagogiques aux réalités du marché. Cela inclut la formation en technologies de pointe comme l’intelligence artificielle, la logistique, ou l’hygiène et sécurité, des domaines devenus stratégiques pour le développement des industries au Maroc.
Dans un monde où l’évolution rapide des technologies façonne les besoins des entreprises, la capacité d’anticipation des écoles et des entreprises est primordiale. C’est cette connexion constante avec le monde industriel qui permet de garantir une adéquation entre les compétences enseignées et celles requises par les employeurs. C’est un cercle vertueux qui profite à la fois aux étudiants, aux entreprises, et à l’économie marocaine dans son ensemble.
Lors de cette deuxième partie de la table ronde, l’accent a été mis sur l’évolution des secteurs spécifiques comme le dispositif médical et l’importance des partenariats dans la gestion des compétences et de l’emploi.
Le secteur du dispositif médical : investir dans la formation continue
Naoufal Lahlou, président de la Fédération marocaine des industries de la santé, a souligné l’importance de l’humain comme facteur-clé de succès dans l’industrie du dispositif médical. Cette industrie, bien que relativement jeune avec la fédération créée en 2019, regroupe des entreprises établies depuis plusieurs décennies. Malgré les défis liés à la génération Z, très exigeante et marquée par la pandémie, la fédération s’efforce de développer des plans de carrière, des programmes de formation continue, et des partenariats stratégiques pour attirer et fidéliser les talents.
Le secteur investit dans des programmes adaptés aux besoins spécifiques de l’industrie. Le système de formation BBB (Bac+3, Bac+5) a aussi été mis en place pour assurer que les compétences des jeunes talents correspondent aux besoins réels de l’industrie.
Les initiatives de souveraineté sanitaire nationale, soutenues par l’État, sont également essentielles pour renforcer l’industrialisation locale du dispositif médical. Le projet vise à augmenter le niveau d’intégration locale dans la fabrication des produits médicaux, ce qui permettra à l’industrie de devenir plus autonome tout en créant de nouvelles opportunités d’emploi et de formation dans le pays.
Le rôle crucial des Partenariats Public-Privé
Les partenariats public-privé jouent un rôle central dans la mise en place de ces stratégies de formation et de développement des compétences. Mme Belmaati, représentant l’ANAPEC, a mis en lumière l’importance de ces partenariats pour renforcer l’adéquation entre l’offre de formation et la demande du marché de l’emploi. L’ANAPEC a mis en place une plateforme de veille digitale alimentée par des technologies avancées comme l’intelligence artificielle et la Big Data. Cette plateforme permet de recruter et de former plus efficacement en guidant les chercheurs d’emploi vers les métiers qui correspondent à leurs compétences, tout en aidant les entreprises à mieux cibler leurs besoins en main-d’œuvre.
La mise en relation des compétences et des offres d’emploi est essentielle, car de nombreux chercheurs d’emploi ne connaissent pas toujours la nature des compétences qu’ils possèdent ni les secteurs où elles peuvent être appliquées. Grâce à cette plateforme, les chercheurs d’emploi sont orientés vers des secteurs spécifiques en fonction de leur profil, et les employeurs peuvent accéder à une base de données enrichie pour optimiser leurs recrutements.
Le cas des “Mixtes” : Une population à risque
La conversation a ensuite abordé la question des jeunes dits “mixtes” : ceux qui ne sont ni à l’école, ni au travail, ni en stage ou en formation. Cette population vulnérable représente un véritable défi, car elle se situe en dehors des systèmes éducatifs et professionnels traditionnels. Selon les rapports du HCT et du Conseil économique et social, environ 4,5 millions de jeunes âgés de 15 à 35 ans se trouvent dans cette situation au Maroc. Cela représente un potentiel inexploité qui, si ignoré, pourrait entraîner une perte démographique et une source de risque économique.
Hamid Benlafdil, a pris la parole pour souligner l’engagement de son organisation, Jadara Foundation, dans l’accompagnement de cette population. À travers Jadara, des jeunes déterminés, souvent issus de milieux défavorisés, ont pu accéder à des bourses et des opportunités professionnelles. Ces jeunes, qualifiés de “déterminés” et engagés, ont acquis des compétences non seulement techniques mais aussi des qualités comme la persévérance et l’engagement social, qui les rendent particulièrement attractifs pour les entreprises.
Il a précisé que les lauréats de Jadara sont particulièrement recherchés pour leur résilience et leur engagement communautaire, et que ces qualités sont des atouts précieux, souvent absents chez d’autres jeunes générations. Un exemple de réussite a été donné avec les acheteurs diplômés de Jadara qui ont trouvé des postes dans une grande enseigne de distribution, démontrant leur capacité à répondre aux attentes et à livrer les résultats demandés.
Dans un contexte où le dividende démographique peut facilement se transformer en risque social, des approches, à l’instar de Jadara, démontrent qu’avec un peu de confiance, des moyens financiers ciblés et un encadrement humain, il est possible de transformer une génération en moteur d’innovation et de prospérité pour tout un pays. Car au final, investir dans les jeunes, c’est investir dans l’avenir.