Chaque nouvelle année est porteuse de bonnes résolutions et la Startup ne déroge pas à cette règle. Le Maroc doit générer plus de 1,4 million de nouveaux emplois pour les jeunes à horizon 2020 et il est évident qu’en 2017 il sera nécessaire de croire que ces emplois doivent être générés par un nouveau modèle économique d’entreprises plus agiles, plus modernes mais surtout plus innovantes. La Startup qui réunit toutes ces qualités revêt en plus le caractère technologique.
Une prise de conscience collective de l’ensemble des acteurs de notre pays doit identifier la Startup comme une des solutions des plus pertinentes pour relever le challenge de l’employabilité et de la croissance économique. L’approche pédagogique qui consiste ici à définir la Startup est essentielle. Et pour cause, la perception souvent floue de cette catégorie d’entreprise occulte son rôle majeur dans le développement économique national. Ce nouveau modèle économique d’entreprise qui a le vent en poupe ces derniers mois au Maroc est en effet un des piliers des économies performantes dans d’autres pays depuis des décennies et il s’agit dans sa définition stricto sensu d’une « jeune entreprise innovante à fort potentiel de croissance qui fait souvent l’objet de levées de fonds ». Cette définition permet dès lors de relever 3 principales caractéristiques de l’ADN de la Startup à savoir : l’innovation, la forte croissance et le financement.
Or ces composantes posent aujourd’hui des défis dans un environnement non optimal pour le développement de nouveau modèle d’entreprise technologique « Made in Morocco ».
Les startups, « As » de l’innovation
La Startup a ceci de particulier : Bousculer les codes, faire bouger les lignes proposé de nouveaux procédés, prendre des risques. Autant d’attitudes qui font souvent défaut à la culture managériale traditionnelle et conventionnelle prévalentes dans notre pays.
Ainsi, la Startup innovante est confrontée à des barrières à l’entrée importantes de sa technologie chez les donneurs d’ordre qui perçoivent sa proposition de valeur comme un « Nice to Have » et non pas un « Must Have ». Bien qu’il soit désormais prouvé par « A+B » que la technologie innovante est à l’origine de la création de richesses, les projets tardent à se concrétiser. La Startup n’étant pas considérée et encore faiblement prise en compte dans l’élaboration des lois et des dispositifs réglementaires complique significativement le processus de son accès au marché.
Championne de la croissance
La Startup est intrinsèquement une entreprise à fort potentiel de croissance. Dans le monde elle a prouvé qu’elle est une des catégories d’entreprises les plus créatrices d’emplois. Cela fait d’elle un des canaux les plus appréciés pour relever les défis de l’employabilité chez nous. Si les données statistiques sur l’impact des entreprises à croissance rapide n’existent pas au niveau national, en 2007, la Banque mondiale avait mené une vaste enquête auprès des entreprises marocaines. Les résultats de cette recherche montrent en effet que si seulement 8% des entreprises marocaines étaient des Startups à fort impact, le taux de leur croissance annuel avoisinerait les 20% et générerait, selon la même étude, 73% de nouveaux emplois. C’est dire l’importance démontrée par les chiffres que cette catégorie d’entreprise revêt dans l’économie nationale.
En manque de financement
Si aujourd’hui l’importance de la Startup est prouvée presque mathématiquement, il n’en demeure pas moins qu’elle continue de souffrir de plusieurs maux pour ne citer que l’accès au financement.
La célèbre maxime « l’argent est le nerf de la guerre » est d’autant plus vraie pour la Startup. Le financement est en effet considéré comme le troisième principal frein au développement de cette catégorie d’entreprise.
On distingue aujourd’hui deux grandes familles d’investisseurs.
Les « investisseurs institutionnels » sont essentiellement les banques, les sociétés de gestion d’actifs rattachées généralement à des organismes financiers, les fonds de capital investissement, ou encore les personnes morales qui investissent à travers un marché réglementé, via la Bourse ou sur un marché de gré à gré. La deuxième catégorie d’investisseurs concerne les « investisseurs individuels » qui sont des personnes physiques réalisant des investissements à travers des placements (Bourse, dépôts à terme, FCP…), ou les business angles qui accompagnent des sociétés dans leur premier stade de vie pour les préparer pour leurs levées de fonds ultérieures.
Tous ces outils existent aujourd’hui au Maroc mais restent malheureusement inadaptés pour la plupart des Startups.
Et pour cause, les fondamentaux de bases précités ont un dénominateur commun qui est le facteur temps souvent inadapté à la nature même des Startups et représente leur ennemi numéro 1.
C’est pour cela qu’on assiste aujourd’hui à l’émergence de nouveaux modes alternatifs et innovants tel que le crowdfunding auquel la Startup a de plus en plus recours. Or est-ce cela le véritable model d’accompagnement financier de la startup ?…
Otage des « clichés »
Dans une approche didactique, analyser les freins qui s’opposent au développement de la Startup au Maroc revient naturellement à étudier son écosystème. Par le biais de cette tribune, je voudrais d’ailleurs relever le côté « cliché » du terme « écosystème ». Ce terme a été tellement galvaudé qu’il en a perdu de sa pertinence.
Le jargon industriel nous suggère pourtant que c’est le bon terme à employer pour désigner des entrepreneurs qui réussissent dans un environnement porteur. Mon appréciation personnelle de ce qu’est un écosystème m’amène à décliner le constant suivant : un écosystème entrepreneurial doit revêtir trois caractéristiques. Il faut du capital et donc de l’argent et des infrastructures, du savoir-faire et donc des ingénieurs, des développeurs, des designers, des commerciaux, en d’autres termes, tous ceux dont les compétences sont indispensables à l’amorçage et à la croissance des entreprises et enfin de « la rébellion positive » dans la mesure où un entrepreneur devra forcément aller à « contre-courant ».
Au Maroc, nous sommes très chanceux que ces trois ingrédients soient réunis, même si à mon sens c’est plutôt le degré auquel ils se mélangent qui n’est pas assez bien dosé. Le challenge est aujourd’hui de trouver le bon équilibre dans cette équation.
Ces défis étant établis que faut-il faire pour que la startup occupe sa place dans le paysage ?
Concernant le financement le capital doit d’abord venir de l’état, puis des fonds de capital-risque et ensuite de tout le secteur financier et là le Small Business Act instauré aux Etats Unis depuis 1953 en est le meilleur exemple dont on peut s’inspirer. Si au Maroc des initiatives de financements étatiques ont le mérite d’exister, et la prise de conscience est, je pense, réelle, des réglages au niveau des procédures s’avèrent nécessaires. Les programmes disponibles dans ce sens répondent à des mécanismes qui ont été pensé dans une logique administrative et non entrepreneuriale, ce qui complique la convergence vers une performance quelconque.
Le capital humain est la plus grande richesse de notre pays, nous disposons d’un vivier de compétences et de talents incontestable. Cette matière grise lorsque les conditions favorables à son épanouissement sont réunies produit un résultat impressionnant. Notre diaspora en est l’exemple type. Cette réflexion m’amène à interpeller sur les pistes d’amélioration à apporter à notre système éducatif, social et économique pour justement encourager les talents à éclore et à performer.
La « rébellion positive », enfin, est un état d’esprit. Disons les choses comme elles sont : la startup ne rentre pas dans les cases et finie par se heurter à la réglementation non adaptée et propice à son modèle économique. Malgré tout cela, notre pays regorge fort heureusement d’un nombre pléthorique d’idées innovantes qui trouvent du mal à se transformer en entreprise pérenne.
Ma perception personnelle, celle de l’entrepreneure engagée que je suis, me permet de relever un fait : nous évoluons, dans un écosystème en ébullition mais qui peine encore à trouver sa bonne voie. Les initiatives, les associations, les entrepreneurs, les mentors, les secteurs privé et publique se mobilisent avec la volonté de mettre en place une dynamique, qui ne peut fonctionner et changer la donne que si tous ces contributeurs unissent leur force, fédèrent leur énergie et travaillent en bonne intelligence dans un seul et même objectif, celui de transformer les plans et les visions en réalités palpables sur le terrain et qui impactent concrètement notre société.
Nous devons engager une action collective et fédératrice, notre développement économique en dépend et l’enjeu est de taille.
Le compteur tourne vite. Le temps de l’action c’est maintenant.