Gestion des approvisionnements pour un «MRO»
Malgré leurs complexités, ils demeurent parmi les systèmes les plus fiables que l’homme a mis en œuvre.
Le terme MRO «Maintenance Repair & Overhau» désigne dans le domaine de l’aéronautique l’ensemble des activités qui relèvent de la maintenance des équipements ou des avions, de leurs réparations ainsi que leurs révisions et modernisation.
D’une manière plus globale, il s’agit in fine de la fonction qui assurer la disponibilité attendue des aéronefs ou des équipements gérés, avec des exigences d’autant plus fortes que cette disponibilité est critique : coût d’indisponibilité d’aéronef très élevé.
Pour assurer le maintien du niveau de fiabilité des avions, les avionneurs mettent en place un programme de maintenance qui suit l’avion durant toute sa vie et qui est respecté scrupuleusement par l’exploitant de l’avion.
La mise en œuvre d’un tel système de maintenance implique, entre autre, une gestion optimale et infaillible des pièces de rechange «spares parts».
Cette gestion optimale nécessite de prendre en compte à la fois les aspects logistique, commercial et technique.

Pièce de rechange Vs pièce d’origine

La gestion des approvisionnements et des stocks dans le domaine de maintenance présente une grande complexité en comparaison à la gestion des stocks dans le domaine de la production.
Dans les unités de production/fabrication les méthodes MRP et MRP2 (Figure n°1) s’inscrivent au cœur d’un système global de prévision et gestion de la production et gestion des stocks.
Ce système débute par une prévision à moyen et long termes des ventes puis se précise jusqu’à la définition et la planification des ordres fabrication, en passant bien sûr par la nomenclature des produits à fabriquer.
Cette méthode orientée production peut nous donner une visibilité suffisamment claire sur la gestion des stocks des pièces qui entrent dans la fabrication des produits pour une durée assez confortable.

Spécificités de la supply chaine pour un «MRO»

Même si la planification des opérations de maintenance présente elle-même des particularités, d’ailleurs différentes selon les activités (Rénovation, Maintenance, Réparation), c’est dans le pilotage des flux de pièces de rechange que les spécificités sont les plus notées.
Cette fonction clé de la Supply Chain a, par ailleurs, un impact déterminant sur la performance opérationnelle; et ceci pour deux raisons principales :
La Supply Chain d’un MRO présente au moins trois spécificités totalement structurantes.

1- La notion de criticité :

Lourde de conséquence pour la Supply Chain et notamment pour le pilotage du stock et des flux de Pièces de Rechange (PR) dans le modèle MRO, on peut stocker, pour des raisons de criticité, une PR à très faible rotation quel que soit son prix.
On notera que dans tout autre modèle, c’est impensable : un produit fini vendu à des clients en très petites quantités sera proposé en Make-To-Order et pas en Make-To-Stock ce qui fait que le délai de fabrication devra être assumé par le client.

Les impacts sont nombreux, notamment :

Complexité du processus de prévision qui doit faire face à un très grand nombre de références à très faible rotation: nécessité de segmenter en familles de prévisions, algorithmique particulière et un système d’information performant …
Enjeu et complexité de la politique de stock : décider de stocker ou non une pièce à un point du réseau, par exemple en local près d’un atelier, c’est mettre au moins une pièce en stock et donc peut-être générer plusieurs mois de couverture de stock…
Ces faibles rotations sont évidemment souvent associées à de longs délais de fabrication contribuant encore davantage à élever le stock de sécurité.
L’offre de service logistique pour la distribution des PR au point d’utilisation devra être différenciée, en fonction de cette notion de criticité, en adéquation avec la politique de stock (quel délai de réapprovisionnement pour une PR stockée, quelle offre «urgente» pour un produit non stocké en fonction de sa criticité…).
Bien entendu le réseau logistique et les modes de transport associés (transport de pièces par avion lors d’un Aircraft On Ground) seront également définis en conséquence.

2- La gestion en boucle fermée (volant ou pool) :

Des pièces réparables au niveau le plus bas d’exécution, comme pour tout flux retour ou «inverse», la maîtrise du flux physique de réparable est déjà un problème en soi : identification et retour des pièces à réparer, connaissance précise des réparables en bon état à l’instant T…
A un niveau plus tactique, le calcul de la dotation initiale et, plus généralement, du volant nécessaire au fonctionnement, est un problème spécifique au modèle logistique d’un MRO qui peut devenir d’une très grande complexité dans le cas d’équipements réparables, eux-mêmes composés de sous-ensembles réparables.
Par ailleurs, la planification de la réparation doit bien évidemment prendre en compte de la disponibilité des pièces à réparer et les priorités liées aux besoins de maintenance.

3- Le facteur incertitude notamment dans la gestion des données techniques :

La nature même du métier de la maintenance, qui nécessite de travailler sur une base installée (flotte d’avion) souvent large, hétérogène, d’âge très variable, pose dans un premier temps le problème de sa connaissance et génère donc de fortes incertitudes sur la prévisibilité des opérations et des pièces nécessaires.
Et même si cette base installée est bien connue et bien modélisée, la nomenclature restera non déterministe.
Dans un entretien préventif, une pièce pourra être remplacée dans X % des cas.
De même pour le curatif, les temps inter-pannes (MTBF) sont évidemment des variables aléatoires.
Cette incertitude forte sur le besoin en pièces, combinée à leur faible rotation, ajoutera donc de la complexité à la prévision du besoin.
Cette complexité de gestion de la nomenclature est également amplifiée par la gestion des configurations, souvent incontournable compte-tenu de la nature des installations ou équipements maintenus.

Supply Chain pour les MRO, une fonction à monitorer:

Le périmètre de la fonction Supply Chain (d’ailleurs souvent encore baptisée «logistique»), le niveau de compétence des ressources qui la composent et la compréhension qu’en ont les dirigeants d’activités MRO restent encore très décalés au regard de sa criticité et de son importance, à l’exception notable de quelques acteurs Best-in-Class qui ont mené des transformations importantes de leur organisation. Pour réussir le Challenge de la disponibilité tout en maîtrisant les coûts structurellement élevés de stock, la fonction Supply Chain doit ainsi être comprise, positionnée et armée.

Idriss Esskali
Ing. Génie Industriel

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