Si le Royaume veut se lancer dans l’implantation d’une gigafactory de batteries électriques, il doit nécessairement s’accommoder de l’expertise chinoise, a défendu mordicus Rachid Yazami. Rappelant à cet effet la dynamique historique des batteries rechargeables lithium-ion, dont il est co-inventeur. C’était au cours d’une interview-live accordée mardi dernier à la Rédaction d’Industrie du Maroc et sa communauté des réseaux sociaux.

Pour Rachid Yazami, quoique la technologie soit d’origine japonaise, l’expertise en la matière est, désormais, incontestablement chinoise. À l’en croire, c’est au début des années 90 que les premières batteries lithium-ion rechargeables ont été développées. Précisément au Japon. « Les premières batteries commerciales ont été produites par Sony au Japon, en 1991. Et Sony est resté pratiquement le leader mondial de la production des batteries au lithium pendant 4 ou 5 ans. », explique-t-il. Un succès qui va pousser d’autres géants nippons, comme Toshiba, Sanyo, Panasonic, Hitachi et bien d’autres, à s’y intéresser. À la différence que, contrairement à Sony, ces derniers étaient dans leur domaine de prédilection. Attiré(s) par l’essor de la trouvaille, les voisins coréens, à leur tête Samsung, vont également s’y mettre. Ce n’est qu’une décennie plus tard, après le Japon, que la Chine va à son tour tomber dans la marmite.

Main mise chinoise

Ainsi, « Depuis 1991, jusqu’à pratiquement l’an 2000, la production des batteries au lithium s’est graduellement déplacée du Japon vers la Corée du Sud, avant d’échoir en Chine », a-t-il relevé. Après avoir donc acquis cette technologie, les chinois vont faire prévaloir un certain nombre de facteurs en leur faveur. « Déjà, ils font du dumping sur les prix, la main-d’œuvre chinoise est moins chère qu’au Japon et en Corée. Et donc la même batterie produite en Chine va coûter 50% moins chère que la batterie japonaise ». Grâce à ces « atouts extraordinaires, les chinois ont étouffé l’industrie Japonaise et coréenne ». Si bien que, « les plus grandes sociétés japonaises et coréennes, maintenant, produisent leurs batteries essentiellement en Chine.» Résultat, l’empire du milieu, détient 65% des parts de marché. Faisant de lui le leader mondial des batteries au lithium-ion, au détriment du japon, pourtant précurseur.

Voir le Live:  GIGAFACTORY MAROCAINE DE BATTERIE ÉLECTRIQUE, DÉFI INDUSTRIEL OU UTOPIE TECHNOLOGIQUE ?

Mais comment sur le plan technologique, les chinois sont-ils parvenus à une telle prouesse ? Par un scénario très classique, qu’explique Rachid Yazami : « Ils sont très intelligents. Ils donnent des conditions très favorables pour que les compagnies délocalisent chez eux, ensuite ils apprennent, puis ils copient, et finalement ce sont eux qui maîtrisent totalement la chaîne de production. Parce qu’ils apprennent très vite, ils ont des cadres très bien formées, dans les meilleures universités du monde ».

Batteries électriques, l’Occident encore novice

Malgré l’effervescence régnant sur le vieux continent quant à la production des batteries électriques, Rachid Yazami voit cependant d’un mauvais œil de leur confier un tel projet. Et d’expliciter : « l’Europe, s’est réveillée seulement depuis 2018-2019. Pourquoi ? Ils se sont rendu compte que la production des voitures électriques va être en Europe, et les batteries en Chine. Ça posait un problème stratégique. C’est-à-dire que la Chine peut être en position stratégique pour imposer un certain nombre de choses à l’industrie automobile européenne. Donc les européens se sont lancés maintenant ». Et bien que l’on assiste à une déferlante de projets devant aboutir à une trentaine de gigafactory en production d’ici 2025, l’inventeur de l’anode graphite reste prudent, et fait remarquer que nombre de ces investissements sont d’origine asiatique.

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Même son de cloche en ce qui concerne l’expertise américaine qu’il juge d’aléatoire. En fin connaisseur, le Prix Draper 2014 explicite : « à part Tesla et d’autres compagnies asiatiques qui sont installées aux Etats-unis, les grosses compagnies américaines (Energizer, Duracell) ne produisent pas au lithium. Il poursuit en disant : « Il y a eu un retard industriel. Et comme les asiatiques, qui ont pris les marchés, arrivent avec des produits nettement moins chers, les américains se sont rendus compte qu’il était trop tard pour eux de se lancer dans les batteries au lithium. Aussi, laissent-ils les asiatiques s’installer et fabriquer des batteries au lithium

En conclusion, pour Rachid Yazami, seul un interlocuteur chinois saurait le mieux accompagner le Maroc dans son projet.

Un avis d’expert qui vaut son pesant d’or, d’autant plus qu’il émane du co-inventeur même de cette batterie. Faut-il maintenant espérer que cela soit pris en compte par les décideurs, vue la propension cavalière que l’on observe.

                                                                                                   Gethème YAO

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