Lors de la Science Week, un événement scientifique de renom, la Professeure Intissar Haddiya, néphrologue et enseignante à l’Université Mohammed Premier d’Oujda, a partagé une réflexion approfondie sur l’un des sujets les plus discutés dans le monde médical : le rôle de l’intelligence artificielle en médecine. Avec une question clé : L’IA peut-elle un jour remplacer les médecins ? Un débat qui suscite des opinions divergentes parmi les experts, mais pour lequel la Pr Haddiya apporte des réponses nuancées, basées sur son expertise et ses recherches.
La Pr Haddiya a commencé son intervention en posant une question provocante : « L’IA peut-elle surpasser les médecins et les spécialistes ? » Elle a rappelé que cette interrogation a récemment animé un débat intense lors du Congrès mondial de néphrologie à New Delhi, où les avis étaient partagés. « Imaginez un médecin capable d’analyser des millions de dossiers médicaux en quelques secondes, sans fatigue, sans erreur, et de détecter des anomalies invisibles à l’œil nu », a-t-elle expliqué. « Ce médecin existe déjà : c’est l’IA. »
Elle a illustré son propos en évoquant des robots chirurgicaux équipés d’IA, capables de réaliser des opérations avec une précision inégalée, sans être affectés par la fatigue ou les fluctuations de concentration. « C’est impressionnant, mais est-ce vraiment nécessaire ? », s’est-elle interrogée. « Nous avons déjà des médecins et des chirurgiens compétents. Alors, quelle est la place de l’IA ? »
Les réalités des systèmes de santé en Afrique
Pour répondre à cette question, la Pr Haddiya a insisté sur l’importance de comprendre les réalités des systèmes de santé, en particulier en Afrique. Elle a présenté les résultats d’une étude majeure menée dans dix pays africains, axée sur la prise en charge des maladies rénales, une pathologie complexe et coûteuse. « Les patients se plaignent de l’accès aux soins, des délais interminables et de l’absence de spécialistes », a-t-elle souligné. « Dans certains cas, il faut traverser plusieurs frontières pour obtenir un traitement. »
Les médecins, de leur côté, dénoncent un manque de ressources, une fuite des cerveaux et un accès limité à l’information médicale. « Comment pratiquer une médecine de précision sans moyens ni formation à jour ? », a-t-elle questionné. Elle a également évoqué l’explosion des données médicales : « En 1950, il fallait 50 ans pour doubler les connaissances médicales. Aujourd’hui, cela prend seulement 3 semaines. Aucun médecin ne peut assimiler autant d’informations. »
L’IA : Une opportunité à saisir
Face à ces défis, la Pr Haddiya voit dans l’IA une opportunité majeure. « Elle pourrait synthétiser les avancées médicales, aider au diagnostic, prédire des maladies et optimiser les protocoles thérapeutiques », a-t-elle expliqué. En néphrologie, par exemple, l’IA pourrait améliorer la prise en charge des patients souffrant de multiples comorbidités, en garantissant une performance constante, sans fatigue ni baisse de concentration.
Elle a également mentionné le rôle de l’IA dans la recherche médicale, notamment pour identifier de nouvelles molécules ou prédire les effets secondaires des médicaments. « Cela bénéficierait aux patients et au système de santé dans son ensemble », a-t-elle affirmé.
Les défis éthiques et réglementaires
Cependant, la Pr Haddiya a souligné que l’utilisation de l’IA en médecine soulève des questions éthiques et réglementaires. « Les hôpitaux génèrent d’énormes quantités de données, mais comment les utiliser tout en protégeant la vie privée des patients ? », a-t-elle demandé. Elle a également insisté sur la nécessité de former les médecins à ces nouvelles technologies et de garantir un accès équitable aux innovations.
L’IA, un outil complémentaire
En conclusion, la Pr Haddiya a exprimé sa conviction que l’IA ne remplacera pas les médecins, mais deviendra un outil complémentaire pour améliorer leurs performances. « L’IA ne peut pas remplacer l’empathie, la créativité et le jugement humain », a-t-elle déclaré. « En revanche, elle peut nous aider à être plus efficaces, plus précis et plus équitables.»
Rachid Mahmoudi