Le démantèlement du navire Livana échoué derrière la digue principale du port de Marina Smir a été confié à la Somagec. Un chantier qui devrait sans nul doute constituer, et pour le titulaire du marché, et pour le Maroc, l’inauguration d’une nouvelle activité.
C’est finalement à la Société Maghrébine de Génie Civil (Somagec) qu’a échu le démantèlement du navire Linava. L’avis d’appel d’offre lancé dans ce cadre le 15 juin dernier a rendu son verdict. Et ce depuis le 15 juillet. Ainsi, face à l’offre d’Atlantic Dredging Maroc, qui soumissionnait pour 34,67 MDH, celle de la Somagec a raflé la mise. Coût de l’offre, 28 MDH, là où le maître d’ouvrage, l’Agence Nationale des Ports (ANP), tablait sur 30 MDH. C’est donc en toute logique qu’étant le moins disant, les « Travaux de découpage et d’évacuation du navire Livana échoué derrière la digue principale du port de Marina SMIR », titre de l’appel d’offre, ont été confiés à la Somagec.
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Un marché inaugural
Pour l’adjudicataire, c’est très probablement un marché inaugural d’une nouvelle activité. En effet, la Somagec n’a plus rien à démontrer sur le marché local en termes d’expertise dans l’ingénierie maritime. Quasi sexagénaire, l’entreprise fondée par Rizkallah Riad Sahyoun en 1967, est un acteur incontournable de l’écosystème maritime et portuaire au Maroc. Parlant d’elle, notre confrère d’Afrimag écrit qu’elle « compte à son actif la construction de tous les ports au Maroc ». Ce qui n’est pas faux. Il n’y a qu’à faire un tour sur leur site internet pour s’apercevoir de la longue liste des projets qu’elle a réalisés dans le domaine maritime et portuaire.
Des travaux de construction, d’extension, de réaménagement, de comportement, de conversion, de fourniture dans le domaine maritime et portuaire; la Somagec peut se vanter d’en avoir réalisé un nombre suffisamment important pour revendiquer une expertise avérée. Tant au Maroc qu’à l’étranger, avec des filiales présentes ailleurs en Afrique. Toutefois, aucune expérience dans le domaine de démantèlement de navire n’a été relevée. Ni sur le site, ni dans nos recherches. Nos efforts menés auprès de la direction pour confronter cette éventualité se sont avérés infructueux. Renseignement pris auprès de certains professionnels du secteur, il semble n’y avoir aucun doute qu’avec ce marché, Roger Sanhyou, fils du fondateur et actuel président du directoire, inaugure une nouvelle activité. Ce qui, de toute évidence, est une bonne nouvelle. D’autant plus que le Maroc travaille à mettre en place une véritable industrie navale, avec toutes ses composantes dont le démantèlement.
Industrie navale : une filière à construire
« Entre 800 et 1000 navires de taille importante sont démantelés chaque année dans le monde », indique l’organisation Armateurs de France dans une note publiée en août 2020. Selon l’explication fournit, cette activité consiste à récupérer, traiter et recycler les métaux ainsi que les équipements provenant des navires. Toujours selon la source, « ccette valorisation commerciale des navires en fin de vie est (..) créatrice de filières économique ». Au Maroc, le démantèlement des navires a été inscrit au nombre des activités pouvant faire l’objet d’une montée en gamme par le gouvernement Akhannouch. En effet, depuis quelques années, les professionnels du secteur donnent de la voix pour faire de cette activité, l’un des piliers d’une industrie navale qui peine à émerger.
Interrogés, deux armateurs, s’exprimant sous anonymat, déplorent l’inexistence de cette activité au Maroc. « C’est un métier que nous n’avons hélas pas », fait savoir l’un. Pour lui, cela est imputable au manque de compétences locales outillées dans le domaine. « Ce n’est pas qu’une simple activité de découpage de l’acier », renchérit-il, ajoutant : « il est question d’acier à des épaisseurs impressionnantes. C’est donc un métier à part entière qui pour le moment ne s’enseigne pas au Maroc ». Quant à l’autre, il précise : « l’industrie navale intègre trois composantes : la construction, la réparation et le démantèlement des navires. Chacune d’elle étant une activité à part entière. ». Malheureusement, souligne-t-il, aucune d’elle n’a encore véritablement émergé. A l’en croire, les difficultés actuelles de Chantiers et Ateliers du Maroc (CAM) illustrent, on ne peut plus mieux, l’état du secteur naval.
En clair, l’industrie navale au Maroc est à construire. Avec elle le démantèlement qui, à bien d’égard est une niche. C’est en cela que le démantèlement du navire Livana, confié à une entreprise nationale, apporte une réelle lueur d’espoir. Il pourrait sceller l’entrée du Royaume sur un terrain jusque-là inexploré. Ce qui n’occulte cependant pas les questions se posant sur le choix de la Somagec pour l’exécution de ce marché.
Gethème Yao