« La coopérative est un levier puissant de développement local », affirme Dr. Hamza Benammi, directeur de PerformUP, acteur clé du renouveau coopératif au Maroc. Pour lui, « l’entrepreneuriat collectif est une voie d’avenir » à fort impact. Dans cet entretien, il revient sur les freins persistants et propose une vision structurée et innovante de la coopération moderne.
Votre coopérative PerformUP propose une approche résolument innovante, bien loin de l’image traditionnelle des coopératives marocaines. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre modèle et ce qui le distingue ?
Historiquement, la coopérative au Maroc a été longtemps perçue à travers un prisme rural, agricole ou artisanal. Cette perception, héritée d’un autre temps, a commencé à évoluer avec l’entrée en vigueur de la loi 112-12 en 2014. Celle-ci a ouvert la voie à une nouvelle génération de coopératives, fondées sur une gouvernance collaborative et capables d’exercer tout type d’activité entrepreneuriale.

C’est dans cette dynamique que nous avons fondé PerformUP en 2018, avec pour ambition de contribuer activement au développement territorial inclusif. Nous accompagnons les coopératives à chaque étape de leur croissance, tout en menant des missions de conseil structurant auprès des institutions, comme la création du premier incubateur public dédié aux porteurs de projets.
« La coopérative est un modèle entrepreneurial à part entière, qui conjugue valeurs humaines, innovation et impact territorial. »
Notre action repose sur une ingénierie de formation robuste, ainsi que sur la conception de programmes d’accompagnement sur mesure, adaptés aux réalités du terrain. L’objectif est de faire émerger une nouvelle génération de coopératives marocaines, plus résilientes, innovantes et créatrices de valeur. Dans cette optique, nous développons des outils concrets comme www.cootica.com, une plateforme de commerce équitable, ou www.incubup.co, un incubateur virtuel fournissant formations, ressources et accompagnement personnalisé.
Vous avez récemment participé aux Assises de l’Économie Sociale et Solidaire, et votre coopérative figure dans le film institutionnel du ministère. Qu’est-ce que cela représente pour vous, et quel message souhaitez-vous transmettre à travers cette reconnaissance ?
Effectivement, nous avons eu l’honneur de voir PerformUP mise en avant lors des Assises de l’Économie Sociale et Solidaire, à travers sa présentation dans le film institutionnel projeté en ouverture. Cette reconnaissance est particulièrement précieuse : elle vient saluer plus de sept années d’engagement au service du développement des coopératives et de l’économie sociale et solidaire au Maroc.
Elle traduit également une volonté claire du Ministère de structurer ce secteur et de lui accorder la place qu’il mérite dans les politiques économiques et territoriales. Pour nous, c’est un véritable encouragement à poursuivre notre mission : apporter des solutions innovantes, adaptées et à fort impact.

À travers cette visibilité, nous souhaitons transmettre un message fondamental : la coopérative est un modèle entrepreneurial à part entière, porteur de valeurs fortes, mais aussi exigeant en compétences et en gouvernance. Sa gestion collective, souvent plus complexe qu’une entreprise classique, ouvre cependant la voie à des dynamiques économiques inclusives, solidaires et durables.
Quels sont, selon vous, les principaux freins à la modernisation des coopératives et à leur accès aux marchés ? Quelles solutions proposez-vous dans vos recommandations stratégiques ?
Comme toute entreprise, la coopérative est confrontée aux défis classiques : solvabilité, croissance, accès au marché. Mais elle subit aussi des obstacles spécifiques liés à son statut encore méconnu, voire marginalisé, par les administrations, les banques et les opérateurs économiques.
Cette méconnaissance se manifeste par des difficultés d’accès aux marchés publics, une exclusion fréquente des circuits de financement classiques, et parfois même des complications pour ouvrir un simple compte bancaire. Il n’est pas rare d’entendre : « C’est la première fois que nous délivrons ce document à une coopérative », ce qui en dit long sur la perception du modèle.

Pour surmonter ces freins, il est impératif d’activer plusieurs leviers complémentaires. Il s’agit d’abord de renforcer l’accompagnement ciblé des coopératives, en leur offrant un encadrement adapté à leurs réalités économiques et sociales. Il faut également valoriser et protéger certaines filières sensibles, comme celles liées aux produits de terroir, à travers des mesures législatives appropriées. Dans le même élan, il est crucial d’ouvrir effectivement les marchés publics aux coopératives, afin qu’elles puissent pleinement participer à la commande publique. Enfin, la mise en place d’un cadre d’incitations fiscales et réglementaires claires apparaît comme une condition essentielle pour stimuler leur contribution au développement durable et inclusif du pays.
Le Nouveau Modèle de Développement du Maroc accorde une place importante à l’innovation, à l’inclusion et à l’impact local. En quoi PerformUP s’inscrit-elle dans cette dynamique ?
Le Nouveau Modèle de Développement (NMD) place au cœur de ses priorités l’innovation, l’inclusion sociale et l’impact territorial. PerformUP s’aligne entièrement sur cette vision à travers une approche fondée sur l’innovation sociale, l’entrepreneuriat inclusif et la création de valeur locale.
Sur le terrain, nous constatons que la coopérative est un puissant levier de développement. Elle permet de générer de l’activité, de préserver les savoir-faire, de renforcer les liens sociaux et d’ouvrir de nouvelles perspectives, notamment pour les jeunes et les femmes. Cela suppose toutefois un accompagnement de proximité, adapté aux réalités de chaque territoire.
« Créer une coopérative, c’est vivre une aventure entrepreneuriale et humaine, et participer à la construction d’un Maroc plus équitable. »
Notre rôle est de soutenir ces dynamiques, en co-construisant avec les acteurs locaux des solutions concrètes, pragmatiques et innovantes. Chaque action vise à renforcer l’impact économique, social et environnemental des coopératives.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs ou porteurs de projets souhaitant créer une coopérative moderne, à fort impact ?
Je les invite à envisager la coopérative comme un véritable modèle d’entrepreneuriat collectif, où le travail devient la principale source de création de valeur. Dans une coopérative, les membres sont rémunérés pour leur contribution directe, ce qui évite qu’un actionnaire unique capte seul les fruits du travail collectif, même s’il détient une majorité au capital.
C’est également un modèle accessible : le capital d’entrée est faible, les risques sont modérés, ce qui facilite le démarrage. Mais au-delà de l’aspect économique, s’engager dans une coopérative, c’est donner du sens à son parcours, œuvrer dans une structure alignée avec ses valeurs, et contribuer activement au développement durable et solidaire de son environnement.
Créer une coopérative, c’est vivre une aventure entrepreneuriale et humaine, riche en apprentissages, en partage et en impact positif. C’est aussi participer concrètement à la construction d’un Maroc plus résilient, plus équitable et plus inclusif.
Propos recueillis par Rachid Mahmoudi