Un aspect, de point de vue conceptuel pourrait aider aussi à cette perception. L’efficacité énergétique a été associée, à travers les politiques d’un grand nombre de pays, aux énergies renouvelables.
Il est presque paradoxale, de point de vue conceptuel, de parler d’efficacité énergétique qui caractérise un comportement rationnel responsable et anti-gaspillage dans un contexte de discours sur des énergies de flux sensées être renouvelables à volonté et donc potentiellement inépuisables.
Il est vrai que l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables contribuent toutes les deux à la diminution des rejets de GES (gaz à effet de serre), et à avoir des alternatives énergétiques durables.
Les énergies renouvelables devraient faire bénéficier l’efficacité énergétique d’un effet d’entrainement généré par cet engouement aussi bien des investisseurs que des laboratoires de R&D à développer de nouvelles sources d’énergie.
Les bonnes pratiques et les innovations technologiques réalisées grâce à l’efficacité énergétique tout au long de sa longue expérience doivent profiter aux nouvelles énergies et permettre ainsi de prévenir les erreurs de l’utilisation de l’énergie.
Ce sont plutôt des considérations économiques et de compétitivité qui ont présidé à la mise en place de politique d’efficacité énergétique dans des structures industrielles énergivores et cela depuis les années soixante.
Sa mise en place a généré des gains durables et a ouvert la voie sur des procédés et des équipements à haut rendement énergétique.
Bien avant la viabilité économique et le retour en grâce des ENR, L’efficacité énergétique a permis des gains en intensité énergétique ( la quantité d’énergie qu’il faut pour produire une unité de richesse) et efficacité environnementale (moins de GES par unité de richesse produite) et donc en compétitivité économique durable, indépendamment des sources d’énergie.
Elle a ouvert des potentialités d’amélioration aussi bien de processus et d’organisation industrielle, que de procèdes technologiques, d’équipements industriels et a fait même émerger de nouveaux produits et équipements.
Ce dernier acquis ne saurait exister sans le développement de la R&D liée à l’efficacité énergétique.
Dans une étude publiée récemment, l’AIE (Agence Internationale de l’Énergie) qualifie l’efficacité énergétique de «principale ressource énergétique» entre 1974 et 2010. Selon elle, les actions s’y rapportant ont permis d’économiser l’équivalent de 32 000 Mtep sur cette période.
Durant la seule année 2010, une consommation de près de 1 400 Mtep a pu être évitée grâce à ces mesures, soit davantage que la consommation annuelle de pétrole dans le monde.
Une étude récente commandée par le gouvernement du Canada décrit l’efficacité énergétique comme étant « une ressource abondante, propre et peu couteuse.
C’est un outil de politique publique essentiel pour réduire le coût de l’énergie, augmenter la productivité, stimuler la croissance économique et réduire les émissions GES».
Cette étude n’a fait que réitérer ce qu’a dit l’AIE en 2011 :
« Le degré d’investissement global en efficacité énergétique et les économies d’énergie qui en résultent sont si massives qu’elles soulèvent la remarque suivante : l’efficacité énergétique ne serait donc pas seulement un carburant caché, mais le premier carburant au monde ».
Ne disonsnous pas que l’énergie la moins couteuse est celle que nous ne consommons pas?
A l’occasion des réévaluations des politiques énergétiques, illustrées par la nouvelle formulation : « la transition énergétique », ne pourra-t-on pas donner une place encore plus importante à l’efficacité énergétique ? Pour comprendre l’intérêt et la raison d’être de l’efficacité énergétique, il faut comprendre les grands principes de l’énergie, ses différentes formes et ses différentes déclinaisons.
L’énergie se conserve, mais se convertit mal:
L’énergie, qui vient du latin «énergeia » est définie, au moins dans le sens de la physique, comme étant la capacité qu’a un corps, un système, à produire un travail susceptible d’entrainer un mouvement, une production de chaleur ou d’ondes électromagnétiques.
A en croire le premier principe de la thermodynamique, l’énergie ne peut ni se créer ni disparaître.
Dans l’absolu, il n y a que des transferts d’énergie d’un système à un autre, ou des changements de la forme de l’énergie. Sa problématique repose sur sa transformation et son transfert.
Si l’énergie se conserve et se transforme, certaines transformations sont faciles ou réversibles d’autres non.
Selon le second principe de la thermodynamique, la conversion d’énergie engendre une dégradation d’une partie, généralement en chaleur.
Ceci rend le taux de récupération fini, car une partie dite « fatale » ne peut être valorisée.
Les formes de l’énergie:
Quand on parle de l’énergie chimique contenue dans un combustible fossile (charbon, gaz, pétrole), ou de l’énergie de l’eau d’un barrage, il s’agit d’énergie potentielle. Elle peut être libérée par un changement d’état (brûler du bois ou du charbon dans une chaudière pour produire de la chaleur), ou la rendre en mouvement quand on soumet l’eau d’un barrage à la force de gravité et la transformer en énergie cinétique (énergie d’une masse en mouvement) dans une centrale hydraulique.
Cette énergie cinétique de l’eau est transformée en énergie cinétique de la turbine et de l’alternateur, ce qui permet de produire l’énergie « électrique », (l’électricité n’est qu’un vecteur de l’énergie).
Celle-ci sera transformée en énergie mécanique pour les moteurs ou thermique pour la cuisson ou le chauffage, ou lumière pour l’éclairage.
L’autre forme de l’énergie est électromagnétique. Elle permet de produire l’électricité à partir d’un panneau photovoltaïque.
Les déclinaisons de l’énergie:
L’énergie est déclinée en quatre étapes : primaire, secondaire, finale et utile. L’énergie primaire caractérise les produits énergétiques non transformés, exploités directement.
Ce sont le pétrole brut, le gaz naturel, le charbon, la biomasse, mais aussi le rayonnement solaire, l’énergie de l’eau, l’énergie du vent, la géothermie et l’énergie liée à la fission de l’uranium.
L’énergie secondaire est obtenue par transformation d’une énergie primaire.
Elle est transportée vers le consommateur et peut subir des pertes.
Arrivée sur le lieu de consommation elle est appelée énergie finale.
L’énergie finale est donc l’énergie disponible à l’utilisation comme l’électricité domestique, l’essence ou le diesel à la pompe, le gaz pour le chauffage ou la cuisson.
L’énergie utile :
caractérise la façon dont est utilisée l’énergie finale pour assurer le service énergétique recherché : alimenter un lave-linge, éclairer une pièce ou chauffer un bâtiment.
Les pertes dues à la mise à disposition de cette énergie ainsi qu’aux différentes conversions entre énergie finale et énergie utile varient en fonction de la forme et du mode de conversion.
Pour pouvoir comparer et analyser les différentes ressources d’énergie, on rapporte toutes les consommations d’énergie à leur équivalent en énergie primaire.
(Par exemple Tep (Tonne équivalente pétrole) = 42 Gigas joules = 11,63 MW. L’énergie primaire ici étant le pétrole).
Pour produire l’électricité, on utilise des centrales thermiques avec des rendements de conversion différents (30 – 50% pour le charbon, 40% en cycle simple pour le gaz et 55% en cycle combiné, 35% pour le nucléaire, 35% pour la biomasse).
On utilise également des centrales hydrauliques avec un rendement de 90%, mais le taux d’utilisation reste sujet aux conditions de pluviométrie.
On exploite aussi des éoliennes dans des endroits ou le vent est disponible, avec une limite théorique de rendement de 59% (limite de BETZ).
On peut produire directement l’électricité à partir de panneaux photovoltaïques, avec des rendements dans l’état des connaissances actuelles entre 8 et 22%.
Le rendement d’utilisation est impacté, en plus de la forme de conversion, par le choix des équipements utilisés pour répondre aux besoins énergétiques.
Utiliser l’électricité pour une plaque de cuisson n’a pas le même rendement que l’utiliser pour une plaque à induction, encore moins quand on utilise du Gaz pour une gazinière.
Pour illustrer les pertes d’énergie :
on peut citer l’exemple d’une lampe à incandescence (rendement 12%) qui utilise une électricité produite par une centrale à charbon.
L’énergie utile n’est que de 4% de l’énergie primaire.
En remplaçant l’ampoule à incandescence par une à fluorescence (rendement 70%), nous passons à un rendement de 23%.
De même, un moteur à explosion ne produit que 18% de l’énergie primaire (le pétrole brut) pour faire avancer un véhicule.
On peut continuer comme ça des exemples aussi bien dans l’industrie, l’habitat que le transport, les trois secteurs gros consommateurs d’énergie.
La notion de rendement renvoie à une comparaison par rapport à la source initiale, autrement appelée énergie primaire et aussi par rapport à la régularité de la production dans le temps.
Dans le premier cas, il s’agit du rendement de conversion d’une technologie avec un taux de déperdition. Dans le second cas, il s’agit du rendement d’une technologie sur la durée.
Plusieurs facteurs de déperdition entrent en jeu, avec tout d’abord ceux liés aux dispositifs techniques.
Par leur fonctionnement même, les différentes technologies sont capables de plus ou moins bien récupérer la source d’énergie primaire.
Au sein d’une même technologie, le choix de l’équipement peut faire varier le rendement.
A cela vient s’ajouter un second facteur impactant :
le transport.
L’efficacité énergétique peut concerner aussi bien l’offre, c’est-à-dire des entreprises, organismes ou groupements qui développent, fabriquent et mettent sur le marché des technologies, procédés ou produits à haut rendement d’utilisation.
Mais aussi la demande qui émane des industriels exploitants les équipements susceptibles de permettre des gains comme les fours, les échangeurs de chaleur, les équipements de séparation et de séchage, la cogénération, l’intégration énergétique des procédés, les utilités comme les chaudières, les systèmes de production ou d’utilisation de la vapeur, la séparation des fluides, les systèmes de froid, d’air comprimé, de ventilation, de pompage, d’éclairage….etc.
L’efficacité énergétique dans le monde:
Selon une étude de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) et le Conseil Mondial de l’Énergie , l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le monde a ralenti.
L’intensité énergétique (quantité d’énergie nécessaire pour produire une unité de PIB (Produit Intérieur Brut)) est passée d’une baisse moyenne annuelle de 1,3% depuis 1990 à seulement 0,6% depuis 2008.
Si le constat global reste plutôt positif et montre l’implication des différents gouvernements dans des politiques d’efficacité énergétique, les raisons invoquées par l’étude relèvent de (i) la crise économique qui freine les investissements, (ii) le poids grandissant des économies à forte intensité énergétique comme la chine et aussi (iii)les pertes engendrées par la forte utilisation de l’électricité.
L’intensité énergétique dans le secteur du transport s’est améliorée malgré le développement du transport marchandises par camions.
Un autre rapport sorti le 9 octobre par l’Agence Européenne de l’Énergie annonce que les objectifs européens 20-20-20 qui consistent à l’horizon 2020 de réduire de 20% les émissions de GES, d’utiliser 20% d’énergie provenant de sources renouvelables et d’augmenter l’efficacité énergétique dans l’UE (Union européenne) de 20% ont été variablement évalués.
Le premier objectif sera probablement atteint voir dépassé (18% en 2012), le second devrait être atteint de justesse (13% en 2011).
Le troisième sera plus difficile à atteindre.
Dans sa présentation publique de l’étude citée plus haut, l’AIE évoque notamment le cas du Japon qui a réalisé d’importants efforts qui lui ont valu d’être cité comme exemple, dans les actions d’efficacité énergétique.
Une étude de l’ADEME & TOTAL faite sur cinq pays (États-Unis, Allemagne, Japon, Norvège et France) cite parmi les freins à l’amélioration de l’efficacité énergétique :
- Le manque de motivation des collaborateurs,
- La résistance au changement,
- Les coûts masqués (temps de coordination, pertes d’exploitation),
- TRI (retour sur investissement) trop long,
- Manque d’information sur les meilleures technologies disponibles,
- Manque de lisibilité des gains énergétiques, -manque de moyens de financement des nouveaux équipements,
- Perception d’un impact négatif sur la qualité des produits et Parfois le faible coût de l’énergie n’est pas incitatif.
Nous avons bien là, les pistes d’actions possibles pour une meilleure considération de cette «quatrième énergie».