Les dernières données de la Haute Commission du Plan révèlent une timide amélioration de la confiance des ménages marocains au premier trimestre 2025. L’indice synthétique, qui mesure ce sentiment, s’établit à 46,6 points, en légère hausse par rapport au trimestre précédent (46,5 points) et à la même période en 2024 (45,3 points). Si cette progression, aussi modeste soit-elle, rompt avec la tendance baissière observée ces dernières années, elle ne suffit pas à masquer les profondes inquiétudes qui continuent de miner le moral des familles.
La perception du niveau de vie reste alarmante. Huit ménages sur dix (80,9 %) estiment que leur situation s’est détériorée au cours de l’année écoulée, tandis que seulement 4,4 % y voient une amélioration. Les perspectives pour les douze prochains mois ne sont guère plus réjouissantes : plus de la moitié des foyers (53,0 %) anticipent une nouvelle dégradation de leur niveau de vie. Ces chiffres se traduisent par un solde d’opinion profondément négatif (-76,5 points), en léger repli par rapport au trimestre précédent (-76,2 points), mais toujours très éloigné d’un retour à l’optimisme.
Chômage et pouvoir d’achat : des inquiétudes persistantes
Sur le front de l’emploi, le pessimisme domine, même s’il s’atténue légèrement. Ainsi, 80,6 % des ménages s’attendent à une hausse du chômage dans les mois à venir, contre 7,2 % qui tablent sur une amélioration. Le solde d’opinion, bien qu’en nette progression par rapport à fin 2024 (-73,4 points contre -77,2 points), reste largement dans le rouge.
Côté consommation, la prudence est de mise. Une écrasante majorité de ménages (80,1 %) juge le moment peu propice aux achats de biens durables, un indicateur qui stagne depuis plusieurs trimestres autour de -72 points. Cette frilosité s’explique en grande partie par les difficultés financières rencontrées par les foyers. En effet, 42,0 % d’entre eux ont dû puiser dans leurs économies ou recourir à l’emprunt pour boucler leurs fins de mois, tandis que seuls 2,2 % ont pu épargner.
Inflation alimentaire : un poids insupportable
L’envolée des prix des denrées alimentaires pèse lourd dans la dégradation du moral des ménages. Près de 98 % d’entre eux ont constaté une hausse des prix au cours de l’année écoulée, et 81,6 % s’attendent à une nouvelle flambée dans les mois à venir. Ces chiffres, qui se traduisent par des soldes d’opinion proches de -100 points, illustrent l’impact délétère de l’inflation sur le quotidien des Marocains.
Une confiance encore loin des niveaux d’avant-crise
Si l’indice de confiance marque un léger mieux, il reste bien en deçà des niveaux enregistrés avant la crise. Pour mémoire, ce même indicateur flirtait avec les 80 points en 2018, contre moins de 50 points aujourd’hui. Ce décalage témoigne des séquelles durables des chocs économiques récents et de la lenteur de la reprise.
Quelles perspectives ?
La légère embellie observée ce trimestre pourrait s’expliquer par certains signaux positifs, comme la stabilisation des prix de certains produits ou les annonces gouvernementales en faveur du pouvoir d’achat. Toutefois, elle reste trop fragile pour annoncer un véritable retournement de tendance. Dans un contexte international toujours incertain et face à des défis structurels non résolus (chômage, inflation, précarité), les ménages marocains gardent la prudence comme mot d’ordre.
Les prochains mois seront décisifs. Ils diront si cette timide amélioration n’était qu’un répit ou le début d’une tendance plus durable. En attendant, les autorités devront redoubler d’efforts pour restaurer la confiance des ménages, condition sine qua non d’une relance solide de la consommation et, in fine, de la croissance.
Rachid Mahmoudi