la Coalition pour la Valorisation des Déchets, (COVAD), a organisé mercredi 26 février 2019, en partenariat avec, la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM), l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable (AMCDD) et l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT), une table ronde sous le thème : « Valorisation des Déchets au Maroc : Quels choix durables et à forts impacts pour nos villes ? » au siège de la CGEM à Casablanca. A l’issue de cet évènement, La COVAD, l’AESVT, l’AMCDD et l’OPEMHT ont adressé une lettre ouverte aux différents acteurs.
Voici le texte intégral de la lettre adressée aux collectivités locales de la ville de Casablanca, aux élus, aux décideurs et à l’opinion publique.
La ville de Casablanca est à un tournant décisif pour l’adoption d’une stratégie de gestion durable de sa propreté et des volumes importants de déchets qu’elle génère. Son positionnement, son cadre de vie, ainsi que son attractivité internationale, dépendent de manière cruciale de la décision qui sera prise dans les prochaines semaines au sujet du site retenu pour abriter la nouvelle décharge, ainsi que du mode traitement à mettre en place.
La Coalition pour la Valorisation des Déchets (COVAD), qui regroupe le Secrétariat d’État Chargé du Développement Durable, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de l’Industrie, les collectivités territoriales, la CGEM, les opérateurs privés, la société civile, en partenariat avec l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement durable (AMCDD), l’AESVT-MAROC, ainsi que l’Observatoire de Protection de l’Environnement (OPEMHT), décident aujourd’hui de partager leur position sur cette problématique des déchets.
En effet, ce dossier à la fois complexe et sensible ne peut être sujet de réflexion d’un seul acteur. Le collectif précité entend par la présente lettre jouer son rôle en tant que parties prenantes et attirer l’attention des décideurs sur les enjeux actuels. Qu’ils soient environnementaux, sanitaires, économiques, sociaux ou financiers, ils concernent tous les concitoyens casablancais d’aujourd’hui, mais également les générations futures.
Nous saluons l’intérêt accordé par le Conseil de la ville à la valorisation maximale des déchets, et exprimé à travers l’appel à manifestation d’intérêt (AMI), qui fixe le taux de valorisation minimale des déchets à 85%. Un objectif que seules deux technologies peuvent atteindre :
- Valorisation thermique et préparation des déchets par bio-séchage (traitement mécanique et biologique des déchets) qui permet de produire du RDF pouvant servir de combustible qui sera utilisé pour générer de l’électricité ou être vendu en l’état pour alimenter des centrales thermiques pour différents types d’industries.
- Incinération pure et simple des déchets en l’état.
A propos de cette dernière technologie, il convient de rappeler les engagements climats pris par le Royaume auprès des instances nationales et internationales, ainsi que les orientations de la Stratégie Nationale du Développement Durable adoptée par le Gouvernement sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu le Glorifie. Ensuite, il est de notre devoir d’informer aujourd’hui des risques liés à cette ancienne technologie qu’est l’incinération, décriée depuis longtemps et que l’UE est entrain d’abandonner, et ce en particulier pour une ville de la taille de Casablanca :
- A l’échelle internationale, il n’existe pas de plateforme d’incinération dont la capacité dépasse les 500 000 tonnes par an. Cela reviendrait à dire que pour le cas de Casablanca il en faudrait plusieurs. ● Dans les pays industrialisés, plusieurs incinérateurs sont installés à l’échelle d’une région et par conséquent, en cas de panne de l’un d’entre eux, ce qui peut souvent arriver, les déchets sont orientés vers d’autres installations.
- Les standards qualité internationaux en matière de réduction de la pollution de l’air due à l’incinération, nécessitent des coûts d’investissement, de fonctionnement et de maintenance très élevés.
- Quand les technologies de filtration permettant de limiter la pollution de l’air ne fonctionnent pas, comme il est souvent le cas, cela entraine l’émission de dioxines et de furanes (cancérigènes).
- Le résidu de la combustion est composé de cendres et de mâchefers hautement chargés en métaux lourds et qui nécessitent un enfouissement en décharge de catégorie trois pour éviter la pollution de la nappe phréatique.
- Les déchets ménagers casablancais composés à 65% de matière organique incinérés en l’état conduiront à un rendement thermique très bas, ce qui nuit au fonctionnement économique de l’incinérateur, et tout particulièrement si l’on développe le tri en amont qui capte les matières à fort pouvoir calorifique (plastique carton …)
- A contrario, l’absence de tri en amont, en plus de la composition fortement humide du déchet, mettra en péril la fraction solide recyclable et son renvoi vers les filières de valorisation.
- Le traitement de déchets par incinération est à l’encontre de tous les modèles d’économie circulaire, permettant de contribuer à l’émergence des filières de recyclage, à l’intégration sociale et employabilité des chiffonniers, et à la garantie d’un impact environnemental et économique durable.
Afin d’étudier de nouvelles solutions en matière de gestion de déchets, et permettre la diminution des impacts environnementaux, la COVAD a lancé en 2018 en partenariat avec l’AMCDD, l’AMPCC, l’AESVT et l’OPEMHT, le Programme de Mobilisation Nationale pour la Gestion des Déchets Ménagers et Assimilés. Ce programme se veut force de proposition à travers l’identification des voies de valorisation matière et énergétique possibles, que sont le tri-recyclage, la valorisation énergétique par le biais de la production de biogaz, le traitement mécano-biologique des déchets, et la pyrolyse. Le MBT parmi les solutions précitées, permet de sécher la totalité de ces déchets et de réduire davantage les quantités résiduelles (non valorisables) à enfouir. Cette baisse de volumes peut atteindre les 70%, réduisant l’impact écologique des décharges, et garantissant une diminution certaine de la pollution organique. Toujours dans une optique de recherche et de réflexion aux solutions les plus adaptées au Maroc, nous avons aussi organisé un ensemble de visites dans des pays tels que l’Allemagne, la Grèce, la Bulgarie, et ce au profit des décideurs, d’experts et de médias nationaux afin d’informer au mieux sur les technologies existantes, les réussites et les échecs. A cet effet, au nom des membres de la COVAD, l’AMCDD, l’AESVT, l’OPEMHT, et au vu des éléments précités, nous vous prions de bien vouloir étudier en profondeur toutes les variantes de traitement et de valorisation des déchets existantes, sur les plans techniques, financiers, environnementaux en conformité et cohérence avec les politiques nationales pour apporter une solution durable aux déchets de la ville de Casablanca.
Cette lettre ouverte a été co-rédigée et signée par la COVAD, l’AESVT, l’AMCDD et l’OPEMHT le 27 février 2019 à Casablanca.