Au Maroc, un nouveau rapport élaboré conjointement par l’Observatoire marocain des très petites, petites et moyennes entreprises (OMTPME) et la Banque mondiale analyse la dynamique des entreprises et la productivité du secteur privé, ainsi que les défis liés à la faible adoption de l’innovation technologique et à l’accumulation de capital dans ce secteur. Il met également en lumière les opportunités à saisir pour améliorer la dynamique du tissu économique et stimuler la productivité.
L’un des premiers diagnostics établis par les analystes de la Banque mondial, et leurs pairs de l’OMTPME est la stagnation la productivité au Maroc. « Un constat préoccupant » d’après les auteurs du rapport intitulé « libérer le potentiel du secteur privé marocain ». Selon le rapport, la productivité du secteur privé formel marocain connaît depuis plusieurs années une évolution décevante. Entre 2016 et 2019, la productivité du travail a enregistré une croissance modeste de seulement 2,2 %, bien en deçà de celle du reste de l’économie, estimée à 5 %. Ce ralentissement est en partie attribué à une mauvaise allocation des ressources et à un manque d’accès au financement pour les entreprises les plus jeunes et les plus petites. Alors qu’elles font montre d’un certain dynamisme, ces dernières n’ont toutefois pas les moyens d’investir pleinement dans l’innovation ni de croître à leur plein potentiel.
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Pour Nicolo Dalvit, Javier diaz-Cassou, Amal Idrissi, et Hind Kadiri (les auteurs du rapport), alors que le benchmark à l’international établit une corrélation positive entre l’adoption de nouvelles technologies et la croissance de la productivité au niveau international, le Maroc rencontre de nombreux obstacles pour l’adopter à grande échelle. L’insuffisance d’infrastructures et la réticence des entreprises à investir dans des outils numériques freinent le déploiement de ces innovations technologiques. Des efforts doivent être déployés pour faciliter l’intégration des technologies de pointe telles que l’intelligence artificielle, les solutions cloud et les équipements industriels sophistiqués. Il apparait donc pour les rapporteurs que l’innovation technologique reste un levier sous-exploité dans les secteurs productifs du Royaume.
Maroc : financement, l’éternel défi
Bien que la valeur moyenne du capital physique par travailleur ait augmenté de 12 % entre 2016 et 2019, son impact sur la productivité a été limité, souligne le rapport. En effet, d’après les experts, la qualité du capital investi reste sous-optimale. Aussi, recommandent-ils que l’accumulation de capital, du reste essentiel pour améliorer les performances économiques, s’accompagne d’un cadre réglementaire incitatif à une meilleure allocation des ressources. En d’autres termes, le Maroc doit encourager non seulement l’augmentation du capital, mais aussi la qualité de ce dernier, notamment par l’acquisition de technologies modernes et d’équipements efficaces.
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Autre défi relevé par ce rapport de cinquante-six pages, l’accès au financement. « L’accès au financement est un autre frein majeur à la productivité des entreprises marocaines. Malgré un système bancaire relativement développé, 47 % des entreprises estiment que l’accès au crédit constitue une contrainte importante », peut-on lire. Pour Nicolo Dalvit et ses pairs, le financement au Maroc reste concentré sur les grandes entreprises, alors que les petites et moyennes entreprises (PME), véritables moteurs de l’innovation, peinent à obtenir des financements pour croître et se moderniser. De leur avis, les programmes gouvernementaux, tels que « Damane Express », doivent être amplifiés et mieux ciblés pour permettre aux PME d’investir dans des technologies de pointe et dans la formation de leur personnel.
Pour une réallocation efficace
Par ailleurs, le groupe d’experts a pointé la nécessité d’une réallocation plus efficace des ressources au sein de l’économie marocaine. Ils estiment cela est essentiel pour accroître la productivité. De leur observation, dans les circonstances actuelles, la main-d’œuvre et les capitaux ont tendance à se concentrer dans des entreprises moins productives, souvent plus grandes et établies, au détriment des jeunes entreprises plus dynamiques. Il y est dit, dans le rapport, que ce phénomène de mauvaise allocation limite la compétitivité globale du secteur privé. Une révision des politiques publiques en matière de subventions, de fiscalité et de soutien à l’entrepreneuriat serait nécessaire pour encourager les entreprises les plus productives à croître.
Ainsi donc, l’accès aux financements pour les PME, l’adoption des technologies innovantes et une meilleure allocation auront le bénéfice de libérer le potentiel du secteur privé marocain,. Ces actions sont essentielles pour augmenter la productivité et atteindre les objectifs de développement économique fixés par les autorités. Et si la productivité accrue reste une condition sine qua non à une meilleure performance économique, elle ne saurait faire l’économie d’une stratégie claire d’investissement dans l’innovation et le capital humain.
En intégrant ces leviers stratégiques, le Maroc pourra non seulement améliorer la compétitivité de ses entreprises sur le plan national, mais aussi s’affirmer comme un acteur économique majeur dans le paysage international, conclut le rapport.
Gethème Yao