Ilhem KERDOUDI, Directrice générale Maroc Numeric Cluster :  » Maroc Numeric Cluster existe depuis 8 ans, suite à une initiative publique-privé émanant du ministère de l’Industrie. Notre tour de table comprend aussi bien des grandes entreprises, des moyennes et des startups que nous accompagnons par le biais de nos programmes. Nous travaillons sur des projets communs incluant tout cet écosystème avec également des universités et des centres de recherche. Nous travaillons aussi comme Think Tank sur diverses problématiques comme l’intelligence artificielle, les smarts territoires…L’idée est de développer des thématiques qui rassemblent tout l’écosystème pour créer des projets collaboratifs et donner naissance à de nouvelles orientations dans le digital au Maroc.
En ce qui concerne la thématique de cette journée, le défi que rencontrent les industries traditionnelles c’est qu’elles sont restées pénalisées par des environnements de production déconnectés des autres systèmes de l’entreprise, des chaînes d’approvisionnement, des clients et des partenaires. Il y a également d’autres défis comme le pouvoir du consommateur, puisque celui-ci est de plus en plus informé, exigeant et connecté ce qui nécessite que l’industrie s’adapte à ces nouveaux comportements. On observe d’autres défis tels que la globalisation, la modification de la main d’œuvre, ou encore la durabilité. En cela, l’industrie 4.0 est une vraie révolution de l’agilité, et contrairement à ce qu’on peut le croire, ce n’est pas remplacer l’humain par la machine. Loin de là, l’industrie 4.0 apporte des solutions technologiques et économiques avec un impact très important pour les organisations, et en prenant en compte les enjeux écologiques, étiques et sécuritaires.
Dans l’industrie 4.0, il ya énormément de choix technologiques possibles par exemple les IOT (Internet of Things) qui n’est pas une révolution mais une évolution d’une technologie qui existe depuis 15 ans, le « machine to machine ». Aujourd’hui, il existe 17 milliards d’objets connectés dans le monde et on prévoit de passer à 80 milliards d’ici 2025. Combinés à l’intelligence artificielle, l’IOT apport des solutions miraculeuses comme la maintenance prédictive, l’optimisation de l’utilisation de l’énergie, les solutions GOV… La réalité virtuelle et la réalité augmentée représentent un vrai marché naissant qui permettent d’améliorer les performances en termes de formation et qui conviennent aux industries menant des formations dans le domaine de la santé et de la sécurité.
Par conséquent, l’industrie 4.0 est une réalité à laquelle il faut trouver des solutions et qui apporte de réelles opportunités. Énormément de nouveaux métiers vont s’installer et la formation devient donc un must rapide.

Amine ZAROUK, Directeur filiale chez Groupe Alten : » Le Groupe Alten est un leader d’ingénierie et de conseil en technologies qui accompagne des industriels dans leur R&D notamment, sur des métiers divers et variés. Nous sommes 30000 personnes dans le monde dans 26 pays et la filiale du Maroc comprend plus de 600 personnes : 200 ingénieurs dans les télécoms, 200 dans l’IT et 200 dans l’automobile.
Pour revenir à la thématique de cet événement, selon mon regard terrain un débat revient souvent sur la question de savoir si cette nouvelle donne technologique va créer plus d’emplois ou va en détruire. Je pense que la création d’emplois se fera dans des pays prêts, dans des environnements ayant eu des approches pour anticiper ce changement et justement le Maroc doit jouer ce rôle. Nous sommes sur la bonne voie, ayant commencé par des activités de délocalisation comme l’Offshoring et ayant démarré des sujets de CRM, de BPO. Le Maroc est en train de monter en gamme pour être présent sur des activités à plus forte valeur ajoutée à savoir l’IOT, la SEO et la KPO qui requièrent des ingénieurs de bon niveau.
La vraie question est donc comment pouvoir suivre cette croissance ? Pour cela, il faut faire preuve de vitesse, de créativité et d’agilité pour s’adapter à toutes ces nouveautés. Dans ce sens, une action importante que nous pouvons mettre en place dès maintenant, c’est la mise en place de cycles courts de formation. Au lieu de passer 5 ans à former un ingénieur, sachant que nous ne savons pas ce qui se passera dans 5 ans, il faudrait plutôt partir sur des modèles agiles et c’est justement ce que nous fassions à notre échelle en lançant des programmes au niveau de l’APEBI pour la reconversion de jeunes diplômés mais aussi chez Alten . En effet, après s’être rendu compte que les profils que nous cherchons n’existent pas forcément sur le marché, nous avons lancé le programme « Alten Boost ». Il s’agit d’une première au Maroc dans le but de répondre à cette pénurie d’ingénieurs adaptés aux besoins spécifiques du marché, qui change souvent et que l’université n’arrive pas à suivre. Ce sont des programmes agiles en alternance qu’on peut également mettre à jour au fur et à mesure.
L’autre levier consiste en l’encouragement des startups, puisque dès lors qu’on pense au concept d’agilité, vitesse créative, nous pensons directement aux startups qui imposent leur rythme et ne doivent en aucun cas s’adapter aux petits rythmes imposés par l’Etat ou d’autres structures, c’est plutôt le contraire. En dernier lieu, je dirai qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur l’axe Casablanca-Rabat, parce que la région est un véritable gisement de compétences auquel nous ne pensons pas forcément, donc il faut prendre en compte les potentiels que la région peut apporter à cet écosystème que nous souhaitons construire ensemble.

Jean LUC ROISIN, Administrateur gérant BENEFIK SPRL et Membre du conseil d’administration BEMAS : « En tant que praticien venant de l’extérieur je me permets de m’adresser aux opérateurs industriels et particulièrement aux maintenanciers étant mon métier de base. Le but du maintenancier est d’assurer la plus grande disponibilité de l’outil industriel pour permettre à l’industriel de réaliser des revenus.
Pour développer une activité 4.0 en matière de maintenance, les données peuvent être corrélées au travers de modèles mathématiques pour identifier des raisons prédictives de sujets de pannes et voila qu’on peut savoir que quelque chose va se passer et donc pouvoir espacer le temps entre deux maintenances et par là assurer une plus grande disponibilité de l’engin.
Ce qui évolue au cours des différentes approches de type de maintenance, c’est que nous nous avons de plus en plus de données à gérer, de différents types et techniques et spécialités à faire collaborer de façon effective. D’après une étude sur 280 entreprises pour savoir les données qu’elles utilisent au niveau de leur maintenance 4.0, montre que ce qui a évolué c’est l’augmentation des dépense, en augmentant le nombre de techniciens, d’inspecteurs en maintenance, de fiabilistes mais aussi de Data-Scientist. Et donc la grande modification qu’apporte l’Industrie 4.0 est que la fiabilité, l’IT et les Data Scientist doivent arriver à collaborer ensemble de façon soutenue.
Les meilleures sociétés que nous avons investigué nous disent que le plus grand résultat de l’évolution vers le 4.0, c’est une plus grande disponibilité de leur outil, des réductions de coûts, des améliorations au niveau de la securité, santé, environnement qualité, ainsi qu’une augmentation de la durée de vie de l’outil. Ce sont des progrès notables et particulièrement économiques.
Pour développer une activité de maintenance 4.0, il faut d’abord savoir quels éléments nous souhaitons prendre stratégiquement comme point de référence, ensuite il s’agit de définir les équipements sur lesquels nous allons développer l’activité 4.0. Après, il faut faire travailler les fiabilistes et les amener à savoir exactement quels sont les tenants et les aboutissant de l’engin, puis les mathématiciens seront amenés à définir les algorithmes et les corrélations qui doivent être identifiés avec la masse de données supplémentaires que l’on va acquérir au sujet de cet engin. Enfin, il s’agit de prévoir au travers de corrélations, les modes de défaillance et de mettre en place immédiatement les prescriptions de maintenance en conséquent. »

Samira BENALI, Directrice d’usine LANOLINES STELLE : « Je commencerai par dire mieux vaut prévenir que guérir. Il faut dire qu’il y a une crainte de suppression de poste et nous devons tous se préparer à cette nouvelle ère industrielle avec les compétences nécessaires de manière à être directement opérationnels sur le marché. Pour aborder quelques points concernant l’industrie 4.0, cela impose que la formation s’adapte aux changements, de prendre des risques mesurés et avoir une vision objective et globale des menaces et opportunités potentiels, pour rester compétitifs.
Il faut également réduire ou éviter les charges financières dû aux dépense non prévues, comme une mauvaise gestion par exemple en essayant de comprendre ce qui ne fonctionne pas. De ce fait, l’activité 4.0 consiste à appliquer les tâches justes, au bon moment et en temps réel. Il s’agit également d’élargir les compétences et les augmenter. La machine doit avoir pour rôle de donner du sens aux données et être un outil d’aide à la décision.
S’agissant de la maintenance, lorsqu’ on met en place un outil de production ou un module 4.0, il faut absolument pérenniser ces équipements là ; aussi bien dans une usine, qu’au niveau des infrastructures ou en ce qui concerne la logistique. Sans maintenance et sans suivi, on arrive à des catastrophes. L’autre point important est le facteur humain puisqu’il y a un manque de compétences au niveau de la conception mais aussi au niveau de la maintenabilité. Cela nous montre bien la nécessité de se former et de se préparer aux nouvelles technologies et méthodes de travail. Et donc les sociétés qui ont choisi de mettre en place cette gestion et de veiller à la maintenabilité tout en faisant régulièrement une évaluation des risques ont eu un certain nombre de gains, comme une réduction des coûts au niveau des défaillances, la réduction de temps d’arrêt de production..
L’industrie 4.0 est une révolution industrielle mais également une révolution des compétences qui requière une nouvelle façon de travailler et d’utiliser ses outils et d’utiliser notre intelligence émotionnelle et intuitive pour décider. On retrouve parmi les métiers d’avenir, l’automobile, le maritime l’agro-industrie et la maintenance en fait partie également. Pour conclure, je dirai qu’il faut mettre en place un partenariat entre l’école et l’entreprise, il ne faut pas négliger le côté sécurité et il faut garder à l’esprit qu’il y a toujours une base dans les métiers d’avenir notamment dans la maintenance électromécanique, qu’il faut simplement compléter par de nouvelles méthodes. »

Samy Tadjine, Responsable de la solution Cyber Sécurité Industrielle Kaspersky Lab France: « Les défis auxquels sont confrontés les organisations industrielles 4.0 sont : le tout connecté qui peut engendrer plusieurs vulnérabilité, un décalage entre les technologies de l’information et de l’exploitation du fait que nous avons une approche insuffisante de la cyber-sécurité des systèmes de contrôle industriels, qui est plus une réflexion d’après-coup, un manque de profils adéquats, mais aussi un faible intérêt de la direction pour tout ce qui touche à la cyber-sécurité industrielle.
S’agissant de l’industrie 4.0, c’est bien la mise en œuvre des systèmes et d’appareils connectés qui est une priorité absolue cependant seulement 54% des personnes mettent en place une structure de sécurité sur une industrie 4.0. Majoritairement le budget cyber-sécurité est investi majoritairement sur tout ce qui est IT bureautique à 77%, par contre moins pour les systèmes de contrôle industriels. L’apparition du 4.0 va encore ouvrir cette surface d’attaque, en digitalisant plus, on ouvre beaucoup plus de portes aux hackers. Il va donc falloir sensibiliser le facteur humain qui représente également un facteur de risque, mais aussi déployer des outils pour la cyber-sécurité en milieu industriel à l’instar des services et solutions mais aussi réaliser des audits.
Ce que Kaspersky propose dans ce sens, c’est un package de formation et de sensibilisation du personnel exploitant mais aussi la formation de personnel dédié à la sécurité de l’infrastructure industrielle. À côté de cela, nous proposons également des services d’audit pour avoir les recommandations sur les différentes vulnérabilités, mais aussi des équipes de réponses aux incidents, et une solution pour aider le facteur humain qui est très important.

Najib HAMOUTI, Directeur du Career Center de l’ESITH : « L’avènement de l’industrie 4.0 vient avec ses bénédictions mais aussi une part de risque. L’évolution digitale fera en sorte que des emplois disparaissent, les « cols bleus » disparaitront, puisque plus on digitalise plus on monte en compétence. Donc le rôle de l’université réside dans quatre principales dimension : compétence à l’employabilité du fait qu’il y a un besoin urgent actuellement de passer à autre chose, le cours magistral doit disparaitre, la R&D pour ce qui est de la recherche appliquée et fondamentale doit accompagner cette transformation, ainsi que l’entreprenariat et la dimension collaborative entre école et entreprise. Il faut que les entreprises s’organisent de sorte à avoir un interlocuteur officiel avec les universités. Notre école est en train de faire son travail mais autour de nous beaucoup reste à faire. »

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