Manager ressources humaines à STERLING & WILSON, multinationale indienne opérant dans l’industrie de l’énergie solaire au Maroc et chercheuse en Master of Business Administration à l’école des ponts business School, Meryem Mouathassime nous fait partager son regard sur la nouvelle donne dans la prise en compte des menaces de l’entreprise.

Dans quelle mesure la gestion des risques est-elle aussi importante pour une entreprise ?

Tout d’abord, il faut admettre que le risque est un facteur inhérent à la vie d’entreprise. Les données empiriques sur le sujet indiquent que 50% des entreprises doivent déclarer faillite avant même d’avoir franchi la cinquième année. Aujourd’hui, dans une économie en constante croissance comme c’est le cas au Maroc, les entreprises deviennent de plus en plus sensibles à la nécessité d’une gestion efficace des risques, au point même que l’on peut désormais parler d’une nouvelle « ère » dans la prise en compte des menaces de l’entreprise.

Quelles sont les principales menaces auxquels les entreprises sont confrontées ?

Généralement, les risques peuvent avoir des conséquences en termes de performance économique et de réputation professionnelle, sans oublier pour autant les enjeux environnementaux, sociaux ou sécuritaires. Ces risques-là sont d’ordre interne, externe, direct ou indirect. Malgré un élément d’incertitude inhérent à la prévision, il est souvent possible de les anticiper. Il s’agit tout simplement de concevoir et mettre en œuvre des mesures visant à minimiser leurs conséquences négatives ou à en maximiser les conséquences positives. Prenons par exemple les risques attribuables à un trouble. Ils sont contrôlables à partir du moment où nous disposons d’un modèle fiable de gestion et de gouvernance. De cette façon, les entreprises qui adoptent une stratégie de gestion des risques sont plus susceptibles de survivre et de prospérer. À ce stade, je peux vous dire que les grandes entreprises sont beaucoup mieux équipées et relativement bien structurées pour gérer les risques tout en optimisant leurs profits.

Et pour les PME ?

Nous savons d’ores et déjà que les PME constituent la majeure partie des entreprises dans le monde et sont l’épine dorsale du commerce et de la croissance économique. Elles sont le principal moteur de l’innovation, de l’intégration sociale et de l’emploi. L’importance d’examiner la question de la gestion des risques pour ce segment n’est plus à démontrer. Il est facile de constater que les PME ont peu de soutien lorsqu’il s’agit de déterminer la meilleure façon de gérer leurs risques ou d’obtenir des conseils. Les études révèlent que si la plupart des PME adoptent certaines mesures de prévention et de réduction des pertes, elles n’impliquent pas de gestion formelle des risques liés aux processus et une grande majorité d’entre elles ignore totalement le concept de gestion des risques. Et même si les grandes entreprises sont mieux équipées et relativement bien structurées pour faire face aux risques, cela ne signifie pas qu’elles maitrisent la gestion des risques. Les petites et moyennes entreprises (PME), plus limitées de diverses manières, sont plus exposées aux risques liés aux aspects négatifs. Cependant, à condition d’avoir de bons outils, les PME, grâce à leur adaptabilité, peuvent profiter de certaines possibilités pour accroître leur part de marché, se développer tout en gérant leurs risques de façon plus efficace.

Concrètement, quels outils se donner pour une gestion efficace des risques ?

La gestion efficace des risques dépend des bonnes pratiques reconnues et qui ont fait leurs preuves. Il suffit de les personnaliser à l’entreprise. D’abord, il y a des outils de prévention avant l’avènement des risques. Concrètement, il est primordial de définir sa stratégie et d’identifier les événements pouvant engendrer un risque. Pour cela, on établit une cartographie détaillée des risques éventuels susceptible de survenir dans l’entreprise puis on évalue la probabilité et la gravité des dommages résultant de ces événements. L’objectif étant d’atténuer les dommages grâce au contrôle des pertes avant et après l’événement, il faut pour autant surveiller et mettre à jour ses risques continuellement. Dans ce sens, la communication avec les parties prenantes internes et externes reste un pilier incontournable. A tout cela, il faut rajouter l’outil classique, en l’occurrence l’assurance. Cette dernière reste le moyen le plus connu par l’entreprise pour pallier les aléas du risque une fois survenu, les garanties d’assurances sont souscrites dans ce dessein pour couvrir personnel, biens et responsabilités, encore faut-il en choisir la plus appropriée. Pendant la crise, il est du devoir de l’entreprise en crise de rassurer les parties prenantes en répondant aux préoccupations avec un langage approprié tout en acceptant la responsabilité. Je donne comme exemple le cas d’une multinationale, le premier réflexe est de gérer l’incident pour en réduire la gravité. Dans le cas où  l’incident serait médiatisé, le choix du porte-parole ainsi que la manière de diffuser le message à l’opinion publique auront un rôle décisif à jouer, si  bien que la relation avec les médias devrait être établie bien à l’avance.

Le déficit des compétences des dirigeants à gérer les risques est souvent pointé du doigt, qu’en dites-vous ?

À mon sens, cela est dû principalement à l’absence de la culture de gestion du risque chez certains dirigeants et chefs d’entreprises. Comme j’ai expliqué antérieurement, il faut être conscient que la gestion des risques est primordiale dans la bonne gestion d’une entreprise. Il est donc important d’y accorder l’attention nécessaire. Cela passe par le recrutement d’un responsable Risk Manager ayant les compétences techniques, ou en faisant appel à un cabinet spécialisé. Il incombe aux dirigeants et managers de vulgariser cette culture et de l’instaurer comme une partie intégrante des valeurs de l’entreprise. Cependant, il faut souligner que même cette tâche est l’apanage des membres du « board », tout le monde dans l’entreprise en est responsable, d’une manière directe et indirecte, que ce soit par la stratégie, la veille ou la remontée de l’information. Car finalement, toute l’entreprise prend le même bateau pour la même direction.

 

En tant que responsable de gestion des ressources humaines dans une multinationale, y a-t-il de nouvelles formes de risques qui n’existaient pas avant ?

Bien évidemment, et malheureusement, elles sont nombreuses et beaucoup plus difficiles à gérer que l’on peut imaginer. Chaque menace est propre à une situation et un contexte donnés. Prenons, à titre d’exemple, les nouveaux risques liés aux ressources humaines dans notre entreprise, il faut souligner que nous sommes en mode de projet « fast track project » qui, par les délais très courts alloués aux différents projets, les activités sont souvent exécutées de manière séquentielle et sont effectuées en parallèle. En d’autres termes, les activités sont travaillées simultanément au lieu d’attendre que chaque partie soit complétée séparément. Par conséquent, les projets de réalisation en « fast track » dans les domaines des énergies renouvelables sont exposés à divers risques opérationnels, financiers ou règlementaires. D’abord, il y a le risque de l’inadéquation des ressources. Une entreprise nouvellement installée n’a pas le luxe de compter sur des ressources anciennes ou d’user d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences  « GPEC », sachant que le besoin est immédiat et urgent de recruter des profils pointus. On peut noter aussi le risque de la mauvaise Intégration des équipes. En effet, la cohésion d’une équipe passe par le temps et le nombre de projets sur lesquels ils ont collaboré ensemble. Un « fast track project » n’offre pas cette option. La haute tension continuelle en est une raison pour perdre des ressources des fois clés pour le projet ou de voir s’installer un climat social houleux. Par ailleurs, le risque du taux de renouvellement du personnel est très élevé en construction pour multiples raisons. Les contrats projets à durée déterminée font que l’employé lorgne la prochaine opportunité et le seul argument devient un package qui n’est pas forcement en phase avec la réalité du marché de l’emploi. Le turnover peut affecter le management comme l’opérationnel, le débauchage peut priver l’entreprise de ses meilleurs talents. Enfin, les risques d’accidents survenant au travail à cause de la pénibilité et le stress s’accroissent, ce qui fait que les ressources humaines trouvent un allié de choix dans le département d’hygiène et de sécurité.

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