Les zones industrielles marocaines, véritables piliers de la compétitivité textile et du cuir, allient innovation, durabilité et mutualisation des ressources. Dans cet entretien, le Dr. Abdelhalim Sibari, expert en chimie industrielle et valorisation des agro ressources, décrypte leurs avantages stratégiques, leur rôle dans la modernisation du secteur et les défis à relever pour une croissance durable. Un éclairage précieux sur l’avenir du textile et du cuir marocains.

Comment les zones industrielles contribuent-elles à la compétitivité des entreprises du secteur du textile ?

Les entreprises du secteur du textile et du cuir bénéficient de nombreux avantages en s’implantant dans les zones industrielles marocaines. Ces avantages se situent à plusieurs niveaux : stratégique, industriel, opérationnel, mais aussi en termes de développement durable, englobant les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Le premier avantage majeur réside dans le regroupement sectoriel, qui crée des écosystèmes dynamiques et complémentaires. Cette synergie permet la mutualisation des moyens, stimulant ainsi la compétitivité des entreprises. La proximité avec d’autres acteurs du même secteur, qu’il s’agisse de fournisseurs en amont ou de clients en aval, favorise les échanges, les partenariats et les collaborations. Un autre atout important est celui des infrastructures adaptées. Les zones industrielles offrent des aménagements facilitant la logistique, comme le déplacement des camions, les approvisionnements et les livraisons. Elles permettent également une gestion optimisée des déchets, un enjeu crucial pour les industries textiles et du cuir, qui génèrent d’importants volumes de déchets solides et liquides. Plutôt que chaque entreprise investisse individuellement dans des solutions de traitement, ces zones mutualisent les infrastructures nécessaires, réduisant ainsi l’impact environnemental. Sur le plan social, ces zones facilitent l’accès à une main-d’œuvre qualifiée grâce à la mise en place de centres de formation et de services de recrutement dédiés. Elles proposent également des services sociaux collaboratifs, tels que des crèches, des cantines, des mosquées, des salles de sport, etc., améliorant ainsi les conditions de vie des travailleurs. Enfin, sur le plan économique, les zones industrielles facilitent l’accès au foncier, un défi majeur pour de nombreuses entreprises. Elles permettent également des économies d’échelle, réduisant les coûts de production et renforçant la compétitivité des entreprises.

 

Comment les zones industrielles favorisent-elles l’innovation et la modernisation des entreprises textiles ?

Les zones industrielles jouent un rôle clé dans la promotion de l’innovation et de la modernisation des entreprises textiles et cuir.  Elles facilitent la mise en place de centres de recherche et développement collaboratifs et plateformes d’innovation. Ces centres regroupent des entreprises, des universités et des instituts de recherche autour de thématiques spécifiques, telles que les matériaux innovants, les procédés de fabrication durable, les technologies de pointe, l’industrie 4.0, la robotique ou le design, des solutions difficiles à mettre en œuvre pour une entreprise seule. Le partage des ressources et des compétences favorise l’échange et la diffusion des connaissances. Les zones industrielles peuvent également accueillir des pépinières d’entreprises, des incubateurs et des startups orientées vers l’innovation, stimulant ainsi l’entrepreneuriat. Des projets de digitalisation, d’industrialisation 4.0 ou de développement de solutions de production intelligente y trouvent un terrain propice.

En matière de développement durable, ces zones encouragent des projets d’économie circulaire. Par exemple, les déchets d’une industrie peuvent servir de matière première pour une autre. Les déchets de l’industrie du cuir, valorisés en gélatine et collagène, engrais organiques et biomasse ou ceux du textile, transformés biomatériaux ou recyclés en fibres, illustrent cette approche.

Enfin, les zones industrielles favorisent l’adoption de solutions de production propre, optimisant les procédés pour réduire la consommation d’eau et de produits chimiques, ou utilisant des énergies renouvelables.

 

Quelles actions sont menées dans ces zones pour promouvoir une production textile durable et responsables ?

Les zones industrielles marocaines mettent en œuvre plusieurs actions pour promouvoir une production cuir et textile durable. La gestion des déchets, solides et liquides, est une priorité, avec la mise en place de systèmes de tri, de recyclage et de valorisation des chutes de production. L’éco-conception est encouragée pour réduire les déchets à la source, tandis que l’utilisation de matériaux durables, comme les fibres naturelles ou biologiques, les tanins végétaux, est privilégiée. Les entreprises intègrent également des normes sociales et environnementales strictes, facilitées par la mutualisation des moyens dans ces zones. Par exemple, des certifications comme Fair Trade (commerce équitable), LWG (Leather Working Group) ou GOTS (Global Organic Textile Standard) deviennent accessibles grâce à des infrastructures et solutions partagées de réduction de l’impact sur l’environnement. Ces certifications, de plus en plus demandées par les donneurs d’ordre, renforcent la crédibilité des entreprises sur les marchés du cuir et textile, améliorent l’image de marque et favorisent les investissements internationaux.

 

Quels sont les défis majeurs auxquels font face les zones industrielles dédiées au secteur du textile ?

Les zones industrielles dédiées au cuir et textile font face à plusieurs défis majeurs. Le premier est celui de la durabilité environnementale. Les industries textiles et du cuir consommation de grandes quantités d’eau et d’énergie et génèrent des charges polluantes importantes. Investir dans des solutions pour réduire ces impacts sur l’environnement et diminuer significativement les consommations en eau et en énergie est aujourd’hui une nécessité, tant pour répondre aux normes internationales que pour assurer la pérennité des entreprises.

Le deuxième défi est celui de l’adoption des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, l’automatisation et la robotisation. Ces technologies sont essentielles pour rester compétitif, mais leur mise en œuvre est coûteuse et complexe pour les entreprises isolées. Les zones industrielles peuvent jouer un rôle clé en mutualisant ces investissements.

Enfin, la concurrence internationale, notamment avec les pays à asiatiques à bas coûts de main d’œuvre, exige une amélioration constante de la productivité et de l’innovation. Les zones industrielles doivent évoluer vers des modèles plus verts, intelligents et connectés, favorisant la collaboration et la synergie entre les acteurs.

À l’avenir, ces zones devraient se transformer en clusters ou pôles de compétitivité, intégrant des stratégies dédiées à l’innovation, à la durabilité et à la croissance du secteur. Le Maroc, avec son riche patrimoine dans les industries du textile et du cuir, a l’opportunité de devenir un leader dans ces domaines, en préservant son savoir-faire tout en adoptant les technologies modernes. D’ailleurs la zone industrielle Casa City Shoes à Ahl Loghlam dans la région de Casablanca s’inscrit parfaitement dans cette démarche. Ce projet fruit d’un partenariat public-privé entre le ministère de l’Industrie, le Millenium Challenge Account et le Conseil Régional de Casablanca-Settat a été mis en place dans le cadre des écosystèmes industriels.

Propos recueillis par Rachid Mahmoudi

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