Substituer dans un premier temps l’importation locale de chauffe-eaux solaires, avant d’asseoir une part de marché respectable, tant dans le reste de l’Afrique qu’en Europe. C’est l’ambition du mythique ex-directeur de l’IRESEN reconverti en entrepreneur. Dans cet entretien, Badr IKKEN livre les raisons de ce saut entrepreneurial et les perspectives de développement de MYSOL CES, son entreprise.

 Aujourd’hui vous avez décidé d’aller sur le terrain de l’entreprenariat vert, qu’est-ce qui motive cette trajectoire ?

Je considère qu’il s’agit d’une évolution naturelle. J’ai une formation de génie industrielle dans les domaines de la production industrielle et des technologies d’énergie solaire et j’ai passé plusieurs années dans de grands centres de recherche appliquée à développer des solutions technologiques pour des fins de valorisation industrielle. J’ai eu également l’honneur de contribuer à la mise en place ces 11 dernières années d’écosystèmes de l’innovation au Maroc dans le secteur des énergies renouvelables (IRESEN), à travers notamment la mise en place de l’Institut de Recherche en Energies Solaire et Energies Nouvelles et plusieurs plateformes de recherche appliquée, développées conjointement avec l’Université Mohammed VI Polytechnique. L’objectif était de créer des liens forts entre les universités et le monde socio-économique : le Green Energy Park dédié aux technologies solaires, le Green & Smart Building Park dédié à l’écoconstruction, les réseaux intelligents et la mobilité électrique…

Il était, tout naturel, que je passe, à un moment ou l’autre, de l’autre coté en rejoignant le secteur privé et j’ai choisi de le faire à travers l’entrepreneuriat, afin de capitaliser sur mon expérience et mettre en place des industries innovantes dans le domaine des énergies renouvelables sur la base de l’expertise Marocaine. Cette dernière a fortement évolué ces dernières années dans ce secteur porteur et prometteur, et qui n’a besoin que d’un environnement propice pour s’épanouir et créer énormément de valeur ajoutée.

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Il faut toujours plusieurs facteurs pour prendre une décision aussi importante. La crise pandémique et la crise économique m’ont motivé à prendre cette décision en 2022 car j’ai ressenti le momentum, notamment la prise de conscience de l’importance du « made in Morocco » afin de garantir une souveraineté industrielle et énergétique, et la mise en place d’instruments d’accompagnement pour encourager l’investissement au Maroc dans les domaines prioritaires.

Je souhaite contribuer à cet essor et développer des filières industrielles renouvelables au Maroc. Nous avons le gisement ainsi que des orientations royales très claires et se rajoutent aujourd’hui un cadre incitatif et une expertise à mettre à profit, c’est vraiment le bon moment de s’engager.

Aujourd’hui le climat est une priorité de gouvernance, pensez-vous qu’au-delà des plans de transition énergétique, l’Etat doit aussi prendre en compte le rôle des entreprises dans ce chantier, en permettant des incitatives pour l’émergence d’opérateurs orientés climat ?

Le secteur privé Marocain est fortement sensible aujourd’hui aux critères ESG (environnementaux, sociaux et la gouvernance). L’organisation de la COP22 au Maroc a créé une véritable dynamique et depuis nous avons assisté à une prise de conscience. Aujourd’hui, et grâce à la baisse des coûts des énergies renouvelables, leur exploitation ne concerne plus que les enjeux climatiques mais représente une véritable opportunité de compétitivité énergétique pour nos entreprises. La taxation carbone aux frontières européennes motive aussi nos industriels à accélérer leur transition énergétique.

A mon humble avis, nous n’avons plus besoin aujourd’hui d’incitations financières pour encourager les opérateurs à s’engager pour le climat, mais plutôt d’une accélération de la mise en œuvre du cadre réglementaire (application rapide de la loi sur l’auto-production 82-21, décret d’application pour la moyenne tension de la 13-09, ouverture de la basse tension…)

La CGEM a mis en place une commission dédiée à l’économie verte qui contribue fortement à la sensibilisation des entreprises marocaines, mais accompagne également le secteur public dans l’élaboration de feuilles de routes et de textes règlementaires adéquats.

La réalisation des objectifs climatiques de notre pays, ainsi que le succès de la stratégie de transition énergétique nationale dépendront d’une forte implication du secteur privé dans la mise en œuvre. L’Etat doit créer l’environnement favorable afin de permettre un déploiement massif des énergies renouvelables (les grands projets mais également les installations décentralisées) et leur financement et réalisation par le secteur privé.

Lancement des travaux de l’usine de chauffe-eaux solaires

 Étant aujourd’hui sur le terrain, pourquoi avoir choisi le secteur du chauffe-eau ?

Concernant le premier projet d’usine de chauffe-eaux solaires, il s’agit d’une conviction personnelle après un incident regrettable il y’a deux ans. En Août 2021, une connaissance et toute sa famille a perdu la vie suite à une intoxication par une fuite de gaz de la bonbonne qui alimentait le chauffe-eau.

Cet accident tragique a été l’élément déclencheur du choix du premier projet. J’étais convaincu de la pertinence de substituer les chauffe-eaux électriques et à gaz par des chauffe-eaux solaires pour des raisons de protection de l’environnement, pour des raisons de souveraineté énergétique, auxquelles s’est rajouté un autre argument de taille : la sécurité.

Quels sont vos objectifs à moyen et long terme ?

Sur le moyen terme et après le démarrage de la production des chauffe-eaux solaires MYSOL CES et la construction de la deuxième unité industrielle pour la fabrication de cellules photovoltaïques MYSOL PV en 2024, il s’agira d’acquérir des parts de marché importantes au niveau national et international afin de pérenniser les projets actuels nous permettant ainsi, de devenir une des plus importantes entreprises industrielles dans le domaine du solaire en Afrique.

Sur le long terme, l’objectif de notre entreprise est de développer de futurs projets industriels contribuant à l’émergence de nouvelles filières, notamment dans les secteurs de la mobilité électrique, de l’hydrogène vert et des nouvelles technologies. Dans ce contexte, nous projetons également la création d’un fonds d’investissement dédié aux technologies vertes innovantes Africaines afin d’accompagner l’entreprenariat vert et consolider l’écosystème de l’innovation national. Le groupe OCP a donné l’exemple et j’espère que plusieurs entreprises Marocaines suivront la voie de l’engagement climatique, mais aussi de l’accompagnement de l’innovation verte au Maroc. Il est très important d’accompagner les chercheurs et des entrepreneurs à réaliser efficacement leurs projets et valoriser commercialement leurs innovations. C’est ce qui nous permettra de valoriser le marquage « Made in Morocco – GreenTECH ».

A l’aune de la zlecaf pensez-vous au marché africain ?

Oui clairement ! L’évolution de la zone de libre-échange nous permettra de déployer fortement nos produits en Afrique. Nous visons un positionnement national de substitution des chauffe-eaux solaires importés dans une 1ère phase. Ensuite nous prévoyons l’export vers l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe avec une montée en puissance de 40.000 à 90.000 unités de chauffe-eaux solaires par an.

En ce qui concerne les cellules et les modules photovoltaïques nous visons également les marchés Européen et Africain.

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