Dans le secteur de l’électricité, Mme Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du développement durable, a mis les points sur les i, réfutant toute flambée. Elle a profité de son passage à l’émission diffusée à la fin du mois de novembre 2021 par la chaine Medi1 TV et animée notre consœur Khadija Ihsane.

C’est sans fioritures que la ministre de la Transition énergétique et du développement durable Leila Benali a répondu aux questions « Comment alors améliorer le retour sur capital investi dans les ER ? », « Quid du reste du mix-énergétique ? »,  « Comment la tutelle compte riposter à terme à la fin des expéditions du gaz algérien vers l’Espagne par le tracé marocain ? », « Une fois la sécurité assurée, comment cette même tutelle compte relever le défi de la souveraineté énergétique ? », ou encore, « Comment va-t-elle défendre le texte de loi sur l’autoproduction face aux réserves de certains opérateurs ? »

Le constat : la demande nationale en énergie électrique augmente en moyenne de + de 5%/ an.  Et la consommation électrique a grimpé de 10%, à fin septembre, reprise oblige. La puissance installée au Maroc est de 10 627 MW dont plus de 37% provenant des ER (énergies renouvelables), un taux qui sera porté à 82% d’ici 2030. Une énergie durable, rentable, bon marché pour le consommateur et compétitive pour l’industriel.

Après lui avoir rappelé qu’elle hérite d’un certain nombre de dossiers chauds, depuis sa nomination le 7 octobre 2021, notre consœur l’interroge sur cette transition vers le Vert pour une experte du gaz et des hydrocarbures. De son avis, cette transition se fait de façon positive et très compétitive.

A un mois- l’émission a été diffusée le 26 novembre 2021- de l’arrêt d’approvisionnement du gaz algérien vers l’Europe, de l’expiration du contrat d’achats de redevances de gaz signé en 2003 et de celui signé en 2011, elle a partagé un certain nombre d’indicateurs-clés dans l’approvisionnement en électricité du pays. Ce gaz a été remplacé par des énergies fossiles liquides (charbon, gasoil et fioul) à hauteur de 50%, 20% par les ER, et 10% par l’importation ibérique. C’est arrivé avec une conjoncture plutôt favorable, au moment où la demande était en baisse. Aussi, il faut louer la politique volontariste de SM le Roi depuis 10 ans en faveur de l’efficacité énergétique qui a permis de gérer la demande en énergie et en électricité, a soutenu Mme Leila Benali. A cela s’ajoute la crise sanitaire en 2020 et 2021, marquée par une baisse de la demande en énergie électrique, précisera-t-elle.

Corréler les croissances

La vision stratégique de la tutelle a été, sur la dernière décennie, d’accompagner une demande annuelle qui augmente de 4% par an, maintenant, il s’agit d’aller en tandem avec le NMD (Nouveau modèle de développement) qui prévoit une croissance de 6%. A l’horizon 2035, il faudra que les parcs électrique et énergétique augmentent, en termes de capacité mais aussi de flexibilité. « Si nous voulons introduire de façon massive les ER pour dépasser les 52% avant 2030, il faudra aller plus en quantité et en flexibilité. Aujourd’hui, une cinquantaine de projets par une quarantaine d’entreprises partenaires, provenant de 13 pays est en cours. Par ailleurs, dans le pipeline, il y a une soixantaine d’autres. Outre accélérer la cadence, il s’agira d’asseoir la flexibilité du parc énergétique », a-t-elle confié.

En termes de rentabilité sur les ER, le Maroc, comparé à ses alter ego à ressources similaires dans le domaine, tels que le Chili en Amérique Latine, d’Afrique du Nord ou du Moyen Orient, capitalise sur une dizaine d’années d’avance en termes de mesures réglementaires. Pour doubler la cadence, il faudra optimiser tous les capitaux à la fois économique, naturel… afin que les projets soient réalisés dans des conditions adéquates (accès faciliter au foncier, mise à disposition des infrastructures…).

Les chantiers : gaz naturel et réformes du secteur électrique

Après le chantier du gaz naturel, le second chantier sera celui des réformes. Il faudra aller sur les coûts de transparence, de transport de distribution et autres de service, a annoncé   la ministre de la transition et du développement durable. Il est question de plus de 30 milliards de $ d’investissements dans les ER…

A la question de savoir « si face à la flambée des prix sur le gaz, sur l’électricité à l’international y-a-t-il un scénario à craindre pour le Maroc ? », elle répond que : « En septembre-octobre, il y a eu réellement un retour aux pressions inflationnistes avec 5,3% aux Etats Unis d’Amérique, 3,5% dans la zone Euro… une augmentation des prix pas uniquement due à la flambée des prix des matières premières. Sur les ressources essentielles à la transition énergétique, notamment les métaux et minerais, tels que lithium, cobalt, cuivre… il y a eu une inflation en 2021. L’AIE vient de rappeler que les coûts des modules solaires photovoltaïques, batteries de stockage ou pour véhicules électriques, pourraient s’élever de 15 à 20%… A cela s’ajoutent les goulots d’étranglement, le coût du fret. »

Très à l’aise, la ministre de tutelle est revenue sur la configuration du secteur. De son avis, le moment cyclique, connu en 2021, correspond à la 4ème baisse des investissements dans le secteur pétrole-gaz en 10 ans. « Aujourd’hui, nous vivons une consolidation du secteur, couplé à une concentration pétrole et gaz, mais également gaz vers les producteurs bas coûts-bas carbone.  Ce cycle va influer sur les dynamiques de marché », a-t-elle défendu.

A en croire cette experte énergétique, un second élément a trait à l’équilibre entre la sécurité d’approvisionnement (prix spot dans un marché liquide) ou la stabilité des prix du gaz. Elle assure que c’est une stratégie d’approvisionnement qu’il va falloir gérer (indexer au marché du pétrole, plutôt que sur le marché européen). « En tant que tutelle sur la transition énergétique, d’abord nous devrons préparer nos infrastructures gazières, électriques, pour être prêts en 2023, puis travailler nos stratégies d’approvisionnement pas uniquement pour l’électricité et l’industrie, mais aussi pour le transport dans la mesure où le transport maritime ne peut se décarboner sans passer par le GNL. », a-t-elle indiqué.

Une vision stratégique, en paravent

Relativement à une éventuelle flambée des prix au Maroc, vu que le mix-énergétique a été assez bien mis en place ; il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure. C’est du moins ce qui ressort des indications de Mme la ministre Benali. Elle poursuit soutenant que sur le transport, les prix ont déjà été dérégulés, l’hypothèse d’un baril entre 60 et 80 $, pour le pays importateur qu’est le Maroc, serait confortable pour les consommateurs, tandis que pour le gaz naturel, une vision stratégique gazière qui se tient ferait l’affaire. Quant au Renouvelable, la stratégie marocaine dispose de tous les ingrédients pour être compétitive sur l’électricité, ajoutera-t-elle.

Pour elle, les inquiétudes des industriels et consommateurs devraient être tempérées, compte tenu du fait que le Maroc dispose d’une marge de réserve de plus ou moins 20% sur le mix-énergétique et la demande est encore faible- la pandémie est toujours là. Ce qui est important est de rester flexible, note la ministre de tutelle.

Faire du 31 octobre 2021, la date de l’indépendance gazière

Quant à ceux qui s’inquiètent de la rupture du contrat d’approvisionnement du gaz algérien, Mme Leila Benali a rappelé l’épisode de la rupture de l’Arab Gas Pipeline, entre la Jordanie et l’Egypte, pendant le Printemps arabe. Les stakeholders s’étaient alors mis d’accord à mettre en place en moins de 18 mois une centrale de regazéification et de flottage, en moins de 12 mois un plan d’action accéléré de déploiement d’ER, en moins de 12 mois une totale refonte de l’architecture l’institutionnelle énergétique jordanien… une démarche qui aboutira au premier contrat de gaz avec le voisin israélien. « Le 31 octobre 2021 a été une date fondamentale pour l’indépendance gazière du Maroc. Je ne pense pas qu’il soit judicieux de rater ce rendez-vous. » La vision de l’indépendance gazière du Maroc repose sur 3 épisodes : optimiser les infrastructures gazières existantes dans le bassin maghrébin, avoir au moins un port d’entrée de GNL, voire une stratégie d’approvisionnement qui repose sur 2 à 4 ports, en un mot avoir un portefeuille gazier. Il ne faut pas perdre de vue que le Maroc produit déjà du gaz, rappelle-t-elle.

Concernant le projet de loi sur l’Autoproduction d’électricité, Mme Leila Benali a précisé que la réforme du système électrique est la seconde priorité en ce début de mandat. « Il est question de simplifier les choses et attirer un maximum d’investisseurs. Le dilemme est qu’il faut libérer les énergies en dimensionnant la consommation tout en garantissant la stabilité du réseau électrique, d’où la contrainte de 10%, pour commencer. Il y a eu des concertations avec tous les acteurs. C’est un bon point de départ sur lequel porteront des discussions ultérieures. Il est essentiel dans que les auto-producteurs dimensionnent leurs centrales pour pouvoir gérer leurs propres besoins. »… autant d’indications qu’elle a tenues.

Garantir la flexibilité et à la stabilité du réseau

D’autres précisions sur le Power Purchase Agreement (PPA), le Bouquet énergétique optimal… ont été apportées au cours de cet entretien. Ainsi, elle soulignera que le PPA est réglementé au Maroc, mentionnant que c’est un contrat d’achat d’électricité qui remonte à l’esprit de la réforme des années 90. Elle croit que le modèle de l’acheteur unique est finalement celui qui marche le mieux dans la région, un modèle qui permet de garantir la stabilité du réseau. « Si on veut dépasser les 52% en 2030, il faudra faire attention à garantir la flexibilité et à la stabilité du réseau. »

Pour elle, le bouquet énergétique optimal pour le Maroc doit être flexible, il faut qu’il garantisse la sécurité énergétique et qu’il soit enfin et financièrement et économiquement viable et durable. En conclusion, elle a rappelé que durant les 20 dernières années, plusieurs technologies ont été testées, plusieurs parcs ont été construits, il y a eu de la diversification, révélant que sur la génération à transmission- distribution, il y a eu la réalisation des infrastructures adéquates pour garantir cette diversification du mix-énergétique. La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable a finalement demandé quelques mois encore pour produire entièreté de la réforme sur la partie électricité.

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