IDM : Comment se positionne le Maroc sur la carte mondiale de l’industrie aéronautique ?
HBE: Notre secteur aéronautique a connu une émergence rapide.
Il y a moins de 10 ans, nous disposions de moins de 10 sociétés.
La donne a beaucoup changé depuis. Nous comptons actuellement près de 100 entreprises.
Il y a même des acteurs mondiaux majeurs de cette industrie qui ont fait confiance à la destination Maroc.
À titre d’exemple, le groupe Safran qui est présent dans le Royaume via 8 filiales.
Sans parler des deux constructeurs Boeing ou encore Airbus.
Et tout récemment Bombardier. Des PME de référence mondiale se sont également installées dans notre pays. Parmi lesquelles, nous pouvons citer : Zodiac ou encore Ratier Figeac.
Toutes ces entreprises ont choisi le Maroc afin de gagner en compétitivité, puisque le Royaume est devenu la base la plus compétitive à la porte de l’Europe.
Nous faisons mieux que les pays de l’Europe de l’Est.
Le Maroc ressemble actuellement au Mexique par rapport aux États-Unis.
IDM : Et le futur s’annonce prometteur…
HBE : Absolument.
Le contexte mondial est favorable. Le trafic aérien va multiplier par quatre dans les 20 prochaines années.
3.500 avions sont à construire sur le même horizon. C’est remarquable.
Le carnet de commandes est plein.
IDM : Quel impact sur le Maroc?
HBE : Désormais, nous pouvons aller plus vite, plus loin et plus haut.
IDM : Concrètement…
HBE : Nous sommes prêts et nous avons les moyens pour réussir haut la main ce nouveau pari. Notre offre quantitative et qualitative destinée aux acteurs de ce secteur en dit long sur nos capacités.
Midparc de Nouacer qui est une plateforme industrielle intégrée offshore donnera un nouveau souffle à cette industrie émergente au Maroc.
C’est une plateforme qui répond aux critères les plus exigeants.
S’étalant sur 120 hectares, il peut accueillir de 200 à 300 entreprises et environ 10.000 emplois.
D’ailleurs, cette nouvelle zone facilite l’installation rapide des PME du secteur, qui représente, pour information, 75% du tissu de l’industrie aéronautique de par le monde.
Elle est aussi très bénéfique pour les grands groupes qui auront la possibilité d’avoir autour d’eux un certain nombre de sous-traitants.
Cette zone, inaugurée en septembre 2013, connait déjà l’installation en cours d’une bonne dizaine d’entreprises.
Et c’est dans cette zone que nous avons installé notre institution de formation (Institut marocain de l’aéronautique) qui met à la disposition des industriels les compétences et les talents nécessaires pour le fonctionnement de leurs entreprises.
Sans oublier les autres atouts offerts par l’offre aéronautique marocaine, touchant, entre autres, les domaines juridique, fiscal ou encore financier.
Conséquence, nous disposons de tout ce qu’il faut pour ouvrir de nouveaux marchés, attirer de nouveaux métiers et groupes de référence.
IDM : Quels sont les principaux indicateurs de l’industrie aéronautique marocaine ?
HBE : Au Maroc, le chiffre d’affaires du secteur progresse de 15 à 17% chaque année.
Il a atteint, à l’export, un milliard de dollars, soit une contribution de 4,5% dans les exportations marocaines.
C’est un pas de géant comparativement à notre part insignifiante il y a quelques années.
L’industrie aéronautique marocaine emploie 11.000 jeunes, dont 50% des femmes.
L’âge moyen est de 30 ans.
Mais, comme partout dans le monde, le secteur aéronautique reste plus petit que celui de l’automobile.
Nous ne pouvons également jamais créer plus d’emplois que le textile.
Il ne faut pas oublier, bien évidemment, que nous sommes un secteur d’excellence à forte valeur ajoutée qui fait beaucoup appel à la recherche et développement et à l’ingénierie.
D’ailleurs, l’aéronautique féconde d’autres industries technologies, tels que l’électronique embarquée, la sécurité, la défense et les matériaux composites.
Le secteur aéronautique est une remarquable vitrine pour notre pays.
IDM : Notre secteur aéronautique a-t-il atteint la phase de maturité ?
HBE : Le secteur est actuellement dans sa deuxième phase de développement.
Une phase qui se caractérise par l’ouverture de nouveaux marchés, à savoir le Canada, les États-Unis et le Royaume-Unis.
Elle se caractérise aussi par l’arrivée de nouvelles technologies au Maroc qui se manifeste par l’installation du géant du management de l’énergie Eaton.
Une autre caractéristique, et pas des moindres, réside dans la montée en gamme et en valeur de cette nouvelle industrie marocaine.
Notre secteur participe fortement à l’accélération industrielle à travers la création d’un éco-système vertueux.
C’est bien clair que plusieurs groupes qui ont choisi la destination Maroc attirent de plus en plus leurs filiales à leur emboîter le pas pour plus d’intégration et de création de valeurs.
IDM : Que voulez-vous dire par la montée en gamme du secteur ?
HBE : C’est essentiellement tout ce qui se rapporte à l’avènement de métiers à forte valeur ajoutée, comme ceux de la recherche et développement.
D’ailleurs, le groupe Safran a signé en juin dernier un accord avec le gouvernement marocain et l’Académie Hassan II des sciences et techniques.
Un accord qui porte sur le cofinancement de programmes de recherche, impliquant les universités marocaines. Et ce n’est que le début.
D’autres accords s’inscrivant dans ce cadre pourront certainement voir le jour prochainement.
Par ailleurs, le Maroc est considéré par plusieurs opérateurs aéronautiques américains et européens comme une base plus compétitive notamment pour des produits à forte valeur ajoutée.
À noter également que le modèle de développement de l’industrie aéronautique marocaine ne se base pas sur la délocalisation, mais plutôt sur la colocalisation et les centres d’excellence.
Force est de constater que la croissance de ce secteur s’accélère.
IDM : Que faites-vous pour répondre aux besoins des industriels en termes de compétences ?
HBE : L’Institut marocain de l’aéronautique va doubler sa capacité durant l’année universitaire 2015/2016. Nous passerons ainsi de 650 à 1.200 stagiaires.
Toutes les filières de formation seront concernées.
D’autres seront ajoutées.
De cette façon, nous serons en mesure de répondre aux besoins des PME en mettant à leur disposition les techniciens et les opérateurs nécessaires.
IDM : Pour quand une formation d’ingénieurs ?
HBE: Nous préférons nous concentrer sur la formation des techniciens et opérateurs. Pour les ingénieurs, nous remarquons que plusieurs établissements d’enseignement supérieur ont commencé à s’intéresser à la filière aéronautique.
Et c’est dans ce cadre que nous renforçons en permanence nos partenariats avec des universités et écoles d’ingénieurs en mesure de doter le secteur des ingénieurs qualifiés et nécessaires.
IDM : Certes, vous vous retroussez les manches pour attirer des entreprises mondiales à s’installer au Maroc.
Mais que faites-vous pour impliquer les industriels marocains dans ce nouveau métier mondial du Maroc ?
HBE : Ça va certainement arriver.
Des discussions sont déjà entamées pour impliquer des industriels marocains, comme ceux de la métallurgie à tirer profit de ce marché porteur de l’aéronautique.
D’autant plus qu’il existe des donneurs d’ordre internationaux qui sont à la recherche de sous-traitant locaux.
Ils sont même disposés à les accompagner pour s’ouvrir sur ce nouveau métier.
La GIMAS est également prête à leur prêter main-forte pour réussir dans cette mission.
En attendant, nous remarquons que plusieurs jeunes marocains ont créé des startups aéronautiques après plusieurs années d’expériences dans des entreprises de l’aéronautique.
Ils sont actifs notamment dans le domaine du conseil, de l’ingénierie, du lean management, de l’outillage, etc.
Des startups que GIMAS ne manque pas d’accompagner.
Pour rappel, notre ambition à GIMAS est de créer un CAP, Casablanca aéro-pôle.
Un objectif qui est à la portée.
C’est le cas également de notre objectif de porter le nombre d’emplois à 20.000 d’ici 2020.