Organisé par l’association pour l’accès au traitement ITPC MENA et la Fédération Marocaine de l’Industrie et de l’Innovation Pharmaceutiques (FMIIP), le 2ème Colloque national sur la propriété intellectuelle et accès aux médicaments a tenu toutes ses promesses en abordant les enjeux actuels du cadre légal des brevets sur les médicaments et leur impact sur la souveraineté sanitaire du Royaume et ce au lendemain de la pandémie du COVID-19.
L’événement a réuni les principaux acteurs du domaine, notamment les représentants du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale, du Ministère de l’Industrie et du Commerce, les représentants de l’Industrie pharmaceutique nationale ainsi que la société civile. Le colloque a également connu la participation du “South Centre” (Organisation intergouvernementale spécialisée sur la question de la Propriété intellectuelle) et de son Directeur exécutif le Pr Carlos Correa, célèbre pour avoir accompagné de nombreux pays dans la révision de leur cadre légal sur la propriété intellectuelle, pour permettre un accès plus équitable aux médicaments.
Le colloque a également été marqué par la présence de Dr. Aziz Mrabti, Directeur de la Direction du Médicament et de la Pharmacie, qui n’a pas manqué de rappeler l’engagement du Ministère de la Santé et de la Protection Sociale face à cette question: “La récente crise liée à la COVID-19 a relancé le débat sur la protection de la propriété intellectuelle et la santé publique, et a soulevé une fois de plus des questions relatives à l’intersection entre la politique de santé publique, la politique commerciale ainsi que le cadre et la gestion de l’innovation, y compris pour ce qui est des Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)”.
Au terme de deux journées de débats constructifs, le colloque a abouti à des consensus importants et à des recommandations clés, visant à assurer la souveraineté sanitaire du Maroc en améliorant l’accès aux médicaments et aux produits de santé de manière abordable et équitable, tout en soutenant l’industrie pharmaceutique nationale.
Tout en reconnaissant l’importance de la propriété intellectuelle pour stimuler l’innovation et le développement de nouveaux médicaments, les parties prenantes ont identifié l’abus du système des brevets par certaines multinationales pharmaceutiques et la non utilisation des flexibilités de santé publique prévues dans le système comme des obstacles majeurs qui entravent l’accès aux médicaments et plus généralement la concrétisation de la souveraineté sanitaire. Les participants ont formulé les recommandations suivantes :
– Sensibilisation de l’ensemble des parties prenantes sur les flexibilités déjà prévues dans la législation marocaine en matière de propriété intellectuelle, et qui n’ont encore jamais été utilisées au Maroc à ce jour malgré les difficultés à accéder à de nombreux médicaments à un prix abordable.
– Organisation par l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) des ateliers de sensibilisation sur les services de recherche sur l’état des brevets et autres services disponibles, permettant ainsi renforcer les connaissances et d’accéder plus facilement à l’information concernant les brevets délivrés, en mettant l’accent sur ceux accordés depuis 2009.
– Élaboration d’une étude approfondie sur les pratiques d’« Evergreening 1*», afin d’identifier les brevets accordés avant la mise en place du système d’examen en 2014 et qui ne respectent pas les critères fondamentaux de brevetabilité. Les brevets abusifs, une fois identifiés, devront ensuite faire l’objet d’une invalidation pour favoriser l’accès aux médicaments.
– Amendement de l’Article 4 du décret relatif à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des médicaments qui interdit tout enregistrement de génériques pour une durée de 5 ans après délivrance d’une AMM à un produit princeps. Cet article va plus loin que l’exclusivité des données imposée par l’Accord de libre-échange avec les Etats-Unis qui devra par ailleurs être mitigée tel que cela a été fait dans d’autres pays.
– Reconsidération de l’accord de libre-échange conclu avec les États-Unis en s’appuyant sur la correspondance échangée entre les négociateurs de l’époque, qui reconnaît que ledit accord ne devrait point empêcher le Maroc de prendre des mesures nécessaires pour protéger la santé publique.
– Nécessité d’une révision de la législation sur la propriété intellectuelle et industrielle qui pour rappel a été rédigée dans un contexte international et national complexe caractérisé par un lobbying intense de certaines multinationales pharmaceutiques privilégiant essentiellement les droits de ces dernières, privilégiant l’import et pénalisant la production nationale.
– Multisectorialisation de la coopération : Il est crucial de reconnaître la nature multisectorielle de cette problématique et de favoriser une action concertée entre les organismes de réglementation, l’industrie pharmaceutique, la société civile ainsi que les experts en propriété intellectuelle et en santé publique. L’harmonisation des politiques sanitaires, sociales, commerciales et industrielles est primordiale.
Ces recommandations, formulées lors du 2ème Colloque national sur la propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments, témoignent de l’engagement de la FMIIP, d’ITPC MENA et des parties prenantes présentes lors de cette rencontre en faveur de la promotion d’un accès équitable aux médicaments tout en renforçant l’industrie pharmaceutique nationale. Elles seront transmises aux autorités compétentes en vue de leur mise en oeuvre effective. Les parties prenantes ayant participé à ce colloque ont quant à elles exprimé leur volonté de continuer à travailler ensemble pour concrétiser ces recommandations et relever les défis actuels entravant l’accès aux médicaments.