Secteur important, l’industrie de transformation et de valorisation des produits de la pêche s’est inscrite depuis longtemps dans un vaste processus de modernisation pour répondre aux exigences du marché international. Néanmoins les professionnels appellent à monter en gamme et à plus haute valeur ajoutée, notamment à base de poissons pélagiques (+ 80% de la ressource nationale). Ces dernières années, nombreux sont les opérateurs présents sur le marché local. Entretien avec Hassan Sentissi El Idrissi, President de la Fenip.

 

La Fédération des Industries de Transformation et de Valorisation des Produits de la Pêche (FENIP) regroupe sept branches d’activités. Peut-on avoir une idée sur les tonnages et les différentes filières, au cours des trois dernières années ?

 

Le secteur de la transformation des produits de la pêche revêt une grande importance parmi les activités économiques du pays en raison du potentiel considérable qu’il recèle en matière d’investissements, d’emplois, de créations de valeur ajoutée et d’exportations.

L’industrie de transformation et de valorisation des produits de la pêche s’est inscrite depuis plusieurs décennies déjà dans un vaste processus de modernisation et de mise à niveau pour répondre aux exigences du marché international. Les tonnages des principaux produits exportés au cours des trois dernières années se présente comme suit :

Filières 2019 2020 2021 Total
POIS. CRUSTACE & MOLL. CONGELE 349 011,65 379 718,8 426 088,5 1 154 818,97
CONS. DE POISSON 175 964,00 185 386,5 156 199,1 517 549,60
FARINE DE POISSON 152 171,16 155 997,1 116 823,3 424 991,59
HUILE DE POISSON 36 367,91 45 798,3 27 733,2 109 899,45
SEMI-CONS. DE POISSON 16 124,00 20 708,3 23 957,4 60 789,74
POIS. CRUSTACE & MOLL. FRAIS 14 228,29 15 997,0 18 759,3 48 984,58
POIS. MOLL. SECHES SALES/POIS. FUMES 11 758,05 6 840,2 5 640,0 24 238,19
ALGUES 3 490,56 2 519,9 2 486,3 8 496,80
TOTAL

Toutes les branches de la FENIP sont-elles essentiellement orientées export ?

S’agissant du marché local, le changement des habitudes de consommation qui s’oriente de plus en plus vers des produits transformés a contribué à l’augmentation de la consommation locale des produits de la mer transformés. Ces dernières années de nombreux opérateurs augmentent leur présence sur le marché local.

Le Maroc constitue aujourd’hui une plate-forme régionale incontournable de valorisation et d’exportation de produits de la pêche. Quelles sont les actions menées au sein de votre secteur pour accroître la consommation locale ?

Les professionnels du secteur répondent à la demande croissante des consommateurs marocains en produits transformés. Nos produits sont disponibles dans les points de vente au niveau de la grande distribution et des détaillants que ce soit les conserves de poissons, les marinades et semi-conserves d’anchois dans les rayons gourmet ou encore les produits surgelés et plats cuisinés ainsi que les produits aquacoles qui gagnent de la notoriété à l’échelle nationale et répondent de plus en plus aux besoins des ménages.

Selon les données EUROMONITORS de l’année 2020, la consommation des produits de la mer transformés a connu une augmentation soutenue durant les dernières années et présente un potentiel de croissance intéressant pour les années à venir. De ce fait les opérateurs investissent de plus en plus dans l’innovation afin d’élargir la gamme de produits disponibles sur le marché local et de mieux répondre aux attentes des consommateurs.

Cela dit il y a lieu de doter le secteur de la transformation et de la valorisation des produits de la pêche des capacités nécessaires, afin de monter en gamme et de produire localement des produits à plus haute valeur ajoutée notamment à base de poissons pélagiques qui constitue plus de 80% de notre ressource nationale et de mener les actions de promotion nécessaires pour promouvoir la consommation des produits transformés à base de poisson pélagiques et surtout à base de sardines. Dans ce sens la FENIP n’a cessé d’appeler le Ministère de Tutelle pour doter le secteur de son contrat programme et faire profiter les industriels du secteur d’incitations et d’appui au même titre que le secteur agricole.

D’ailleurs les importations marocaines des produits de la mer ont connu une forte croissance durant les dernières années pour atteindre 20 000 T Il serait regrettable que les producteurs nationaux laissent ce marché aux produits importés alors que le potentiel est réel et que surtout la commercialisation nationale permettrait de conserver la valeur ajoutée au Maroc.

Certains opérateurs ont des projets de développement de commercialisation de poissons surgelés, de poisson frais élaborés en barquettes, de pâtés de sardine ou encore de produits innovants pour répondre aux besoins croissant de la population. Le soutien des pouvoirs publics à ce type d’initiative serait indispensable pour le développement d’une filière nationale performante.

L’aquaculture et la pisciculture sont-elles orientées vers la satisfaction du marché local ?

L’aquaculture est aussi appelée à répondre au développement de la demande locale en produit de la mer et reste jusqu’à présent très peu développée. Un important effort de production, d’organisation des circuits de distribution, de communication et de marketing devrait être consenti pour faire connaître les produits aquacoles au grand public.

Aujourd’hui presque 100% de la production aquacole marocaine est commercialisée sur le marché local national. Elle répond aux normes de qualité internationale et présente une alternative avantageuse au consommateur marocain.

De plus l’activité ambitionne, de se développer à l’international, mais se heurte à des contraintes qui l’entravent, notamment en ce qui concerne le coût et le volume de production. La non production au Maroc à ce jour des intrants de l’activité (Ndlr : aliment, alevin, naissains) limite le développement à l’export face à des concurrents étrangers qui bénéficient de programmes d’aides et de soutiens que le Maroc doit mettre en place.

Le secteur a-t-il été résilient pendant la pandémie à Covid-19 ?

Les premiers mois de la pandémie ont été difficiles en raison de l’incertitude. L’objectif était d’arrêter la propagation de la pandémie, nous devions donc nous assurer que les entreprises appliquent les réglementations sanitaires mises en place par le gouvernement. Ensuite, nous avons cherché à nous assurer qu’il n’y avait pas de problèmes de production, car la poursuite de la production était un moyen de maintenir l’emploi et les exportations, et les entreprises faisaient de leur mieux pour être productives. Les entreprises du secteur ont fait preuve d’une haute réactivité et se sont engagées consciencieusement dans l’implémentation des mesures sanitaires. De nombreux pêcheurs vivaient loin des régions de pêche, nous avons donc dû travailler avec le gouvernement pour effectuer les dépistages COVID19 dans des délais record afin que ces derniers puissent regagner les bateaux de pêche.

Comme pour la plupart des secteurs économiques, la pandémie n’a pas manqué d’avoir des retombées négatives sur le secteur notamment en raison de la perturbation des chaines logistiques combinée à l’augmentation des prix des matières premières auxquelles s’est ajoutée une baisse des captures de sardines en 2021 ; espèce qui se place en première position de nos exportations en quantité. Les mesures d’appui aux entreprises lancée par Sa Majesté le Roi que Dieu le préserve ont grandement aidé le tissu industriel dans la continuité de son activité

S’agissant du secteur aquacole, l’offre et la demande en produits aquacoles ont été sérieusement impactés en 2020 vu la fermeture ou la réduction de l’activité des points de vente essentiels (Restaurants, hôtels, marchés…), mais, d’autres points de vente de proximité des ménages ont été rapidement développés, tels que les poissonneries, ce qui a contribué à écouler la production. Le grand impact est surtout lié à la trésorerie et aux délais de paiement qui se sont multipliés. D’autre part, cette pandémie a surtout tué la visibilité, les plans de production sont alors perturbés étant donné que la spécificité de cette activité est essentiellement liée à son long cycle de production. Les poissons qui seront vendus dans 18 mois, sont mis à l’eau aujourd’hui. Pandémie ou non, l’aquaculteur est dans l’obligation de vendre son produit sinon il doit le nourrir et le laisser en vie. Confinement ou non, il doit garder ses emplois pour suivre les cycles en cours d’élevage. En l’absence de visibilité mondiale, il doit avoir la sienne et décider sur le démarrage de ses prochains cycles. De ce fait, le secteur était obligé d’être résilient.

La pêche connaît des moments de repos biologiques. Une telle mesure, pour préserver la ressource, porte-t-elle préjudice à votre activité ?

Les mesures de repos biologiques sont bénéfiques pour le secteur et permettent de soutenir la durabilité de la ressource pour les générations futures. Ceci étant dit, il est important de disposer des informations nécessaires sur l’état de la ressource, afin de permettre aux opérateurs du secteur d’avoir une meilleure visibilité sur leurs investissements et leur développement. L’Institut National de Recherche Halieutique a réalisé d’énormes avancées en termes de surveillance du milieu marin qui ne manqueront pas d’avoir des retombées positives sur le secteur.

Pour réaliser des résultats probants en termes de protection de la ressource, nous sommes appelés à renforcer les initiatives visant à protéger le milieu marin. Le Maroc a dévoilé à l’occasion de la COP 22 l’initiative CEINTURE BLEUE, qui se trace parmi ses objectifs, la protection de la destruction des écosystèmes marins. Un programme de concertation avec la profession concernant cette initiative permettra de réaliser des avancées notables à travers l’implication et l’engagement des professionnels du secteur de la pêche. D’autres mesures telles que l’interdiction des rejets en mer et de la pêche juvénile s’avèrent nécessaires. De grand efforts sont déployés par le Département de la pêche Maritime et l’INRH en collaboration avec les parties prenantes concernées. Cependant il y a lieu de renforcer les mesures de contrôle et de sensibiliser les acteurs, afin d’éradiquer totalement de telles pratiques.

Conscients des enjeux de la durabilité et de ses conséquences pour la protection des ressources marocaines, les acteurs du secteur halieutique au Maroc ont porté plusieurs initiatives en faveur de la durabilité.

La FENIP travaille actuellement en collaboration avec ses partenaires nationaux et étrangers sur la mise en place d’un dispositif de sensibilisation et de formation au profit des entreprises du secteur.

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