Adil Rais AZIT

AVIS D’EXPERT- L’ancien président de l’Association de la zone industrielle de Tanger (AZIT), Adil Rais, actuel Président de la CGEM-Nord, témoigne de l’expérience réussie de sa région.  En revenant sur l’histoire de la création des anciennes zones industrielles (ZI) et leur importance pour l’économie nationale, il appelle à réfléchir pour trouver une issue à leur mauvaise gestion.

Nées principalement dans les années 70 dans la politique de zoning lancée par le gouvernement de l’époque, qui avait 4 zones différentes dans lesquelles il y a eu la création de 73 zones industrielles ,ces zones ont été réparties sur tout le territoire national et sur la région de Tanger Tétouan El Hoceima. Il y a 8 zones industrielles de l’ancienne époque. Or ces zones sont souvent oubliées et n’appartiennent à aucune société qui les a aménagées. Elles ont été aménagées par le ministère de l’Equipement et devraient être aujourd’hui entretenues par les communes. A l’instar de Sidi Bernoussi à Casablanca, elles intègrent la plupart des industries qui travaillent pour le marché national et sont aujourd’hui dans un état souvent calamiteux : routes défoncées, assainissement défaillant, problèmes de ramassage des déchets, de transport… tout cela parce qu’il n’y a pas de structures de gestion propres à ces zones industrielles. C’est un cadre à créer, mais il faut dire qu’il l’a déjà été dans le sens où nous avons créé un modèle qui est le nôtre : celui de l’Association de la Zone industrielle de Tanger, l’AZIT, dont j’étais président jusqu’à la semaine passée.

Une association en copropriété

Suite à de multiples inondations, nous avons créé l’AZIT en 1990. Nous avons eu de la chance, car l’Etat avait eu du retard par rapport à la délivrance des titres. Donc nous avons pu inscrire l’obligation d’adhérer à l’association dans les titres des sociétés en 1990, avec l’aide d’un conservateur général courageux qui a été avec nous jusqu’au bout. Tout de suite après, nous avons créé l’association AZIT sous forme de copropriété, comme pour les immeubles, et ce, pour remplacer la commune qui était et qui reste toujours défaillante.

Nous avons un budget qui est calculé sur la surface occupée et heureusement pour nous, ce qui n’est pas le cas de toutes associations, les sociétés qui sont sur la zone de Tanger sont obligées de payer parce que c’est la copropriété. Du coup, nous avons un budget important et nous faisons tout nous-mêmes. Nous avons des engins, des camions, nous faisons l’entretien, le ramassage des déchets, la formation… Nous avons mutualisé l’achat des combustibles, des palettes… C’est une forme de cogestion, et c’est une force que la gestion déléguée n’a pas.

Un modèle qui pourrait être dupliqué

Notre association est le seul cas qui existe au Maroc et il a été soulevé de nombreuses fois par la Banque mondiale. C’est un modèle qui pourrait être aujourd’hui dupliqué, mais il faudrait trouver l’astuce juridique, sur les zones industrielles de cette époque, parmi lesquelles Berrechid, pour l’implémenter. Certes, la plupart de ces zones ont besoin de réhabilitation, mais il faut également entretenir. Mais par qui ? Si nous laissons ce rôle aux communes, nous aurons les mêmes problèmes plus tard.

Un projet de loi avec l’USAID

A l’époque, nous avions travaillé avec l’USAID sur un projet de loi pour dupliquer ce modèle mais aussi pour récupérer une partie de la taxe de délité. Par exemple à l’AZIT, nous payons la taxe à la commune alors que nous faisons tout le travail. Et quand nous avons voulu la récupérer, le Secrétaire général du gouvernement à l’époque a refusé répondant qu’il ne pouvait pas autoriser cela parce que les taxes ne peuvent être restituées. Donc, je pense qu’il faudrait faire l’effort de réfléchir à cette organisation nouvelle et de doter ces associations d’un statut légal qui leur permette d’exister de façon forte avec un budget, des moyens, mais aussi trouver l’astuce avec le ministère de l’Industrie pour que cette restitution constitue des moyens complémentaires pour faire l’entretien et que ces associations puissent faire le travail à l’image des sociétés privées comme Medz et TMSA. Le cadre existe, ce que nous voulons c’est qu’il n’y ait pas deux Maroc : un Maroc Medz. et un Maroc qui manquent de tout, d’infrastructures et qui sont même occupées dans certains cas par des habitats clandestins comme à Bernoussi.

Des défaillances ou des lacunes juridiques empêchent la valorisation 

Et sur ces ZI on a parlé de valorisation, moins de 50%. Pas sur notre zone, l’AZIT, mais sur d’autres, il y a énormément de terrains disponibles et sur Tanger par exemple des industriels cherchent du terrain disponible. Il est là mais il n’a pas été récupéré.

Le concept d’obligation de valorisation existait dans les cahiers des charges de 1972-73 et il y avait un délai de 2 ans pour valoriser le terrain sinon il devrait être récupéré par la commune, mais cela n’a pas été fait. Dans aucune zone industrielle. Nous avons lancé la démarche sur la zone de l’AZIT sur 7 terrains que nous voulions récupérer mais le wali a trouvé énormément de difficultés pour le faire. Il y a donc aujourd’hui des dizaines de millions de dirhams disponibles pour investir dans la zone, des sociétés qui cherchaient à étendre leur activité sur la zone, le terrain et là, mais nous ne pouvons pas le récupérer parce qu’il y a un certain nombre de défaillances ou de lacunes juridiques. Donc beaucoup de zones industrielles pourraient être mieux occupées comme celles de Larache ou Kser Kebir ou Tétouan où les zones sont ne sont occupées qu’à 20 ou 30% pour des raisons multiples. Aujourd’hui il faudrait une vraie réflexion et une détermination réelle pour trouver une issue afin de créer une structure pour gérer, réhabiliter et réorienter ces zones.

Faut-il laisser aux communes la prérogative de gestion de ces zones ?

Nous avons construit une caserne de pompiers, un poste de police, une infirmerie, et nous sommes en train de doter la zone de caméras de surveillance, et de construire des restaurants à l’extérieur pour les ouvriers. Nous avons financé plus de 15 millions de dirhams, tout en payant les taxes à l’Etat et en payant les taxes à la commune. Aujourd’hui, la question à se poser est de savoir s’il faut laisser aux communes la prérogative de gestion de ces zones. Nous ne pouvons plus continuer de commettre ces erreurs. Les communes sont occupées par la gestion de la ville, leur programme politique… les zones industrielles sont autre chose, c’est un domaine complexe et nous voyons sur Tanger Tétouan… que les communes ne sont pas capables, n’ont pas les moyens. Il faut maintenant que l’Etat prenne une décision pour faire respecter les cahiers de charges de ces anciennes zones qui existent.

Dans la zone de l’AZIT, nous avons une valorisation de 95% et nous manquons de terrains. Or parmi les terrains qui sont revendus, la commune autorise une station-service, une station de contrôle de voitures, des commerces, une salle de sport et l’industriel est à côté à chercher un terrain pour l’extension de son activité.

Aujourd’hui, ce qu’il faut faire c’est de dire que les communes n’ont pas la capacité ni les moyens ou les ressources, ou pour des raisons politiques ou autres, et doivent être dégagées de ces zones. Travaillons avec les provinces, les walis, les ministères… à une façon différente d’avoir une autorité de tutelle.

Mais avant tout, il faut que ces zones industrielles soient dotées d’associations avec un caractère qui leur permette de gérer et de continuer à gérer leur zone. Ne négligeons pas ces zones industrielles, car sur notre ville, par exemple, la zone qui participe le plus à l’effort fiscal, qui paie le plus d’impôts, ce n’est pas Tanger Free Zone, c’est la nôtre, c’est nous qui payons l’IS. La continuité de ces zones est donc essentielle même pour l’équilibre fiscal du pays.

Rien n’est perdu, nous avons la possibilité de concilier l’ancien et le nouveau. Une bonne expérience a été tirée de ce qui a été fait récemment, et le ministère aujourd’hui a une volonté extraordinaire d’accompagner les anciennes zones industrielles, aidé des bonnes pratiques qu’il faudrait voir généraliser et qu’il faudrait échanger avec les acteurs privés et les associations pour que l’expérience soit générale et qu’elle soit intéressante. Pour cela, je suis très confiant mais pour moi réfléchir à la problématique de la commune qui gère les zones est une clé du problème.

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