L’agriculture marocaine, l’un des piliers de l’économie comme dans la plupart des pays du continent, est menacée d’un manque d’eau crucial. Et pourtant, cette force directrice participant au développement de la croissance économique ne peut se passer de l’eau, dont son utilisation est estimée à plus de 87% par an.

Situé dans une zone géographique où les ressources hydriques se font de plus en plus rares, le Maroc figure parmi les pays les plus menacés par une pénurie d’eau. Selon le dernier rapport sur l’état du stress hydrique global, la World Resources Institute (WRI) a classé le Maroc au 22e rang des pays les plus exposés aux risques d’insécurité hydrique (WRI, 2019). En effet, les ressources en eau au Maroc subissent différentes pressions à savoir l’augmentation de la demande en eau, en raison de l’explosion démographique, des sécheresses récurrentes et de l’irrégularité des précipitations due aux effets du changement climatique et enfin des exigences du développement économique. En raison de ces différentes pressions, les disponibilités en eau par habitant sont passées de plus de 2500 m3 par habitant par an en 1960 à moins de 700 m3 par habitant par an en 2019, soit une baisse de 75% (DEPF, 2020).

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Une situation pas facile pour l’agriculture, qui vit une véritable année de déficit en eau, comme ce fut le cas en 1980, soit 40 ans plus tard. Cette source de vie et véritable moteur de développement pourrait se raréfier davantage sous l’effet du changement climatique, vu l’annonce des projections indiquant une pénurie dans les zones les plus sensibles entre 2020 et 2050.

L’or bleu dans l’agriculture marocaine

La ratification de l’eau dans un Maroc de plus en plus peuplé est un fait indéniable. Toutefois, l’on ne peut ignorer l’importance de l’or bleu pour l’agriculture qui en est le plus grand consommateur. Les différentes cultures agricoles nécessitent des apports d’eau durant leur développement et leur maturation. Si les précipitations sont trop faibles ou interviennent au mauvais moment, la croissance des végétaux peut être affectée négativement, réduisant le volume et la qualité des récoltes. D’où le recours à l’irrigation, le Maroc reçoit en moyenne annuelle environ 29 milliards de m3 de pluies, le potentiel hydraulique mobilisable, dans les conditions techniques et économiques actuelles, est estimé à 20 milliards de m3, dont 16 milliards à partir des eaux superficielles et 4 milliards en provenance des eaux souterraines.

Au Maroc, les ressources en eau disponibles sont beaucoup plus que les sols aptes à l’irrigation qui limitent le potentiel irrigable. Globalement, les apports pluviométriques sur l’ensemble du territoire sont évalués à 150 Milliards de m3. Elles sont, cependant, très inégalement réparties entre les différentes régions du pays. Ainsi, 15% de la superficie totale reçoit presque 50% des apports pluviométriques. En plus de cette variation spatiale, s’ajoute une variation inter et intra-annuelle des apports très importants qui s’accentuent durant les deux dernières décennies.

Une solide politique d’irrigation

Face à ce défi majeur d’amélioration et de préservation des ressources hydriques, le Maroc a mis en place une solide politique d’irrigation qui génère la moitié du produit intérieur brut agricole et 75% des exportations du secteur. Elle joue donc un rôle économique et social fondamental, car c’est l’une des principales sources de productivité agricole et de revenus pour la population rurale.

La politique volontariste de généralisation des techniques d’irrigation économes en eau et valorisation de l’eau agricole a été adoptée et déclinée en quatre principaux programmes que sont le Programme National d’Économie d’Eau en Irrigation (PNEEI) ; le Programme d’Extension de l’Irrigation (PEI) ; le Programme de réhabilitation et de sauvegarde des périmètres de Petite et Moyenne Hydraulique (PMH) et le Programme de Promotion du Partenariat Public-Privé.

Si le premier (PNEEI) concerne le développement de l’irrigation localisée sur une superficie totale de 550 000 ha, afin d’améliorer l’efficience de l’utilisation de l’eau d’irrigation en agriculture, ce qui permettra à terme d’économiser et de valoriser près de 1,4 milliard de m 3 d’eau. À fin 2019, près de 585 000 ha ont été équipés en goutte à goutte, en dépassement de l’objectif de 2020 qui était de 550 000 ha.

Le second (PEI) a pour périmètre d’action la création de nouveaux espaces irrigués et le renforcement de l’irrigation des périmètres existants sur une superficie de 130 000 ha, et ce, pour remédier à une sous-valorisation de près de 1,2 milliard de m 3 d’eau mobilisée par les barrages destinés à l’irrigation. À fin 2019, près de 82.280 ha sont équipés ou en cours d’équipement.

Le PPP entre en scène

Quant au troisième programme (PMH), il a été mis en place, afin d’améliorer l’efficience de l’infrastructure d’irrigation traditionnelle au niveau des périmètres de PMH, tandis que le tout dernier gravitant autour de la promotion du partenariat Public-Privé dans le domaine de l’irrigation vise à améliorer les conditions techniques, économiques et financières de la gestion du service de l’eau d’irrigation dans les périmètres. Ce programme s’attelle à la préservation de la nappe par la mobilisation des eaux non conventionnelles, à travers divers projets, dont ceux de sauvegarde de l’irrigation et les projets de dessalement de l’eau de mer. À fin 2019, quatre projets de Partenariat Public Privé en irrigation ont été contractés dont deux projets de dessalement de l’eau de mer pour l’irrigation de Chtouka-Ait Baha (15 000 ha) et de Dakhla (5 000 ha).

Ces programmes d’irrigation lancés dans le cadre du Plan Maroc Vert ont permis dans l’ensemble, à fin 2019, d’aménager et de moderniser près de 800 000 ha sous irrigation, soit environ 50% de la superficie irriguée au niveau national. L’investissement consenti a été de 36,1 milliards de DH au profit de 235 000 exploitations, ce qui a permis d’économiser et de valoriser annuellement plus de 2 milliards de m 3 d’eau d’irrigation, dont 1,6 milliard de m 3 au titre des économies d’eau du PNEEI. La superficie irriguée en goutte-à-goutte est passée de 9% de la superficie sous irrigation en 2008 à 37% en 2019.

Les barrages et bassins mis à contribution

Dans la mise en œuvre de ces programmes d’irrigation, le Maroc a pu s’appuyer sur des bassins agricoles, car le Royaume dispose d’importantes infrastructures hydrauliques, dont 149 barrages d’une capacité globale dépassant les 19 milliards mètres cubes (m3). Dans ce dispositif majeur, l’on dénombre une soixantaine de retenues collinaires destinées à l’irrigation agricole, tels que les barrages d’Al Massira, Sultan Moulay Ali Cherif, Moulay Youssef, Yacoub el Mansour, Bin el Ouidane, Ahmed el Hansali, El Mansour Eddahbi, Hassan Eddakhil, Hassan Ier, Abdelmoumen, Lalla Takerkoust, etc.

Récemment, au mois d’octobre, le ministère de l’Agriculture a annoncé une suspension de l’irrigation à partir des barrages dans plusieurs régions agricoles, concernant ces retenues d’eau représentant 557,5 millions de mètres cubes, sur une capacité de stockage de 6,2 milliards de mètres cubes.

Selon le ministre de l’Agriculture, Mohammed Sadiki, le déficit hydrique dépasse aujourd’hui de 68% par rapport à une année normale et de 65% contrairement à la dernière campagne agricole. Celle de cette année a démarré avec un niveau d’eau très bas dans les barrages agricoles pour atteindre31%. Ce pourcentage peut être plus bas, soit 12% en excluant les barrages qui alimentent l’Oum Er-Rbia et le Loukkos, d’où l’arrêt de l’irrigation dans plusieurs périmètres. Essentiellement, l’eau des nappes est utilisée pour sauvegarder l’arboriculture dans certaines zones.

Et pourtant, l’eau est d’une nécessité cruciale pour l’agriculture. Les besoins en eau d’irrigation au Maroc sont plus de 5 823 km3/an. Le ratio des besoins en eau est de 53%, le prélèvement d’eau pour l’irrigation est de 11 010 km3/l’année et la pression sur les ressources en eau due à l’irrigation est de 37,97%.

Leila Mariam

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