Que serait l’actuel téléphone portable sans la batterie au lithium ? Indispensable aujourd’hui pour la téléphonie, l’électromobilité, le stockage de l’énergie…, la batterie au lithium doit sa découverte à un Marocain, dont le nom restera gravé à jamais dans l’histoire des inventions. Portrait de Rachid Yazami, chimiste marocain ayant percé dans la sphère des scientifiques du monde entier.
A l’origine de la découverte des batteries au lithium, Rachid Yazami ne se prédestinait pas à une carrière de scientifique. Natif de Fès, c’est en 1975, après avoir décroché un baccalauréat scientifique dans sa ville natale, qu’il décide de passer les concours d’entrée dans certaines écoles d’ingénieur en France, notamment à Paris et à Grenoble. Des concours qu’il réussit avec brio, lui offrant ainsi plusieurs admissions et un large choix de filières. Or, c’est vers l’Institut Polytechnique de Grenoble qu’il se tourne, optant pour une filière parmi tant d’autres: la chimie. « J’avais le choix entre les mathématiques appliquées, le génie électrique, la physique, l’hydraulique, la métallurgie…, or j’ai choisi la chimie qui me passionnait particulièrement », raconte le scientifique. Au-delà de la passion, Rachid Yazami était surtout poussé par une motivation particulière : la présence du phosphate au Maroc, un secteur où le futur ingénieur ambitionnait de travailler.
Diplôme d’ingénieur en poche en 1978, Rachid Yazami rentre au pays, où une première offre lui est présentée à Rabat, puisque l’Ecole Mohammedia des Ingénieurs lui propose en effet de rejoindre son corps professoral. Une offre que M. Yazami décline pourtant, préférant poursuivre des études doctorales. De retour à Grenoble, ce dernier oriente le choix de sa thèse vers le lithium organique et le travail sur la cathode, à une période où les chercheurs s’intéressaient beaucoup moins au pôle négatif du lithium. En menant ses recherches, Rachid Yazami ne se rend pas compte qu’il sera bientôt à un tournant de sa vie. Et pourtant, la curiosité du chercheur et une expérience qu’il mène donneront un résultat sans précédent… et la solution d’avenir. « Ce fut le fruit du hasard ! En mélangeant le lithium avec le graphite et un polymère, nous arrivions pour la première fois à introduire le lithium dans le graphite dans une cellule électrochimique », raconte le scientifique, qui ajoute : « à cette époque-là, je ne me rendais pas compte des applications que cela pouvait engendrer aujourd’hui. » Après la découverte, la consécration ! En effet, près de 40 ans après, Rachid Yazami se voit décerner le Prix Draper de la National Academy of Engineering.
La reconnaissance au Maroc suit à son tour la même année. Reçu par SM le Roi Mohammed VI à l’occasion de la Fête du Trône en 2014, le célèbre chimiste se voit remettre le Wissam de la Compétence Intellectuelle, plus haute distinction royale allouée à un scientifique. Aujourd’hui résident à Singapour où il est professeur à la Nanyang Technological University, M. Yazami parcourt le monde à la rencontre des chercheurs et des scientifiques avec qui il partage son expérience, sans pour autant oublier son pays d’origine. « Si le Maroc a besoin de moi, je suis là », affirme-t-il. Sa dernière venue au Royaume date en effet d’octobre dernier, où le chimiste marocain a donné une conférence à Rabat, à la Fondation MasCir. Plus que cela, Rachid Yazami appelle au soutien des universités et des organismes de recherche par l’Etat, la recherche nécessitant pour lui une certaine formation, tout en incitant la nouvelle génération des scientifiques marocains à l’esprit amélioratif. « Il faut avoir à l’esprit que tout est améliorable et pousser à effectuer des améliorations et ne pas accepter de solution définitive. Or, pour cela, il faut former. » Titulaire de plusieurs brevets, M. Yazami est également à la tête d’une startup dédiée à développer et à commercialiser ses découvertes. Un concept qu’il encourage, car selon lui, « à partir d’un portefeuille de brevets, l’on peut créer une activité de recherche industrielle.»