Entretien avec Bouzekri Nacir
IDM : Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi est constitué ce réacteur ? Et quel est son mode de fonctionnement ?
BN : Le réacteur nucléaire mis en place par le CNESTEN au Centre d’Etudes de la Mâamora est de type TRIGA MARK II de fabrication américaine.
TRIGA présente les initiales de ‘Training, Research and Isotope production General Atomic’ où GA est le nom du fabricant américain.
Je note que ce réacteur a été conçu et construit selon les normes et standards internationaux de sûreté nucléaire, notamment ceux exigés par l’AIEA.
En général, ce type d’installations comprend une cuve cylindrique en aluminium enfermant le « coeur du réacteur » où est disposé le combustible nucléaire, un alliage métallique en hydrure d’uranium, et qui est couvert d’eau sur une hauteur de neuf mètres.
Le combustible en uranium sert à initier et entretenir la réaction en chaîne grâce aux dispositifs de refroidissement du coeur et d’évacuation d’énergie (chaleur). Quant aux barres de contrôle, elles permettent de piloter le réacteur.
Confiné dans une structure en béton, l’ensemble des dispositifs est contrôlé à partir d’une salle de contrôle par des opérateurs hautement qualifiés et habilités conformément aux règles de sûreté et sécurité nucléaire et radiologique.
IDM : Quel est son intérêt ?
BN : Comme son nom l’indique, la principale fonction de ce réacteur vise la production des radioisotopes utilisés en médecine, notamment l’iode 131 servant au diagnostic et au traitement du cancer.
Il sert, également, à produire d’autres radioéléments utilisés en industrie, en agriculture et en environnement, tels que le brome et l’argon.
La deuxième fonction du réacteur porte sur l’utilisation des neutrons issus de la réaction en chaîne pour la caractérisation des échantillons géologiques, miniers et environnementaux.
Cette technique, connue sous le nom de l’analyse par activation neutronique, est une première au Maroc.
Elle ouvre plusieurs opportunités d’application dans le domaine de la géologie et des mines.
Elle a la spécificité d’être non destructive, rapide et multiélémentaire.
En relation avec les opérateurs concernés, cette technique peut répondre à des besoins de caractérisation d’échantillons pour la cartographie géologique, géochimique et la valorisation des ressources naturelles.
Ce réacteur sert, aussi, à la recherche et la formation en technologie des réacteurs en relation avec les Universités nationales d’une part, et l’AIEA, d’autre part, pour la formation de stagiaires africains.
Enfin, dans le cadre du programme d’utilisation du réacteur, nous travaillons sur le développement de l’imagerie par neutrons et la diffraction neutronique utilisée en industrie et en sciences de la matière.
IDM : Quelle est la différence entre le réacteur du CNESTEN qui a un but scientifique et un réacteur électronucléaire ?
BN : La première différence réside dans le fait que les réacteurs de puissance sont destinés à la production d’électricité alors que les réacteurs de recherche s’intéressent beaucoup plus à la recherche, la formation et la production des radioisotopes et autres.
La deuxième différence réside au niveau de la puissance, le nôtre est de 2 mégas Watt alors que les réacteurs destinés à la production de l’électricité peuvent atteindre 1600 MW.
Dans le monde, il y a presque 440 réacteurs de puissance qui produisent 15 à 17 % de l’électricité mondiale dans une trentaine de pays.
L’autre différence à noter réside au niveau des installations et des équipements auxiliaires, notamment les échangeurs de chaleur, les turbines et les circuits de refroidissement qui sont très importants pour les réacteurs de puissance.
IDM : Que pouvez-vous nous dire sur son dispositif de sécurité et les risques de la radioactivité ?
BN : Je note que les réacteurs de type TRIGA Mark II sont intrinsèquement sûrs et ont été installés dans plus de vingt pays dans des campus et même dans des hôpitaux et des centres-villes par exemple aux Etats-Unis d’Amérique et en Europe.
Depuis 1958, plus de soixante réacteurs ont été construits et n’ont jamais présenté de problème de sûreté nucléaire.
En effet, la probabilité qu’un incident survienne dans ce type de réacteur est quasiment nulle, et ce, vu le nombre de barrières de sûreté nucléaire qui y sont mises en place.
La succession de ces barrières réside premièrement dans la matrice du combustible qui a une grande rétention des matières radioactives et deuxièmement dans sa gaine.
Les autres barrières sont l’eau de la piscine et la structure de blindage en béton armé de haute densité. Enfin, le bâtiment réacteur résiste aux tremblements de terre.

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